Intervention de Annie Jarraud-Vergnolle

Réunion du 30 novembre 2007 à 15h00
Loi de finances pour 2008 — Travail et emploi

Photo de Annie Jarraud-VergnolleAnnie Jarraud-Vergnolle :

Le nombre des emplois atypiques et précaires est en augmentation. Pour une part croissante de salariés, le quotidien consiste à avoir un pied dans l'emploi, l'autre dans le chômage.

Ces situations mixtes permettent aux employeurs d'ajuster leurs effectifs à la situation du marché, tout en conservant précieusement leurs salariés qualifiés, indispensables au bon fonctionnement de leurs entreprises.

Les supplétifs de l'emploi jouent donc un rôle essentiel de variable d'ajustement, dans un système économique où la demande est de plus en plus volatile. Ils sont les premières victimes, et, parmi eux, les femmes subissent les plus lourds inconvénients.

Aujourd'hui, même un CDI à temps plein ne garantit pas forcément des revenus permettant de vivre décemment.

Un salarié sur deux travaillant à temps plein gagne moins de 1 500 euros par mois. Ce salaire médian a baissé de 0, 4 % si l'on tient compte de l'inflation.

Le SMIC n'est même plus le salaire minimum : dans 55 branches professionnelles sur 84, les minima salariaux y sont inférieurs, selon des sources de l'INSEE.

À côté de ces chiffres consternants, les plus grandes entreprises, notamment celles du CAC 40, ont affiché depuis trois ans des profits records, distribué des dividendes tout aussi faramineux, et quasiment gelé les salaires !

Alors que la France est de plus en plus riche, jamais elle n'a été aussi inégalitaire : 7, 1 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, dont 2 millions exerçant une activité professionnelle !

Votre politique accroît et pérennise la précarité. L'Observatoire des inégalités, dans un rapport paru en août 2007, souligne qu'une frange considérable de la population manque de ressources. Mais il ne s'agit pas, dans la plupart des cas, du dénuement total comparable à ce que l'on rencontre dans les pays les plus pauvres. Il n'empêche que des millions d'enfants, d'hommes et de femmes vivent à l'écart des normes de la société. Ils aspirent non pas seulement à manger, mais aussi à avoir un logement décent, à étudier et à travailler, à se soigner comme les autres. Cette pauvreté suscite l'indignation dans tous les milieux sociaux, mais elle est souvent déconnectée de la question des inégalités de façon générale.

Pour une plus grande équité, il serait maintenant primordial de parvenir à enclencher un processus de sécurisation des parcours professionnels avec une amélioration des droits sociaux des salariés, une reconnaissance de leurs acquis professionnels, un accès développé à la formation et des revenus ajustés.

Mais il ne semble pas que ces options fassent partie de vos priorités.

Paradoxalement, l'été dernier, la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a mis en oeuvre une multiplication de cadeaux fiscaux ciblés sur les plus aisés, sans effets sur la croissance de l'activité, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

A contrario des déclarations faites par Nicolas Sarkozy - « il faut nettoyer les niches fiscales qui rendent notre système opaque et inégalitaire et remettre à plat tous les grands prélèvements » -, la loi fiscale de juillet dernier a multiplié les niches fiscales, notamment en matière d'ISF.

C'est ainsi la rente, et non le travail, qui est récompensée.

En effet, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale a pu obtenir les premiers éléments d'appréciation des effets du bouclier fiscal : au premier semestre 2007, 2 400 contribuables étaient concernés et ont reçu chacun un chèque moyen de 50 000 euros.

Quant à l'exonération des heures supplémentaires et à ses effets sur l'activité, les économistes sont unanimes pour dire que cette mesure ne créera pas d'emplois. Elle pourrait même en détruire, en dépit de son coût exorbitant et dangereux pour les finances publiques.

J'en viens au budget de la mission « Travail et emploi ».

Sous prétexte, d'une part, d'une amélioration apparente des chiffres de l'emploi, alors que ces derniers ne révèlent ni la réalité de la création d'emploi ni la précarisation croissante des situations d'emploi - une offre d'emploi de sept heures suffit pour être comptabilisée en création d'emploi -...

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