Intervention de Anne Courrèges

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 décembre 2014 : 1ère réunion
Audition de Mme Anne Courrèges candidate pressentie à la direction générale de l'agence de la biomédecine en application de l'article l. 1451-1 du code de la santé publique

Anne Courrèges :

Je suis très honorée d'être proposée pour occuper la fonction de directrice générale de l'Agence de la biomédecine et très heureuse de me trouver devant votre commission aujourd'hui. Comme vous le savez, les relations entre l'Agence et le Parlement sont étroites, tant avec les commissions qu'avec l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Certaines des missions les plus récentes de l'Agence sont d'ailleurs issues d'amendements parlementaires. C'est par exemple le cas de la veille en matière de neurosciences.

Je me propose de vous exposer la situation, les enjeux et perspectives de l'Agence, puis de vous dire quelques mots de mon parcours et de mon engagement.

Comme vous le savez, l'Agence a repris en 2004 les attributions de l'Etablissement français des greffes (EFG), en ce qui concerne le prélèvement et la greffe d'organes, de tissus et de cellules. Elle s'est vu confier d'autres missions concernant la procréation, l'embryologie et la génétique humaines. Elle est également compétente en matière de recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.

Les compétences de l'Agence sont très larges et ont en commun de faire appel à une expertise de haut niveau, médicale, scientifique, juridique et éthique.

A la différence d'autres opérateurs sanitaires, l'ABM est une « agence sanitaire opérationnelle » car elle est à la fois acteur et pilote de l'organisation des greffes. Elle exerce ainsi quatre types de missions : une mission d'encadrement, au titre de laquelle elle dispose d'un pouvoir d'inspection et d'autorisation, comme en embryologie et génétique ; une mission d'évaluation, s'agissant par exemple de l'activité des centres d'assistance médicale à la procréation ; une mission d'accompagnement, comme l'a montré son rôle central pour finaliser le dispositif du don croisé de rein, ouvert par le législateur en 2011 ; une mission d'information des pouvoirs publics, ainsi que des professionnels et de la société civile, comme l'illustre le site internet consacré à la génétique et accessible au grand public. A ces différentes missions se rattache également sa mission générale de promotion du don, qui se traduit actuellement par la campagne de promotion des gamètes.

Dans l'exercice de ses missions, l'Agence veille à porter et incarner les valeurs de transparence, de solidarité, d'équité et d'éthique sur lesquelles reposent les lois de bioéthique.

L'établissement emploie environ 270 personnes pour un budget d'un peu plus de 80 millions d'euros. C'est donc un établissement public national à taille humaine. J'associe également à son effectif les 800 experts qui lui apportent leur concours mais aussi les associations de patients, d'usagers et de promotion du don. Car l'Agence de biomédecine (ABM) n'est pas une agence isolée ; elle s'inscrit pleinement dans son « écosystème ».

L'Agence va fêter ses 10 ans en 2015. D'après tous les échanges que j'ai pu avoir, c'est un anniversaire qu'elle peut aborder sereinement. Elle est en effet respectée et a su trouver sa place, ce qui n'était pourtant pas évident tant en raison de son rôle de régulateur qui n'est pas toujours spontanément accepté, que de la sensibilité des sujets traités.

Cela tient au grand professionnalisme et à la qualité de ses agents ainsi qu'à l'engagement de ses directrices générales ; je tiens notamment à saluer le travail accompli par Emmanuelle Prada-Bordenave. Cela tient aussi à une méthode et à un état d'esprit : transparence, déontologie, expertise, anticipation, réactivité et disponibilité sont les maîtres mots de l'Agence. Cela tient enfin à la qualité et à la fluidité des relations que l'Agence a su nouer avec ses principaux partenaires et interlocuteurs.

J'en viens aux enjeux et perspectives de l'Agence. Il découle de ce que je viens de dire que le premier enjeu est celui de la continuité. L'Agence intervient dans un contexte en renouvellement permanent compte tenu des progrès très rapides de la science. Il suffit de penser aux perspectives ouvertes par la génétique, la thérapie cellulaire, le diagnostic anténatal ou la recherche sur les cellules souches qui soulèvent des questions difficiles pour notre système de santé du point de vue éthique, médico-scientifique ainsi qu'économique et organisationnel.

L'année prochaine, l'activité de l'Agence s'inscrira dans la poursuite des orientations définies par le contrat d'objectifs et de performance 2012-2015 et par les deux plans pluriannuels qui leur sont annexés, dont le plan Greffe. Les actions prévues pour lutter contre la pénurie en matière de greffe constituent l'une des priorités de l'Agence.

L'élargissement du cercle des donneurs vivants ou la possibilité de dons croisés représentent des avancées importantes ; l'Agence doit accompagner leur montée en charge. Il en va de même du prélèvement sur personnes décédées, qui reste la source principale de don.

En 2015, une attention particulière devra être accordée à la question des prélèvements d'organes sur les donneurs décédés d'un arrêt circulatoire contrôlé après arrêt des thérapeutiques actives dits de « Maastricht III ». Un élan décisif a été donné à ce sujet grâce à l'audition publique organisée par l'OPECST en février 2013. Sur cette base, un protocole rigoureux a été défini, reposant notamment sur l'étanchéité des procédures de fin de vie et de prélèvement. Une première convention a été signée avec le Centre hospitalier d'Annecy. Une très grande vigilance s'impose compte tenu de l'extrême sensibilité du sujet.

D'autres chantiers viendront compléter les actions prévues dans les plans pluriannuels. Pour ne citer qu'un exemple parmi d'autres, l'Agence mettra en oeuvre, en partenariat avec l'Institut national du cancer, des actions relatives à la préservation de la fertilité dans le cadre du troisième plan cancer.

Des chantiers plus organisationnels et administratifs sont aussi à conduire. Ils sont essentiels pour gagner en efficience et parce que certaines disparités actuelles tiennent pour partie à des questions d'organisation. C'est ainsi que la formation des professionnels est un axe majeur de travail, par exemple pour réduire le taux d'opposition au don ; une plate-forme d'enseignement à distance va être mise en place. Une réorganisation des services de régulation et d'appui, implantés en région, est par ailleurs en cours de finalisation.

L'Agence sera également attentive aux travaux sur le projet de loi relatif à la santé. On ne peut exclure que de nouvelles missions lui soient confiées, par exemple en matière de biovigilance des activités de prélèvement et de greffe.

A moyen terme, l'Agence va être fortement mobilisée par des travaux stratégiques. Un nouveau contrat d'objectifs et de performance va devoir être conclu. Surtout, l'Agence a vocation à apporter son concours aux travaux de bilan de la loi bioéthique et de préparation des états généraux de la bioéthique pilotés par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), préalables au réexamen de la loi. Ce sera un chantier prioritaire, qui témoigne une fois de plus de l'importance des relations de l'Agence avec le Parlement.

Ma candidature à l'ABM représente une forme de retour aux sources : c'est dans le domaine sanitaire que j'ai commencé ma carrière professionnelle.

En effet, j'ai débuté comme élève directeur d'hôpital à l'Ecole des hautes études de santé publique (EHESP). C'est là que j'ai été sensibilisée pour la première fois aux enjeux de la greffe. J'ai en effet été amenée à faire un stage d'aide-soignante dans un hôpital. J'ai passé un certain temps au service de néphrologie et au centre de dialyse. Ce que j'y ai vu à l'époque m'a profondément marqué et m'a permis de comprendre la dimension humaine derrière l'organisation médicale et administrative. Au cours de cette période, j'ai pu mieux appréhender l'organisation et le fonctionnement de notre système de santé.

A ma sortie de l'Ecole nationale d'administration (ENA), j'ai eu la chance d'intégrer le Conseil d'Etat. C'est tout naturellement que je me suis alors spécialisée dans le secteur sanitaire et social, que ce soit au contentieux ou au sein de la section sociale. C'est dans ce cadre que j'ai vu passer la plupart des décrets d'application de la loi de bioéthique de 2004 et les textes sur l'Agence de la biomédecine.

C'est tout aussi logiquement que j'ai souhaité réaliser des activités extérieures dans ce même secteur. J'ai rejoint la mission juridique du Conseil d'Etat auprès des ministères sociaux, où j'ai eu le plaisir de travailler avec Emmanuelle Prada-Bordenave qui dirigeait la mission à l'époque. J'étais plus particulièrement en charge de la DGS et à la DGOS. Ma première saisine portait d'ailleurs sur un projet d'amendement sur les expérimentations en matière de recherche sur les embryons et cellules souches. Nous étions alors bien loin de l'évolution vers un régime d'autorisation sous condition.

Le hasard des choses fait que ces quatre dernières années, je me suis davantage occupée d'éducation. Mais j'ai toujours éprouvé un grand plaisir à traiter de ces questions à chaque fois que j'ai eu l'occasion de le faire, notamment au titre de mes fonctions dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche. Et surtout, je crois que ce n'est pas dans cette commission qu'on me contredira : lorsqu'on a la fibre sanitaire et sociale, c'est quelque chose qui ne se perd pas.

J'ai toujours trouvé ces questions passionnantes, même si l'une des difficultés est de réussir à les traiter de façon dépassionnée ; les enjeux sont de taille ; les chantiers à engager sont très intéressants et c'est un milieu où l'on côtoie des personnes d'horizons très variés mais qui ont en commun d'être très engagées.

Je suis ainsi très motivée à l'idée de rejoindre l'ABM. J'ai la faiblesse de croire que je peux y être utile par les compétences et l'expérience que j'ai pu accumuler au fil des années.

Au Conseil d'Etat, j'ai pu développer ma capacité à analyser des questions complexes ainsi qu'une certaine solidité me permettant de décider et d'assumer même sur des sujets difficiles du point de vue humain et éthique. J'ai surtout développé un certain état d'esprit : le sens de la collégialité, le respect de la loi et des institutions, le souci de l'objectivité ainsi que le sens du service public. Mes expériences ultérieures, comme directrice d'administration centrale puis en cabinet, m'ont également permis de conforter ces acquis et de les compléter par d'autres, dont la capacité à gérer les urgences et les crises et à interagir avec des personnes d'horizons très différents. J'en retire aussi une très bonne connaissance des rouages de l'Etat, du travail avec les élus et des relations entre l'administration et le politique.

Je veux vous assurer de mon plein engagement au service de l'Agence et des pouvoirs publics.

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