Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 30 novembre 2007 à 15h00
Loi de finances pour 2008 — Travail et emploi

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, avoir pour objectif un taux de chômage de 5 % et un taux d'activité de 70 % ne manque pas d'ambition.

L'afficher urbi et orbi, alors même que le taux de chômage est aujourd'hui de 8, 1 %, que la croissance est poussive, que le solde net d'emplois créés reste faible, tandis que la précarité n'a jamais été aussi forte, ne manque pas d'aplomb.

Faire croire que ce résultat sera atteint avec un budget en baisse de 2, 5 % par rapport à 2007 et dans lequel la seule solution proposée pour vaincre le chômage repose sur une fusion administrative entre l'ANPE et l'UNEDIC, mettre ses espoirs dans la suppression des contrats aidés, dans les coupes franches opérées dans le budget de la formation professionnelle, dans la promotion d'un plan senior mis en avant sans qu'aucune ligne budgétaire n'en assure l'efficacité, relève de la mystification.

Vous vous réjouissez, monsieur le ministre, de la baisse du chômage constatée par l'INSEE ; pourtant nos concitoyens ont toujours autant de mal à trouver un emploi, les jeunes encore plus de mal à rentrer sur le marché du travail et les seniors à y rester.

Les départements croulent sous la charge du RMI et, quand l'emploi est enfin là, il est souvent précaire, partiel, mal payé. Chacun sait que les travailleurs pauvres sont aujourd'hui légion.

Votre projet de budget fait l'impasse sur la contestation aussi récente qu'argumentée des chiffres du chômage par des experts de l'INSEE. Vous vous gardez bien également de dire que plus de la moitié des allocataires du RMI, par exemple, ne sont pas inscrits à l'ANPE. « Cela pour ne pas alourdir les statistiques, ce qui équivaut à les priver de tout accompagnement professionnel », selon un membre du Gouvernement auditionné à l'Assemblée nationale.

Aujourd'hui, un emploi créé sur six l'est en intérim. La plupart des nouveaux emplois sont cantonnés dans le domaine des services aux entreprises ou aux particuliers, tandis que les effectifs dans l'industrie ne cessent de se réduire. Ces emplois sont fragiles par essence et rarement à temps complet. Pourtant, passer de la stabilité à la précarité est loin d'être neutre sur l'équilibre d'une société et sur la façon dont elle se projette ou ne se projette plus dans l'avenir.

Le fait qu'aujourd'hui les créations d'emploi se fassent sur des emplois précaires par définition est de mauvais augure. Tandis que le pouvoir d'achat est au coeur des préoccupations des Français, la moitié des salariés à temps partiel touche un salaire mensuel inférieur à 750 euros. Ils sont l'archétype de ces travailleurs pauvres pour qui le travail n'est plus gage d'insertion et peine même à assurer leur existence.

Aujourd'hui, le travail n'est plus pour beaucoup un facteur d'émancipation et d'ascension sociale. C'est à tel point vrai que la question de la revalorisation du travail ne passe plus pour vous par la fiche de paye, les accords salariaux et la garantie des droits des salariés, mais se réduit aux acquêts des heures supplémentaires pour ceux qui peuvent en faire.

Alors qu'il est plus que jamais nécessaire de mettre en place une politique de l'emploi cohérente, lisible et stable, ce budget n'en porte pas l'empreinte. Votre politique en matière d'emploi est finalement plutôt basique et, bien qu'ayant fait la preuve de son absence de résultat, elle est sans cesse reconduite avec toujours plus de moyens. Elle s'appuie essentiellement sur les allégements de cotisations sociales et, à moindre mesure, sur l'accroissement des dépenses fiscales.

Ainsi, la majeure partie des crédits que le Gouvernement prétend consacrer à l'emploi est totalement hors de la mission, soit 26, 84 milliards d'euros pour les allégements de cotisations sociales, patronales pour l'essentiel, et 9, 6 milliards d'euros de dépenses fiscales.

Ces choix ne sont pas sans conséquences. La politique de l'emploi, consistant essentiellement en allégements de charges patronales, permet de faire assumer le financement de la protection sociale par les ménages, tout en réduisant le champ d'intervention des partenaires sociaux puisque l'État mobilise ses capacités de financement sur un domaine où il a tous pouvoirs.

Surtout, cette politique repose maintenant clairement entre les mains de Bercy.

Derrière chaque politique de l'emploi, il y a des êtres humains ; mais votre gestion repose de plus en plus sur des objectifs comptables et des logiques strictement budgétaires. La dimension sociale de ces politiques se réduit comme peau de chagrin quand elle n'est pas tout simplement oubliée.

Enfin, la question des demandeurs d'emplois se concentre essentiellement sur l'annonce de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC sous la tutelle de Bercy, mettant en doute la volonté d'améliorer le suivi des chômeurs. Le principe de sanction est alors mis en avant plutôt que l'obligation de moyen. Le placement selon la logique de « l'emploi convenable » souffre d'un manque de précision inquiétant.

Dans le même temps, certains crédits dont l'utilité semblait pourtant incontestée sont gelés ou supprimés. C'est le cas de ceux qui étaient destinés aux maisons de l'emploi.

Nombreux sont d'ailleurs les élus, de droite comme de gauche, qui s'inquiètent du signal négatif envoyé par cette décision, alors que ces maisons de l'emploi n'en sont qu'à leur début et que la mise en réseau des professionnels de l'insertion, des acteurs de l'entreprise et des élus commençait à donner des résultats.

Un tel désengagement de l'État, qui vise à transférer à terme la charge de ces services sur les collectivités locales, accentue encore les difficultés de celles d'entre elles qui concentrent déjà sur leur territoire toutes les misères et toutes les exclusions. Que feront les villes de banlieue où le chômage touche 42 % des jeunes de moins de 25 ans et où le taux de chômage des actifs est de 22 %, contre 8, 1 % en moyenne dans le pays ?

La baisse importante du nombre des contrats aidés est un autre sujet d'inquiétude. Si l'idée de simplifier le maquis que constituent ces contrats n'est pas en elle-même critiquable, ce sont les justifications avancées qui sont inquiétantes. En effet, on ne peut lier l'amélioration des chiffres du chômage et de la croissance, que vous revendiquez, à la disparition de ces contrats. Ceux-ci sont destinés aux publics les plus fragiles, donc les plus éloignés de l'emploi ; ils servent au maintien de la cohésion sociale dans les bassins les plus touchés par la crise économique et industrielle ; surtout, ils s'adressent à un public qui n'a pas les moyens d'attendre les résultats du Grenelle de l'insertion.

Lorsqu'il s'agit d'offrir des milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux plus favorisés, vous n'avez besoin ni de réaliser une évaluation ni de mettre en place un Grenelle des privilèges, mais quand il s'agit de prendre en charge les plus fragiles, vous supprimez allégrement les aides au nom des économies nécessaires, dans l'attente d'un nouveau dispositif !

Enfin, j'illustrerai votre refus de considérer les réalités sociales au nom d'objectifs aussi comptables qu'idéologiques par l'exemple de l'AER, l'allocation équivalent retraite. Au motif que ce dispositif serait en contradiction avec le plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors, vous avez décidé de supprimer d'un trait de plume l'AER.

Quand on sait que seuls vingt contrats à durée déterminée seniors ont été signés alors que plus de 62 000 AER sont distribuées, votre décision est pour le moins brutale, d'autant qu'il n'y a aucun dispositif d'accompagnement spécifique pour ces demandeurs d'emplois âgés et peu qualifiés.

Toutefois, si l'on songe que l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique, varie en fonction des ressources...

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