Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 17 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances :

amendements adoptés par la commission des finances.

Je ne m’étendrai pas sur les ajustements de crédits visant à assurer le respect de la norme de dépenses. Mais ceux-ci mettent un élément en lumière : la maîtrise des dépenses de l’État n’est assurée que par le renoncement à des dépenses d’avenir – je pense à l’enseignement supérieur, à la recherche ou à l’équipement de nos forces armées – pour financer un certain nombre de dépenses obligatoires, qu’il s’agisse de la rémunération des personnels de l’État ou de dépenses de « guichet », comme l’aide médicale de l’État, l’AME.

La majorité sénatoriale a considéré qu’elle ne pouvait pas remettre en cause des ajustements intervenant à un stade de l’année où ils relèvent déjà, pour une large part, du constat de l’exécution.

Plusieurs raisons nous amènent à examiner le texte en nouvelle lecture.

En premier lieu, pour revenir sur les conditions dans lesquelles nous avons été amenés à travailler, je note que le format du texte a triplé au cours de la discussion par les députés. Tout le monde semble s’en plaindre, y compris mon homologue à l’Assemblée nationale. M. le secrétaire d'État lui-même a indiqué trouver un peu excessif le nombre d’amendements déposés ! La qualité du travail législatif devrait s’en ressentir, et des difficultés d’application de certaines mesures pourraient être rencontrées. Surtout, nous avons été amenés à nous prononcer sur des réformes fiscales importantes sans évaluation préalable et sans disposer du temps nécessaire à une analyse approfondie. Ce n’est évidemment pas satisfaisant.

En deuxième lieu, le présent projet de loi de finances rectificative, largement modifié par le Sénat, a été adopté à une très large majorité en première lecture, avec 309 voix. Cela montre la capacité de notre Haute Assemblée à dépasser les clivages traditionnels, ainsi que sa volonté de peser sur un certain nombre de choix. Je pense notamment aux dispositions relatives aux ressources des collectivités territoriales, sujet sur lequel le Sénat a montré tout au long de l’automne, dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de finances rectificative, sa constance et sa détermination.

À ce titre, notre assemblée a souhaité rendre à la fois facultative et modulable la majoration des valeurs locatives en zones tendues pour le calcul de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. La commission des finances vous proposera d'ailleurs dans quelques instants de rétablir une telle possibilité et d’appliquer le même principe à la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

La majoration de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, est un sujet majeur du collectif. Elle a d’ailleurs encore fait l’objet de nombreux amendements à l’Assemblée nationale hier soir. Je perçois un enthousiasme des plus mesurés au sein de la majorité gouvernementale, voire une opposition plus ou moins assumée chez nos collègues sénateurs du groupe socialiste et du groupe RDSE. Il existe en fait une large convergence de vues au sein du Sénat. La seule justification du dispositif réside dans son rendement budgétaire et, oserai-je ajouter, politique ! Car, au-delà de ces objectifs de court terme, une telle mesure présente tous les inconvénients possibles.

Tout d’abord, il s’agit d’une augmentation brutale de la fiscalité, sans étude d’impact ni concertation préalable, et en contradiction avec les engagements du Gouvernement en matière de stabilité fiscale.

En outre, instaurer sur une taxe locale une surtaxe au profit de l’État nuit à la lisibilité de la fiscalité.

Le dispositif multiplie aussi les effets de seuil en établissant une nouvelle référence pour le paiement de la surtaxe, tout en s’appliquant indifféremment à toutes les surfaces excédant 2 500 mètres carrés, quelles que soient les marchandises vendues et la place nécessaire à leur exposition.

Enfin, et c’est là le point le plus préoccupant, la surtaxe nous semble de nature à accélérer les mutations en cours dans le commerce, qu’il s’agisse du drive ou du commerce en ligne. Ces deux pratiques ne sont pas assujetties à la taxe, donc à la surtaxe envisagée.

Au-delà de nos votes, c’est donc une question qu’il nous faudra en tout état de cause approfondir pour éviter que l’évolution des modes de consommation ne conduise à une réduction croissante des bases d’imposition.

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, l’unique vertu de la surtaxe est son rendement, à peu près certain, l’assiette étant solidement ancrée sur nos territoires.

C’est d’ailleurs ce qui explique notre désaccord persistant avec la majorité de l’Assemblée nationale. Au fond, celle-ci semble peu convaincue, mais s’estime sans doute liée par l’engagement du Gouvernement d’améliorer le solde de 3, 6 milliards d’euros en 2015.

Nos divergences ont également porté sur d’autres mesures de rendement proposées par le Gouvernement ou sa majorité. C’était le cas de l’augmentation de la fiscalité des concessionnaires autoroutiers, qui nous semblait être largement improvisée et poser d’importantes difficultés, du point de vue tant de sa constitutionnalité que de sa répercussion probable dans le prix des péages acquittés par les usagers. Cette mesure a finalement été supprimée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

L’article 14 concerne la non-déductibilité de plusieurs taxes. Le Sénat a considéré que le projet du Gouvernement dénaturait le fondement du caractère déductible ou non des impositions, là aussi dans une logique de pur rendement. J’en veux pour exemple la non-déductibilité de la taxe sur les bureaux, qui s’assimile à une surtaxe pure et simple. Cela vient d’ailleurs s’ajouter à toutes les taxes qui s’abattent sur les entreprises franciliennes en cette fin d’année.

La commission a estimé que quelques autres sujets, dont l’effet est certes considérablement moindre sur le solde, nécessitaient un nouvel examen. Il nous est proposé d’acter la modification et de la prorogation de certaines dépenses fiscales applicables à des zones géographiques sans que nous disposions d’une évaluation suffisante.

Telles sont les raisons qui ont conduit la commission des finances à étudier ce texte en nouvelle lecture et à adopter un certain nombre d’amendements, visant pour l’essentiel à rétablir des positions adoptées par le Sénat en première lecture.

Pour autant, le nombre d’amendements déposés par la commission, sept, est très restreint. De nombreux articles ont été adoptés par l’Assemblée nationale dans des versions reprenant largement les propositions du Sénat, y compris sur des points importants.

Je pense au régime fiscal des instances chargées de l’organisation en France d’une compétition sportive internationale, à l’article 24. Le Sénat a souhaité que les commissions chargées des finances et des sports soient désormais consultées à l’occasion de chaque candidature conduisant à prévoir une dérogation aux règles fiscales.

Ainsi en est-il également, à l’article 25 ter, de la TVA applicable à la distribution de services de télévision comprise dans des offres composites triple play. Le Sénat avait trouvé un point d’équilibre entre le droit actuel et le dispositif issu de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

S’il faut se féliciter du vote par nos collègues députés d’un nombre important de modifications apportées par le Sénat, le bilan reste cependant mitigé sur les éléments essentiels. La commission des finances, qui s’est réunie ce matin, a donc estimé qu’un certain nombre de positions de principe de notre assemblée devaient être réaffirmées avec force dans le cadre de la nouvelle lecture. C'est la raison pour laquelle elle a souhaité cet examen et a donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi de finances rectificative ; nous aurons le plaisir d’en débattre dans quelques instants. §

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