Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres et secrétaires d’État, mes chers collègues, la France et la liberté sont blessées.
Parce que le premier mot de la devise nationale est « liberté », parce que, depuis plus de deux siècles, en dépit des guerres, des crises, des souffrances et de nos erreurs, liberté et France sont indissociablement unies aux yeux du monde, parce que l’attentat a frappé ceux qui incarnaient au plus haut degré cette liberté, ceux qui la protégeaient ainsi que des otages martyrs, la nation s’est levée, criant, face à la sauvagerie et à la barbarie, une seule réponse : ignorer la peur, faire face, combattre.
Le choc est d’autant plus fort que les victimes pleurées sont des hommes de liberté, capables de rire de tout et d’abord d’eux-mêmes, rendant tous les jours l’intolérance ridicule.
La force de ce cri impose aux responsables de ce pays de toutes sensibilités d’être à la hauteur du message transmis, car le temps de la colère suivra de près le temps de l’émotion si le temps de l’action ne vient pas rapidement.
Il le faut pour châtier les assassins – cela a déjà été fait –, mais aussi pour poser les bases d’une politique de nature à assurer la sécurité de nos concitoyens dans une République apaisée.
Le 11 septembre 1848, Victor Hugo devant l’Assemblée nationale constituante déclarait : « Les véritables amis de l’ordre ont toujours été les plus sérieux amis de la liberté. »
Oui, mes chers collègues, il n’est de démocratie sans autorité, sinon c’est toujours le plus faible qui sera victime de l’insécurité.
L’heure n’est point à un quelconque laxisme ni à un angélisme béat. Il appartient en premier lieu au pouvoir exécutif de restaurer l’État et son autorité, de ne jamais céder à quelque violence que ce soit quand il s’agit d’appliquer la loi et les décisions de justice.
Voilà quelques semaines, dans cette enceinte même, je saluais et défendais l’action de M. le ministre de l’intérieur lorsqu’il était injustement dénigré, tout comme d’ailleurs les forces de l’ordre, qui ont été justement applaudies par le peuple ce dimanche.
Si la loi n’est plus adaptée, on la change : c’est notre devoir de législateur ; sinon, on l’applique. « Mais que doit faire le législateur ? Il doit concilier ce qui convient aux principes et ce qui convient aux circonstances » ; c’est du Danton dans le texte.
Aujourd’hui, nous sommes face à des phénomènes terroristes rendus en partie inédits par la mondialisation, le numérique, internet et les réseaux dits « sociaux », qui bouleversent les comportements et facilitent le recrutement direct par les sectes de toute nature. Cela doit inéluctablement nous amener à adapter la loi à cette révolution que connaissent les relations humaines. Internet ne saurait être le monde du non-droit, un monde hors-la-loi.
Cela n’occulte aucunement la nécessité de donner aux forces de l’ordre les moyens de leur action sur le terrain, sur tout le territoire. Pour mémoire, monsieur le ministre de l’intérieur, Chérif Kouachi a fait un séjour dans mon département en 2010, auprès de son mentor, à quelques dizaines de kilomètres d’une gendarmerie qui vient d’être supprimée…
Je dis au gouvernement, à cette assemblée, qu’il nous appartient d’examiner rapidement nos responsabilités sur les causes de ces drames.
Causes endogènes, d’abord, dans nos quartiers, dans le développement d’un communautarisme incompatible avec nos principes républicains, facilité par nombre de discours et de médias, mais aussi dans un système éducatif débordé. Comment lutter contre l’illettrisme dans des classes où une majorité d’élèves ne parle pas le français ?
Causes exogènes, ensuite, dues à la politique extérieure au Moyen-Orient et au Maghreb, et à la politique d’ingérence dans les pays tiers ; en 2003, Jacques Chirac et son Premier ministre avaient vu juste.
L’homme sait faire mal à l’homme depuis un temps immémorial. À toutes époques, quels que soient les civilisations et les continents, les massacres ont ponctué l’histoire. Ce qui change, mes chers collègues, ce ne sont que les méthodes. Ces crimes ont été commis au nom de Dieu, comme cela est récurrent depuis des siècles ; c’est l’apanage des extrémistes de toutes religions. C’est en 1209, sur notre sol, qu’a été prononcée cette phrase : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » ; les djihadistes d’aujourd’hui sont de la même veine. Attenter à la vie terrestre pour mériter la vie éternelle : quelle absurdité !
Qualifié dans cette enceinte de « laïc intégriste », président du groupe pour lequel la République laïque est l’essence même du combat politique, je le dis ici, oui, la République laïque est toujours plus nécessaire pour garantir les valeurs de la France ; aucun gouvernement ne doit céder en rien à toute dérive communautariste. Plus que d’un observatoire de la laïcité, mesdames, messieurs les ministres et secrétaires d’État, nous avons impérativement besoin d’une politique laïque à tous les niveaux. La religion doit demeurer dans la sphère privée, ce qui la protégera. Tel est le vrai moyen de rejeter le sectarisme et l’intolérance, pour que vivent la démocratie et la République ! §