Intervention de Gérard Delfau

Réunion du 30 novembre 2007 à 15h00
Loi de finances pour 2008 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Gérard DelfauGérard Delfau :

Monsieur le président, mesdames les ministres, madame le secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » représente un budget de 12, 12 milliards d'euros, soit une somme importante. Pourtant, malgré une augmentation des crédits, les dépenses sont supérieures puisqu'elles s'élèvent à 14, 64 milliards d'euros.

Par ailleurs, ces 12 milliards d'euros devront couvrir un grand nombre de programmes : la prévention de l'exclusion, les actions en faveur des familles vulnérables, le handicap et la dépendance, la protection maladie et l'égalité entre les hommes et les femmes.

J'insisterai plus particulièrement sur le programme « Handicap et dépendance ». Bien qu'il s'agisse du plus important de la mission, on ne peut que déplorer l'insuffisance de sa dotation. Pourtant, l'une des priorités affichées par le candidat Sarkozy, devenu le Président de la République, en matière de politique de solidarité concernait les personnes handicapées. En avril dernier, il déclarait : « Je considère que l'allocation aux adultes handicapés ne permet pas de vivre décemment, elle n'atteint même pas le seuil de pauvreté, et, au nom de la solidarité la plus élémentaire, je propose d'en revaloriser le montant de 25 %. ».

Qui n'approuverait cette déclaration ?

Malheureusement, je constate que ce projet de budget ne prévoit qu'une augmentation de 2, 1 %, ce qui ne représente que 13, 05 euros en plus par mois. On est très loin des 25 % promis !

Or la grande majorité des handicapés n'ont que l'AAH pour vivre, à savoir 621, 27 euros par mois, soit 200 euros en dessous du seuil de pauvreté ! Il est urgent de mettre fin à cette situation d'extrême pauvreté et d'engager un effort substantiel de revalorisation.

La question des ressources des personnes handicapées est cruciale, et il est nécessaire de la résoudre pour permettre à ces hommes et à ces femmes de vivre dans la dignité. Comment, madame la secrétaire d'État, pensez-vous respecter l'engagement présidentiel ? Les 800 000 bénéficiaires de cette allocation attendent avec impatience votre réponse, même si nous savons bien que la progression ne saurait être aussi rapide qu'ils le souhaitent, du reste légitimement.

La question de l'insertion professionnelle des personnes handicapées est tout autant préoccupante. Certes, le rapport d'évaluation de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 remis par Patrick Gohet souligne que de réels progrès ont été accomplis puisque le nombre de travailleurs handicapés en recherche d'emploi a baissé de près de 10 % depuis la parution de la loi.

Toutefois, les objectifs fixés par la loi de juillet 1987, réaffirmés par celle de février 2005, ne sont aujourd'hui toujours pas atteints, tant dans la fonction publique - et c'est le plus étonnant - que dans les entreprises privées. Ainsi, dans la fonction publique, le taux moyen d'emploi des personnes handicapées est de 4, 5 % et, selon les derniers chiffres de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'AGEFIPH, près de la moitié des entreprises françaises n'atteignent pas le quota de 6 %, malgré les incitations financières et les campagnes de sensibilisation.

Je rappelle ce constat accablant : le taux de chômage est deux fois plus élevé que chez les autres salariés, les périodes de chômage sont plus longues et les difficultés à s'insérer et à se maintenir dans un emploi sont trop nombreuses.

Cette situation mérite d'être rapidement améliorée. Je suggère donc qu'une nouvelle opération de mobilisation des élus locaux et des décideurs économiques soit organisée, région par région, pour accélérer cette prise de conscience.

Le Gouvernement a décidé de renforcer les dispositifs d'emploi et d'insertion des personnes handicapées dans les trois fonctions publiques. Je souhaite, de tout coeur, que cette annonce ne reste pas lettre morte et soit suivie de mesures financières incitatives.

Un autre sujet me préoccupe : le malaise qui s'étend au sein des établissements du secteur médico-social, notamment celui qui est sous tutelle de l'État.

Il se résume en deux constats : d'une part, il existe trop peu de places dans les MAS, les maisons d'accueil spécialisées, dans les IME, les instituts médico-éducatifs, et les CAT, les centres d'aide par le travail, notamment ; d'autre part, des budgets souvent en diminution tirent vers le bas la qualité de l'accueil et des soins dispensés dans ces structures.

Récemment, une étude chiffrait à 117 000 le nombre de places qu'il faudrait créer pour satisfaire les besoins ; or on en compte actuellement 370 000 pour un coût de 10 milliards d'euros. Même si un effort substantiel a été consenti ces dernières années, ce qui reste à faire est considérable. Tous les présidents d'association, tous les directeurs d'établissement vivent ces entretiens émouvants, éprouvants même, au cours desquels, ayant devant eux les parents d'un enfant ou d'un adulte handicapé, ils doivent leur répondre qu'il n'y a pas d'accueil possible faute de place ou de personnel spécialisé. L'angoisse est alors palpable chez ces hommes et ces femmes.

L'insuffisance des budgets entretient en outre un climat conflictuel entre l'administration et les associations gestionnaires.

Les règles du jeu n'étant pas claires, les budgets étant insuffisants, le recours au contentieux par le biais du tribunal administratif se développe. C'est alors l'impasse. Trop souvent, en effet, l'État refuse d'appliquer la sentence du juge en matière de prix de journée.

Tant que cette situation était exceptionnelle, elle était seulement regrettable. Si elle se généralisait, elle témoignerait d'une crise de la puissance publique, incapable d'assurer les arbitrages nécessaires.

Il faut stopper cette dérive et redonner de la visibilité aux associations gestionnaires, qui se sentent parfois menacées dans leur existence même.

Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, peser de tout votre poids pour rapprocher les points de vue et restaurer la capacité de dialogue de vos services déconcentrés avec nombre d'acteurs locaux du secteur médico-social qui se sentent aujourd'hui marginalisés, surtout s'ils appartiennent à des petites et moyennes associations ?

Le Sénat pourrait sans doute vous y aider, tout particulièrement grâce à M. Paul Blanc, l'excellent rapporteur de la loi de 2005, et de surcroît acteur infatigable sur ce chantier.

S'agissant, enfin, de la scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents handicapés, quelques progrès ont été réalisés cette année, selon le voeu du Président de la République, même si la relation entre l'éducation nationale et l'ANPE demeure difficile.

Reste pourtant une question de fond : l'absence de formation pour un métier qui exige de solides qualités humaines et psychologiques et quelques notions plus techniques sur le handicap.

En réalité, c'est une nouvelle profession qu'il faut créer à terme. Dans l'immédiat, ne pourriez-vous avoir une concertation avec le ministre de l'éducation nationale pour assurer, dès le début de la prochaine année, une présélection des candidats à qui serait dispensée une formation de base ?

Au total, si, dans le domaine du handicap, ce projet de budget apporte une certaine stabilité des moyens, ce qui n'est pas négligeable en ces temps de disette, ces moyens restent néanmoins loin des attentes légitimes. C'est pourquoi je ne pourrai le voter en l'état.

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