Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 13 janvier 2015 à 16h20
Autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en irak — Débat et vote sur une demande du gouvernement

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les secrétaires d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, après la tristesse et l’effroi devant les événements dramatiques qu’a vécus notre pays, je me permettrai d’exprimer à mon tour, au nom de l’ensemble du groupe écologiste du Sénat, toute notre indignation, notre incompréhension et, surtout, notre très grande émotion. Et nous avons, à cet instant, une pensée toute particulière pour les familles et les proches endeuillés.

Notre inaction ferait injure à la mémoire des victimes. Nous devons donc agir avec discernement et tenter une analyse objective de la situation.

Vous l’aurez bien compris, monsieur le ministre, chers collègues, la seule considération qui doit nous guider aujourd’hui, de manière responsable, est celle de la protection et de la sécurité des Français, sur le territoire national comme à l’étranger.

Dans les circonstances graves et dramatiques que connaît notre pays, l’heure est à la mobilisation et à l’unité nationale, comme l’a clairement exprimé, ces derniers jours, le Gouvernement.

J’étais, comme vous tous, dans les diverses manifestations à Paris et en province. À travers elles, c’est également un message d’espoir, de paix et de fraternité qui a résonné à travers tout le pays.

Je suis fière du peuple français ! Je suis fière de ce formidable sursaut républicain ! Et ce sont bien ces valeurs que la France doit porter dans le monde.

Mes chers collègues, notre pays a été amené à conduire plusieurs opérations militaires d’envergure sur des théâtres extérieurs : l’opération Serval, au Mali en janvier 2013, l’opération Sangaris en République centrafricaine, en décembre 2013.

À chaque fois, le groupe des écologistes a soutenu ces interventions, conformes aux choix politiques légitimes de notre pays : s’opposer à l’avancée du terrorisme au Mali, éviter l’affrontement entre communautés en République centrafricaine, apporter la paix dans des zones de tensions.

Et, chaque fois, nos forces armées ont mené ces opérations dans le strict respect de la légalité internationale, sous mandat de l’ONU.

Pour autant, j’ai personnellement émis de grandes réserves, au mois de septembre 2013, lorsque notre gouvernement a formé le projet de frappes aériennes contre la Syrie, considérant que l’absence de base légale affaiblirait notre pays et qu’un soutien militaire à l’opposition syrienne ne pouvait favoriser ni le retour à la paix civile, ni la protection des minorités chiite, kurde ou chrétienne de ce pays.

Le vote des Communes en Angleterre, les choix du Président Obama aux États-Unis nous ont, je crois, évité d’engager des opérations militaires dont les conséquences pour notre pays auraient été imprévisibles.

En outre, nous ne pouvions pas agir sans mandat de l’ONU et sans l’Europe. Cela me permet également de dire un mot sur l’absence criante ces dernières années d’une défense européenne.

La multiplication des opérations extérieures, que nous connaissons, couplée avec la restriction de nos budgets, est une chance pour relancer ce projet.

Et, malheureusement – malheureusement ! – une fois encore, le résultat n’est pas à la hauteur de nos ambitions. Pourtant, il est clair, et même très clair, que l’absence de défense européenne est une chance supplémentaire pour le terrorisme.

Aujourd’hui, nous devons nous prononcer sur la prolongation, ou non, de l’opération Chammal de la France, laquelle a rejoint, dès septembre 2014, la coalition internationale qui lutte en Irak contre Daech.

Daech n’est pas un État. C’est une organisation de fanatiques qui violent les femmes, se livrent aux massacres de masse et tuent des civils.

Il faut aujourd’hui combattre cet obscurantisme et le neutraliser militairement.

Pour autant, si louable soit-elle, cette tâche incombe tout d’abord aux Irakiens, qui affrontent Daech sur le terrain et que nous nous devons d’aider dans ce combat difficile.

Toutefois, comme pour chaque débat sur une intervention militaire française, nous devons à tout prix – à tout prix ! – éviter de nous enfermer dans une approche à court terme. Après l’urgence se posera nécessairement la question de la formation et de l’assistance des troupes au sol et, à plus long terme, celle de la reconstruction de la zone. La stratégie de sortie de crise, tant militaire que politique, peine à se dessiner.

La Libye nous prouve, si cela était encore nécessaire, qu’il est impératif d’articuler intervention militaire et règlement politique.

Soyons conscients que les erreurs du passé ont mené à de nouvelles violences et à de nouvelles déstabilisations dans la région. Nous le savons tous ici, l’invasion anglo-américaine de l’Irak en 2003 et l’éradication des structures civiles et militaires du parti Baas qui a suivi ont contribué à l’avènement de cette entreprise criminelle. Daech est en partie composé des anciens cadres de l’armée de Saddam Hussein.

Cette vision à moyen et long terme passe également par notre diplomatie. Où en sommes-nous de la concertation avec la Russie et la Turquie sur ce sujet ?

En outre, nous devons, quelles que soient nos divergences, admettre qu’avec l’Iran, puissance régionale incontournable, nous avons aujourd’hui un objectif commun.

Il en va de même pour notre action diplomatique envers la Syrie. L’opposition démocratique syrienne est-elle capable, à elle seule, fût-ce au prix de notre aide en armement et en logistique, de résister et de combattre à la fois la puissance militaire de Bachar al-Assad et la puissance militaire de Daech ? Posons-nous légitimement cette question.

Tout le monde s’accorde aujourd’hui à penser que le problème de Daech est bel et bien un problème irako-syrien.

Monsieur le ministre, vouloir lutter efficacement contre le terrorisme, c’est faire preuve de pragmatisme et de realpolitik. Il faut que nous soyons capables de dire à certains de nos amis du Golfe qu’aucune stratégie qui aurait pour objet – ou même pour effet – de conforter ou d’épargner cette organisation terroriste est devenue radicalement inacceptable

Au-delà de la réponse militaire que nous apportons aujourd’hui, nous devons avoir également une approche globale et ambitieuse en nous attaquant aux sources mêmes de Daech.

Alors, mes chers collègues, plusieurs questions s’imposent à nous : d’où vient l’armement ? D’où vient le financement ?

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