Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans un contexte de suspicion sur la réalité des chiffres du chômage dans notre pays que s'ouvre ce débat sur la mission « Travail et emploi ».
Ces « incertitudes » sur le taux du chômage viennent accroître les inquiétudes de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Le récent mouvement étudiant contre la loi sur l'autonomie des universités en est un mode d'expression. En refusant la participation des entreprises dans le financement et donc la direction des universités, les étudiants crient haut et fort leur crainte de voir les entreprises intervenir directement dans les choix pédagogiques.
Ce qu'ils redoutent, c'est une formation spécifique, liée aux entreprises et répondant à leurs seuls besoins, dans un bassin d'emploi bien défini ; mais le risque d'une délocalisation de l'emploi est grand, et nos étudiants craignent donc l'inadaptation de leurs diplômes, en cas de départ de l'entreprise qui les aura « commandés ».
Ce n'est pas la réponse de Mme Pécresse à mon collègue M. Jean-François Voguet, hier, au cours des questions d'actualité, qui va les rassurer ; ce n'est pas non plus la manière forte employée hier sur le campus grenoblois, à la demande des présidences d'université, en vue de la réouverture des locaux et de la reprise des cours qui va apaiser la situation, puisque des étudiants ont été blessés à cette occasion. Pourtant, le calme, nécessaire à la concertation, doit être retrouvé.
J'en reviens, sans m'en être vraiment éloignée, à la mission « Travail et emploi ».
Le Président de la République avait dit vouloir faire de la question de l'emploi, comme de celle du pouvoir d'achat, une priorité. Nous l'avons entendu hier soir : rien de bien nouveau ne se profile à l'horizon, si ce n'est « travailler plus pour gagner plus ».
On sait ce qu'il en est du pouvoir d'achat et on voit ce qu'il en sera de l'emploi : une priorité affichée, mais en recul de 2, 7 %.
J'en veux pour exemple le programme 102, intitulé « Accès et retour à l'emploi », qui concerne les personnes les plus fragiles. Pourtant, c'est bien en direction des populations justement appelées « fragiles » que l'État doit consacrer ses efforts.
Le même sort, celui des coupes claires, est réservé au programme 103, intitulé « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » mais qui aurait pu s'appeler : « Comment les pouvoirs publics viennent compenser les délocalisations et autres restructurations d'entreprises ».
En effet, ce que nous dénonçons ici - ne vous y trompez pas, mes chers collègues ! -, c'est non pas la solidarité nationale, mais le fait que celle-ci intervienne en raison de choix économiques souvent contestables, visant à assurer aux actionnaires une croissance à deux chiffres, et ce sans grand souci de l'emploi. Ce que nous dénonçons, c'est la conséquence directe de la première mesure prise par la droite en 2002, à savoir la suppression de la loi du 4 janvier 2001 sur le contrôle des fonds publics, présentée par M. Robert Hue.
Pour en revenir au programme 102, le Gouvernement propose - c'est une mesure phare que Mme Procaccia a évoquée - de rapprocher les services offerts par l'ANPE et l'UNEDIC.
Qu'en est-il en réalité ? D'ores et déjà est annoncée la suppression de cent quatre-vingt-trois postes. Comment, dans le même temps, promettre que chaque agent de la future agence fusionnée s'occupera de trente demandeurs au plus, alors qu'il gère aujourd'hui plus de cent dossiers ? Le suivi personnel et individualisé, pourtant nécessaire, ne pourra pas aboutir, à moins que vous n'ayez dans votre besace une solution complémentaire bien dissimulée, madame la ministre, à savoir le recours accentué au privé !
Monsieur le ministre, vous dites vouloir offrir un guichet unique au demandeur d'emploi. Cela revient à supprimer la séparation entre le prescripteur et le payeur. Le demandeur d'emploi y a-t-il intérêt ?
Dans cette contre-réforme, comme dans toutes les autres, il faut chercher qui en profite : le patronat. Ce projet est sans conteste dans la continuité du PARE, le plan d'aide au retour à l'emploi, car la main qui versera l'allocation sera aussi celle qui mettra en relation l'employeur et le chômeur. Il suffit d'être chômeur pour comprendre immédiatement ce que cela veut dire. Refuser la mise en relation, c'est remettre en cause le versement des allocations, tout comme son inscription dans les chiffres du chômage. C'est ainsi que l'on se retrouve avec des chiffres bien différents.
Le service en sera-t-il amélioré ? Il y a lieu, là encore, d'en douter. Les salariés de ces deux agences vous mettent en garde, madame la ministre, contre ce qui va être l'une des principales difficultés : la pluridisciplinarité. Un agent va devoir simultanément accueillir le demandeur, participer à la recherche de son emploi, organiser la formation du chômeur et gérer ses indemnisations.
Quelles formations sont-elles prévues pour permettre aux salariés des ASSEDIC d'accomplir des tâches alors dévolues à l'ANPE et vice-versa ? Aucune !
Par ailleurs, l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, pilier du service public de l'emploi, deviendra un prestataire au même titre que n'importe quel autre opérateur, et sera soumise à concurrence pour avoir les marchés dans les régions. Ce n'est pas d'une telle fusion que les salariés, actifs ou demandeurs d'emploi, ont besoin ; ce qu'il leur faut, c'est un service public de l'emploi orienté tant vers les chômeurs que les actifs, afin de sécuriser les parcours professionnels de chacun.
La réalité - je le disais plus haut -, c'est que le Gouvernement, en fusionnant ANPE et UNEDIC, ne veut pas d'un service public de l'emploi ; son souhait est d'offrir sur un plateau d'argent cet important marché aux sociétés privées !
Tel est déjà le cas dans de nombreux départements gérés par la majorité, qui recourent de plus en plus à des sociétés privées, à l'image d'INGEUS, pour réinsérer sur le marché du travail des demandeurs d'emploi ; mais attention, pas tous les demandeurs d'emplois : les jeunes diplômés et les cadres !
L'ANPE, de son côté, continue à s'occuper des cas les plus complexes.
Le Gouvernement a, dans le domaine de l'emploi, la même réflexion que dans celui de la santé : ce qui coûte cher et est complexe reste dans le giron des services publics ; ce qui rapporte passe au privé.
J'en viens maintenant au programme 111, intitulé « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », et dont l'une des rubriques se nomme « Santé et sécurité au travail ».
Là encore, c'est la déception : le budget est amputé de près de 3 millions d'euros. Est-ce à dire que, selon vous, madame, monsieur les ministres, la santé des salariés est dans un état tellement satisfaisant qu'il vous faille réduire les crédits ? Si telle est votre conception, elle n'est pas celle des salariés eux-mêmes.
Je vous reconnais toutefois une certaine logique. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, vous avez refusé tous nos amendements visant à garantir un service public de la médecine du travail. Vous avez même fait le choix de privatiser partiellement cette dernière en autorisant les médecins qui pratiquent les contre-visites pour le compte de l'employeur à donner à la CNAM un avis sur le maintien du paiement des allocations journalières. Vous avez refusé d'exonérer les salariés victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles de vos franchises médicales, ce qui revient, au final, à leur renier le caractère de victimes.
Pourtant, l'Inspection générale des affaires sociales précise, dans son rapport d'octobre 2007, l'étendue de la crise et tire un constat alarmant de la médecine du travail : « Les signes de dysfonctionnement se sont multipliés ces dernières décennies : forte augmentation des maladies professionnelles, désaffection pour le métier de médecin du travail, inapplication de la loi, éparpillement des responsabilités... ».
Dans ce même rapport, elle considère que la médecine du travail n'est pas en mesure de relever les défis à venir : « La médecine du travail est mal armée pour affronter les transformations du système productif » ; et de rajouter que « la médecine du travail manque d'outils pour sa pratique professionnelle ». Elle manque également d'indépendance, les cas de médecins du travail ayant minoré les risques apparaissent chaque jour.
Que fait le Gouvernement ? Il diminue les crédits. Décidément, la santé des travailleurs lui importe beaucoup moins que celle des portefeuilles des actionnaires !