Malheureusement, nous aurions dû nous préparer à ce que la situation ne s’améliore pas en seconde lecture ! En effet, c’est seulement cette nuit que nous avons pu prendre connaissance du texte adopté à l’Assemblée nationale, un texte que nous sommes censés examiner à cet instant alors que la matinée a été occupée par une longue réunion de commission.
Comment ne pas voir que le travail de notre assemblée devient presque superfétatoire dans de telles conditions ?
Ainsi que je l’avais souligné en première lecture, ce problème de calendrier est renforcé par la propension croissante du Gouvernement à confondre projet de loi de finances rectificative et projet de loi de finances. En effet, on peut remarquer que, sur les 112 articles que comporte désormais le présent projet de loi de finances rectificative, seuls neuf ressortent de la première partie. Autrement dit, ce texte pléthorique ne concerne quasiment pas l’année à laquelle il s’applique ! À notre sens, cela ne permet pas un débat parlementaire convenable.
J’espère donc sincèrement que, l’année prochaine, nous pourrons étudier le ou les projets de loi de finances rectificative qui nous seront présentés dans des conditions plus satisfaisantes, du point de vue tant du calendrier que du contenu.
J’en viens à présent à quelques brefs commentaires sur ce qu’il nous a été possible de saisir des modifications introduites par l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, je me félicite que les députés aient repris à l’article 24 la rédaction du Sénat sur les exonérations fiscales consenties aux compétitions sportives internationales accueillies en France. L’adoption définitive de ces dispositions interdirait désormais la conclusion d’accords que nous qualifierons de « secrets », à l’image de celui qui avait été passé par la précédente majorité avec les organisateurs de l’Euro 2016.
En revanche, je regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas retenu la proposition du Sénat consistant à intégrer, dans l’assiette de la TASCOM, les surfaces de stockage associées au commerce électronique ou au service en voiture, autrement appelé drive. On peut toutefois penser que cette idée de bon sens fera son chemin et que nous pourrons y revenir, en la précisant, lors de l’examen d’un prochain projet de loi de finances rectificative.
Par ailleurs, je me réjouis que l’Assemblée nationale ait rétabli la non-déductibilité de la taxe de risque systémique et de la taxe sur les bureaux. Compte tenu des amendements présentés par M. le rapporteur général, je crains toutefois que ma satisfaction sur ce point ne soit très éphémère...
J’aimerais également évoquer la fiscalité du tabac, à propos de laquelle des amendements adoptés en deuxième lecture à l’Assemblée nationale ont été supprimés en seconde délibération.
Les dispositions proposées aux articles 31 duodecies et 31 terdecies constituent, sous des airs anodins, une réforme d’ampleur.
Nul ne le peut contester, le mécanisme aujourd’hui en vigueur est incompréhensible. Peut-être présente-t-il en outre des effets pervers, comme l’affirment les industriels du tabac, désormais soutenus, sur ce point au moins, par le Gouvernement. Mais, précisément parce que tout cela est extrêmement complexe, il n’est pas acceptable qu’une telle réforme, sur un sujet aussi sensible, soit expédiée par le biais d’un ou deux amendements.
D’ailleurs, alors même que l’amendement était d’origine parlementaire, M. le secrétaire d’État a précisé vendredi dernier qu’il reflétait une proposition du Gouvernement. Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir placé une telle disposition directement dans le texte ?
Au Sénat, le rapporteur général avait déposé deux amendements de suppression des deux articles, en cohérence avec sa stratégie globale, avant de se raviser quelques jours plus tard et de les retirer. Le fait est assez rare pour être souligné…
Nous connaissons tous la puissance des industriels du tabac et de leurs réseaux. Aux États-Unis, des historiens commencent à démontrer, archives à l’appui, les méthodes de ce lobby : désinformation, manipulation, entrisme, corruption… En France, des documentaires ont décrypté leurs agissements, que l’on peut de toute manière aisément constater.
Dans ce contexte très lourd de suspicions légitimes, et compte tenu de l’enjeu sanitaire dramatique, je ne crois pas que la méthode utilisée pour mener cette réforme valorise la manière dont nous pratiquons collectivement la politique.
Pour finir, j’aimerais brièvement revenir sur la question de l’assurance de l’énergie nucléaire, évoquée à l’article 35.
En première lecture, j’avais rappelé que l’État se trouve assureur de fait des exploitants nucléaires. En effet, la responsabilité de ces derniers est limitée à 700 millions d’euros, alors que le coût d’un accident grave est évalué, par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, à environ 700 milliards d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous avais demandé, et je renouvelle ma question, s’il ne faudrait pas, au titre de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, que cette garantie d’État soit mentionnée en loi de finances. Cela ne modifierait ni le solde ni la dette, mais contribuerait à la sincérité des finances publiques, qui pourraient être considérablement grevées en cas d’accident.
Comme le texte issu de l’Assemblée nationale n’aura pas le loisir de vivre une journée complète, il ne m’apparaît pas indispensable de vous indiquer la position du groupe écologiste à son endroit. Nous déterminerons notre vote à l’issue du débat, sur la base du texte tel qu’il aura été modifié par le Sénat. §