Intervention de Catherine Procaccia

Réunion du 30 novembre 2007 à 15h00
Loi de finances pour 2008 — Travail et emploi

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia :

Certes, le projet soulève de nombreuses difficultés, et ses détracteurs se font fort d'expliquer que les deux structures n'ont pas le même statut, que l'ANPE obéit à un mode de gestion public tandis que l'UNEDIC est entièrement paritaire, ce qui conduirait, dans leur esprit, à créer une usine à gaz. Mais, selon moi, on perd ainsi de vue le véritable sujet, à savoir la gestion de l'emploi, dans un pays, la France, qui fait moins bien que les autres. Depuis plus de vingt ans, les fonctions de suivi, de placement et, souvent, de formation des chômeurs ont été unifiées en Europe, permettant à nos voisins de disposer d'un service d'aide à la recherche d'emploi plus performant, plus réactif et, surtout, plus personnalisé.

La fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC présentera, à mon sens, un autre avantage ; elle devrait favoriser l'émergence d'une évaluation complète du service public de l'emploi. Aujourd'hui, il est impossible d'avoir une vision globale et indépendante des dispositifs d'accompagnement des chômeurs, notamment parce qu'ils sont proposés par une multiplicité d'organismes.

Je pense que la fusion devra ensuite aboutir rapidement à une régionalisation accrue de ces organismes, car un bon accompagnement des demandeurs d'emploi passe par une bonne connaissance du marché local du travail et par la proximité.

Comme M. le rapporteur pour avis, je tiens cependant à émettre une réserve, car je regrette que l'une des conséquences de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC ne soit le gel des maisons de l'emploi, tout au moins de celles dont le projet n'est pas encore assez avancé et qui ne pourront donc voir le jour. En ce qui concerne les maisons de l'emploi déjà créées, il faudra que les acteurs qu'elles ont réunis puissent coopérer avec le nouveau service public de l'emploi. Pourriez-vous, madame la ministre, nous donner votre sentiment sur ce point ? Je souhaiterais également que vous nous fassiez part du calendrier de la réforme, ainsi que de son financement.

Je dirai maintenant quelques mots sur les contrats aidés. La Cour des comptes, à la demande de la commission des finances du Sénat, a établi un panorama de la politique des contrats aidés sur la période récente qui fait apparaître l'éclatement, la complexité des dispositifs et, surtout, la forte instabilité de leurs conditions de mise en oeuvre.

Cependant, le bilan de ces contrats est positif puisque ces derniers permettent de prendre en compte les besoins de certains publics particuliers. Ils jouent un rôle d'insertion sociale, voire de prévention de l'exclusion, à l'égard des personnes les plus vulnérables et les plus éloignées de l'emploi.

Concernant le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, je partage le souci de rationalisation du Gouvernement. À partir du moment où ce dispositif présente de trop importants effets d'aubaine et s'adresse au même public que le contrat initiative emploi, il convient de fusionner les deux dispositifs.

Je souhaite par ailleurs, madame la ministre, que vous évoquiez devant nous les perspectives ouvertes par le Grenelle de l'insertion.

J'en viens au plan de développement des services à la personne, dont le premier bilan est très positif. Ainsi, 116 000 nouveaux emplois, correspondant à 33 000 emplois en équivalent temps plein, ont été créés en 2006, soit une multiplication par trois du rythme de la création d'emplois. Le nombre de structures agréées a doublé entre 2005 et 2006.

Le Gouvernement propose, à l'article 55 rattaché, de réformer les exonérations dont bénéficient les prestataires de services intervenant auprès de publics non fragiles. Il s'agit de revenir progressivement à des conditions de droit commun, le secteur étant en plein essor. Cette évolution me paraît un peu risquée La distinction avec les publics non fragiles rend le système complexe. De surcroît, ces dispositifs ont été créés très récemment et permettent à un certain nombre de personnes de retrouver un emploi ; il me semble donc prématuré de supprimer des exonérations dans un secteur en pleine expansion. C'est pourquoi je m'associe au souhait de la commission de maintenir l'ensemble du dispositif.

Je dirai également un mot sur la suppression, aux termes de l'article 57, de l'AER, l'allocation équivalent retraite, qui s'inscrit dans la politique générale d'encouragement à l'emploi des seniors. Il s'agit de supprimer les multiples dispositifs de cessation précoce d'activité.

Comme l'ont expliqué MM. les rapporteurs, il semble inutile de différer, dans un but d'évaluation, la suppression de l'AER. Au sein de l'Union européenne, notre pays est très en retard concernant le taux d'emploi des seniors, thème particulièrement cher à la commission des affaires sociales. Nous devons lutter contre l'exclusion, et je félicite le Gouvernement de s'être attaqué au problème.

Le plan national pour l'emploi des seniors a pour objectif, à l'horizon 2010, un taux d'emploi de 50 % des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans, au lieu de 37 % actuellement. Notre pays a besoin de toutes ses forces et de toutes ses compétences. Ce n'est pas parce que l'on a cinquante-cinq ans que l'on ne peut plus rien offrir à cet égard.

Je soulignerai enfin que ce projet de loi de finances prévoit la poursuite du renforcement des dispositifs d'alternance, grâce à une augmentation des crédits consacrés à la formation.

Aussi, je souhaiterais profiter de nos débats pour évoquer le système de formation français. Ayant fait pendant dix ans, en début de carrière, de la formation interne, c'est un secteur que je connais bien, même si nos collègues Jean-Claude Carle et Bernard Seillier, respectivement président et rapporteur de la mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, le connaissent maintenant mieux que moi. Ils ont d'ailleurs dressé un tableau assez noir de ce système.

Le rapport, souvent cité depuis, a dénoncé les trois maux de la formation professionnelle : complexité, cloisonnements et corporatisme. Pour les entreprises qui veulent former leur personnel, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises, voire pour les très petites entreprises, c'est un véritable parcours du combattant ; mais cela l'est également pour les salariés qui souhaitent en bénéficier.

Les moyens accordés à la formation sont importants : la formation professionnelle continue et l'apprentissage ont drainé 24 milliards d'euros en 2004, et la dépense est en constante progression.

Cependant, le problème est que la formation ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin. La formation bénéficie surtout aux grandes entreprises et aux demandeurs d'emploi les plus qualifiés. L'effort moyen de formation par salarié représente 791 euros dans les entreprises de dix salariés et plus, contre 74 euros dans les entreprises de moins de dix salariés ; 24 % des titulaires de CAP ou de BEP ont accès à la formation professionnelle continue, contre 44 % de diplômés de l'enseignement supérieur.

Aujourd'hui, si nous voulons relancer notre système, il faut passer, comme cela est préconisé dans le rapport sénatorial, d'une logique de dépenses à une logique d'investissement et de résultat, ...

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