Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les secrétaires d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, lors du débat précédent sur les attaques terroristes, nous avons tous tenu à saluer, pour leur rendre hommage, les forces de l’ordre.
En cet instant, je veux également rendre hommage à celles et ceux de nos soldats qui sont engagés non seulement en Irak, mais également sur d’autres théâtres d’opérations. Je souhaite aussi saluer nos diplomates, monsieur le ministre des affaires étrangères, ces hommes et ces femmes qui composent notre réseau diplomatique et qui font preuve, comme nos forces armées, d’un très grand courage. Pour connaître certains de nos diplomates, je puis vous assurer que, à leur façon, ce sont aussi des soldats, les soldats de l’idéal, comme aurait dit Georges Clemenceau.
Le Gouvernement nous demande aujourd’hui de l’autoriser à prolonger l’engagement français en Irak, ce qui, à mon sens, nécessite de répondre à deux questions.
Existe-t-il aujourd’hui des éléments qui contredisent l’analyse qui nous a amenés à cet engagement ?
Si la réponse est négative, et si donc cet engagement conserve son bien-fondé, pouvons-nous dire que les moyens et les modalités que nous avons définis sont proportionnés aux objectifs que nous nous sommes donnés et qu’ils nous permettront de les atteindre ?
S’agissant tout d’abord du bien-fondé de notre intervention, il m’apparaît aujourd’hui évident que nous devons absolument remettre en perspective l’engagement international avec les attentats perpétrés sur le sol français, au cœur de l’Île-de-France, la semaine dernière.
Si vous me le permettez une digression un peu personnelle, je vous dirai comment s’est forgée ma conviction sur la nécessité de cette opération. Monsieur le ministre des affaires étrangères, souvenez-vous, nous en avons discuté ensemble dans votre bureau.
C’était au mois d’août dernier et j’étais sans doute un des tout premiers parlementaires à me déplacer, après vous, en Irak. Daech venait de conquérir une très grande partie de la plaine de Ninive qui est, je vous le rappelle, l’un des grands berceaux de la civilisation, mais aussi Mossoul, Karacoch, grande ville chrétienne. À Erbil, au Kurdistan irakien, j’ai vu s’entasser par milliers des enfants, des vieillards, des femmes et des hommes, dans des églises, dans des appartements encore en construction, sur le moindre terrain vague.
Je les ai entendus et je les ai vus, la peur au ventre, l’effroi marquant leurs regards, leurs visages. Bien sûr, les médias ont relayé ces images et ces témoignages, qui nous ont permis, intellectuellement au moins, d’appréhender l’étendue du désastre, mais lorsque vous êtes en présence d’hommes et de femmes, en chair et en os, qui racontent ce qui vient de leur arriver, le ressenti est absolument différent. Grâce à ces personnes, j’ai compris que nous étions en présence d’une radicalité absolue, que j’ai qualifiée, après d’autres, d’islamo-fascisme, une forme de totalitarisme caractérisée par la haine de l’autre.
Aussi, j’ai immédiatement eu la conviction qu’il fallait impérativement que mon pays, la France, terre de liberté qui a encore une ambition diplomatique internationale, puisse contribuer à l’éradication de Daech, non seulement au nom de nos intérêts vitaux et de notre qualité de membre du Conseil de sécurité des Nations unies, mais aussi pour toutes ces minorités, chrétiennes et yazidies.
Mes chers collègues, nous devons agir au nom de nos valeurs, pas seulement les valeurs françaises ou occidentales, mais les valeurs de toute l’humanité, les valeurs universelles.
Cette certitude qu’à quelques heures de Paris se met en place une base terroriste d’une puissance inégalée, qui s’appuie sur un quasi-État, avec une armée et des moyens financiers considérables, m’amène à penser que la réponse au terrorisme ne peut être que globale.
L’engagement français en Irak est aussi le prolongement naturel du combat que nous menons sur notre sol. Aussi, bien sûr, le groupe UMP soutiendra et votera cette demande d’autorisation de la prolongation de l’engagement des forces françaises en Irak.
Néanmoins, ce soutien à la prolongation de l’intervention ne nous exonère pas collectivement de l’obligation d’en discuter les objectifs et d’en connaître les modalités.
Quels sont ces objectifs ? Les premières frappes américaines, puis françaises, ont d’abord eu pour but de stopper Daech, d’empêcher que l’État islamique ne s’empare de Bagdad et d’Erbil, ce qui aurait entériné de fait la disparition de l’Irak. Désormais, l’objectif est l’élimination, l’éradication de Daech, avec les problèmes qu’une telle entreprise peut poser.
Les buts sont clairs, mais est-ce que les moyens, les modalités sont proportionnés et nous permettront de les atteindre ?
Sur le plan militaire, la doctrine est la suivante : pas de présence au sol, recours aux frappes aériennes. Seulement, nous savons parfaitement, tout comme vous, monsieur le ministre des affaires étrangères, que nous n’obtiendrons pas l’élimination de Daech sans forces au sol. Je parle non pas de forces françaises ou américaines, ni même des forces issues de la grande coalition, mais des peshmergas, que nous devrons soutenir, et de l’armée irakienne. Il nous faudra aussi, à un moment ou à un autre, clarifier la situation à l’égard de la Syrie.
En parlant des modalités, ici, au Sénat, qui, voilà quelques mois, a refusé – et pour la première fois - de voter les crédits militaires, je ne peux que répéter nos interrogations et redire l’inquiétude que nous inspire le budget de la défense nationale, qui ne nous semble pas à la hauteur de ce que nous exigeons de nos soldats, les recettes n’étant pas garanties.