Madame la secrétaire d'État, le 4 juin dernier, j’ai eu l’honneur, en tant que présidente du GIP Enfance en danger, le GIPED, de vous remettre le neuvième rapport de l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED.
Ce rapport évoquait plusieurs chiffres concernant la protection de l’enfance. Je crois utile de rappeler ici que, au 31 décembre 2011, environ 275 200 mineurs étaient pris en charge par les services de protection de l’enfance, soit près de 2 % des moins de 18 ans.
Plusieurs pistes visant à améliorer la législation étaient également envisagées. Ainsi, il était question de développer de manière systématique le projet pour l’enfant, ou PPE, et de définir à l’échelon national un référentiel des besoins de l’enfant. Il s’agissait également de réaliser des études sur le fonctionnement des parquets dans le circuit du signalement et dans l’articulation entre évaluation administrative et évaluation judiciaire. Il était enfin proposé de mieux comprendre les points de vue des parents et leurs possibles engagements dans le déroulement des mesures de protection et de rechercher une meilleure implication de leur part, bien sûr, mais aussi et surtout de la part du mineur dans la mesure mise en place.
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis heureuse de constater que la proposition de loi de Michelle Meunier, également membre du GIPED, et de Muguette Dini – je tiens à les remercier et je les félicite de leur excellent travail – reprend l’ensemble des pistes déjà suggérées dans le rapport d’information que celles-ci avaient remis sur la protection de l’enfance.
La proposition de loi qui est soumise à notre examen n’est pas une réforme globale du dispositif de protection de l’enfance. Elle a vocation à améliorer la loi du 5 mars 2007, qui s’inscrit dans la lignée de la Convention relative aux droits des enfants, dont on fête cette année les vingt-cinq ans, cela a été dit.
Dès 2007, l’application de cette loi a fortement mobilisé les conseils généraux et, je tiens à le rappeler, s’est réalisée à moyens constants dans un contexte de travail déjà en tension.
Les conseils généraux se sont donc consacrés à l’amélioration du repérage des situations de danger par la mise en place ou l’officialisation de « cellules enfance en danger », les CRIP. Ils ont été mobilisés pour élaborer des projets relatifs à l’amélioration de la prise en charge des enfants par les services de l’aide sociale à l’enfance. Ils ont su répondre favorablement aux défis posés. Je suis fière du travail accompli par tous les personnels du service public de la protection de l’enfance, même si nous sommes tous bien conscients de la nécessité de toujours améliorer nos actions en faveur des enfants et des jeunes en danger.
Aujourd’hui, c’est parce que la loi du 5 mars 2007 continue d’avoir un impact sur les pratiques et les organisations qu’il convient de trouver, ensemble, les moyens de la faire évoluer.
Ce texte prévoit d’améliorer la réforme en poursuivant la mobilisation des professionnels et des acteurs, qu’ils soient publics ou privés. Je profite de cet instant pour saluer le travail de l’ensemble de ces professionnels – éducateurs, intervenants sociaux et médicaux-sociaux, assistants familiaux – qui œuvrent dans les services, établissements ou chez eux. Ils sont parfois injustement mis en cause, alors qu’il est nécessaire de faire évoluer les pratiques et de mieux coordonner l’ensemble des interventions auprès des jeunes et de leur famille. Madame la secrétaire d'État, vous l’avez d'ailleurs fort bien rappelé à l’instant.
Il est également primordial de ne pas avoir une vision dogmatique, dualiste, binaire de la protection de l’enfance, opposant l’intérêt de l’enfant et les droits des parents. Cette dualité, je m’y refuse : c’est une vision simpliste qui enferme les acteurs et les décideurs. Il faut se permettre d’innover, d’expérimenter, en s’inspirant aussi de schémas familiaux parfois différents des nôtres, qui peuvent apporter de véritables solutions pour les enfants confiés.
J’en viens aux apports de la proposition de loi.
Il s’agit tout d’abord d’améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l’enfance. À ce titre, il me paraît important de s’inspirer de la représentation du GIPED respectant l’équilibre entre les différents partenaires – services de l’État, conseils généraux, élus, associations. J’en profite pour rappeler les deux missions principales du GIPED : d’une part, le fonctionnement du numéro d’urgence, le 119, et, d’autre part, l’observation et l’évaluation des politiques publiques de la protection de l’enfance, notamment avec l’ONED.
Je veux insister sur un autre apport significatif du texte, à savoir la sécurisation du parcours des enfants protégés, qui connaissent encore trop souvent des itinéraires chaotiques. Il faut considérer l’enfant non pas en fonction de son statut – en assistance éducative, en accueil provisoire, en établissement –, mais dans sa globalité, afin de concilier ses besoins et son projet de vie à court, moyen et long termes.
Il est indispensable d’interroger la finalité du projet pour l’enfant. Quelles sont les actions à mettre en œuvre pour permettre à cet enfant de devenir un adulte autonome et de s’insérer socialement avec des repères affectifs ? C’est bien là le sens de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Je terminerai en évoquant les situations de délaissement ou d’abandon, qui doivent être mieux repérées et prises en compte.
L’adoption est une véritable mesure de protection de l’enfance. Pour autant, elle est souvent identifiée comme un dispositif « à part », devant répondre aux besoins des couples sans enfant. D’aucuns l’ont dit d’une autre manière déjà. Pour l’enfant, le pire n’est pas l’abandon ou le délaissement, c’est de ne pas savoir pendant cinq ans, dix ans, voire quinze ans s’il est abandonné ou pas. C’est cette instabilité qui crée la plus grosse difficulté.
Il me semble également indispensable d’avoir les retours de la concertation que vous avez mise en place, madame la secrétaire d'État, concertation unique en son genre, à laquelle j’ai pu participer, vous l’avez signalé, en tant que présidente de conseil général. Il s’agit, là encore, de croiser les regards et de construire, ensemble, la politique de protection de l’enfance.
Madame la secrétaire d'État, ce texte devra être complété par les dispositions réglementaires adéquates, afin de permettre aux services départementaux et à la justice de le mettre efficacement en œuvre.
Si certains points me paraissent perfectibles, ce que j’étayerai lors de l’examen des articles en proposant plusieurs amendements, cette proposition de loi me semble un bon support législatif, pour améliorer la réforme de 2007, sept ans après son entrée en vigueur, au regard des pratiques constatées.