Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 17 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec cette nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative, nous arrivons au terme d’un long parcours budgétaire.

Dans un esprit de responsabilité, et dans une approche constructive vis-à-vis du Gouvernement et de la majorité de l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté un texte en amendant les mesures à nos yeux les plus contestables et les plus défavorables à notre économie.

Pourtant, les conditions d’examen du projet de loi de finances rectificative ne s’y prêtaient guère. Rappelons les délais très courts dont a disposé la commission des finances pour étudier les nombreuses et diverses mesures, pour certaines très techniques, de ce collectif budgétaire. Rappelons aussi le nombre impressionnant d’articles insérés lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, avec de nombreux dispositifs fiscaux opportunément suggérés, ou non, par le Gouvernement. À plus d’un titre, ce projet de loi de finances rectificative avait des allures de véritable « projet de loi de finances bis » pour 2015.

Cela étant, la majorité sénatoriale n’a pas voulu défaire le texte du Gouvernement et réécrire entièrement le collectif budgétaire. Sous l’impulsion de notre rapporteur général, nous avons modifié assez notablement ce projet de loi de finances rectificative dans un sens plus favorable à l’économie française et aux entreprises.

Je pense principalement à la suppression de la majoration de la TASCOM, qui a fait l’objet d’un grand consensus au sein de notre hémicycle, à l’annulation de hausses de fiscalité pour les entreprises, par la suppression de la non-déductibilité de certaines taxes à l’impôt sur les sociétés, ou encore au dispositif d’amortissement dégressif pour les PME, adopté à la quasi-unanimité par le Sénat.

Ces mesures, ainsi que nombre d’autres sur lesquelles je ne reviendrai pas en détail, ont permis d’aboutir à un texte équilibré et consensuel, voté par une très large majorité de la Haute Assemblée, dont une grande partie de la majorité gouvernementale.

En adoptant sa propre version du projet de loi de finances rectificative et en proposant un texte plus opérationnel, le Sénat a joué un rôle reconnu et utile qui a ouvert la voie d’un dialogue constructif avec l’Assemblée nationale en commission mixte paritaire. D’ailleurs, cela a été reconnu lundi matin, lors de la commission mixte paritaire. Nous avons eu le plaisir d’entendre Mme la rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale saluer certaines avancées obtenues grâce au Sénat. Sur 105 articles, les deux chambres en ont adopté 63 en termes identiques. Et, sur les 58 articles qui restaient en discussion, la commission des finances de l’Assemblée nationale a repris certaines des propositions, et non des moindres, de notre Haute Assemblée. Malgré l’échec de la commission mixte paritaire, l’apport du Sénat a donc été reconnu par nos collègues députés.

Toutefois, la logique politique a repris ses droits. L’Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture les dispositions introduites par le Gouvernement en première lecture, afin d’assurer les fameux 3, 6 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour le projet de loi de finances pour 2015, conformément d'ailleurs aux engagements pris devant les instances européennes.

Ainsi, la majorité de l’Assemblée nationale a rétabli la non-déductibilité de la taxe sur les bureaux et de la taxe de risque systémique à l’article 14. Elle a rétabli la taxe additionnelle à la TASCOM, malgré les réticences exprimées par sa rapporteur général du budget, qui a fait part de ses doutes sur la pertinence de cette mesure. Enfin, elle a supprimé l’article 20 decies sur l’amortissement pour l’investissement dans les PME. Ce sont ces dispositions, les plus emblématiques de ce texte, que nous contestons et qui fondent notre désaccord avec le Gouvernement et la majorité gouvernementale.

Monsieur le secrétaire d'État, nous avons déjà eu l’occasion de discuter avec vous en séance de ce qui nous semble constituer un premier point de désaccord. Selon vous, la version adoptée par le Sénat n’est pas acceptable, car elle dégrade le solde budgétaire. Certes. Mais la majorité sénatoriale vous rappelle que l’amélioration de ce solde doit procéder d’économies sur les dépenses, et non de la création de nouvelles recettes par la multiplication de taxes sur les entreprises et les ménages. Or le projet de loi de finances rectificative en est, malgré tout, rempli… Pour preuve, afin d’obtenir une amélioration, à mon sens de façade, du solde budgétaire, le Gouvernement a dû faire réinsérer à l’Assemblée nationale l’ensemble des taxes que nous avions supprimées.

La différence entre nous – le raccourci que j’ose utiliser vous fera sans doute bondir –, c’est que nous prônons les économies quand vous prônez les taxes ! Nous ne pouvons pas accepter une telle logique !

Nous avons tous fait le constat en première lecture que la dégradation du solde budgétaire en 2014 était principalement due à une diminution des recettes et du produit des impôts. C’est cette tendance qu’il faut inverser !

Autre point de désaccord majeur, à nos yeux, les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer la compétitivité des entreprises, pour utiles qu’elles soient, sont encore mal calibrées et ne produisent pas l’effet attendu. Il faut prendre conscience de cette difficulté et ne plus attendre une montée en charge qui, pour l’heure, ne se dessine pas. Il n'y a pas de mal à revoir à sa copie !

À ce titre, nous regrettons vivement que vous n’ayez pas approuvé notre amendement sur l’amortissement exceptionnel pour les investissements industriels des PME et des PMI. Ciblée pour soutenir ces investissements, une telle mesure aurait été complémentaire au CICE, qui ne nous semble pas répondre à la problématique. Nous avons amélioré notre dispositif – d'ailleurs, nos collègues du groupe socialiste ont proposé le même – pour tenir compte de vos remarques quant au coût.

Depuis le rapport Gallois, tout le monde est conscient que la principale faiblesse de notre économie est le retard accumulé depuis des décennies en matière de production industrielle. La production de notre industrie manufacturière a encore reculé de 0, 2 % au mois d’octobre dernier. C’est cette situation qui a justifié le dépôt de notre amendement. Notre pays se désindustrialise, faute d’investissements. Dans ce contexte, il nous paraît important d’émettre un signal en direction des entreprises qui produisent dans notre pays et de faciliter leurs investissements productifs.

Certes, monsieur le secrétaire d'État, c’est une dépense pour l’État. Mais c’est une dépense utile, une dépense d’investissement. À terme, elle rapportera à notre économie, grâce aux emplois et aux rentrées fiscales. Ce n’est pas l’une de ces dépenses de fonctionnement que vous avez, comme tous les gouvernements d'ailleurs, du mal à réduire.

Nous soutiendrons donc les amendements du rapporteur général visant à revenir aux mesures adoptées en première lecture par le Sénat, pour certaines à la quasi-unanimité, voire à l’unanimité. Ils illustrent la logique de la majorité sénatoriale en matière budgétaire et sont utiles à notre économie.

Après en avoir débattu, la commission des finances a décidé ce matin qu’il fallait permettre un examen encore plus approfondi du présent projet de loi de finances rectificative. Puisse l’examen déboucher sur de nouvelles avancées ! §

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