Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 13 janvier 2015 à 16h20
Autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en irak — Débat et vote sur une demande du gouvernement

Laurent Fabius, ministre :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la qualité des interventions et des questions, lesquelles contenaient souvent leurs propres réponses, me permet d’aller à l’essentiel. Par courtoisie, cependant, et pour être à la hauteur de ce débat, j’apporterai quelques précisions.

Je l’ai bien compris : tous les groupes, à l’exception d’un seul, qui s’abstiendra, apporteront leur soutien au Gouvernement. De cela, je sais gré au Sénat.

Je remercie Robert Hue de ses propos, tant sur le fond que sur la forme. Je reviendrai sur l’un des éléments qu’il a abordés, comme beaucoup d’autres de ses collègues, notamment le président de la commission à l’instant. Il n’est pas possible de séparer les ambitions légitimes que nous avons pour lutter contre le terrorisme dans certains pays du monde et qui rendent notre présence nécessaire, des moyens financiers pour ce faire. Cela suppose des arbitrages, ceux que le Gouvernement vous propose et ceux qui sont de la responsabilité de la Nation.

Ce qui m’a frappé dans les différentes interventions, en même temps que la hauteur de vues qui les caractérise, c’est que, vous qui connaissez ces sujets, mesdames, messieurs les sénateurs, vous n’avez jamais séparé les ambitions que nous avons pour notre sécurité des moyens que nous devons déployer à cette fin. C’est cela que je retiendrai de ce débat et, bien sûr, c’est de cela dont je me ferai l’interprète auprès des plus hautes autorités de l’État.

Je ne reviendrai pas longuement sur les propos du deuxième intervenant, qui s’exprimait au nom du Front national et qui, à ce titre, a développé une pensée que nous connaissons de la part de cette formation. J’ai cru comprendre – mais peut-être est-ce aller trop vite à la conclusion – qu’il soutenait Bachar al-Assad. §C’est évidemment l’une des grandes différences entre nous. Même si son vote est positif, l’accueil que l’ensemble du Sénat a réservé à son discours me semble la meilleure réponse et c’est celle que je lui donnerai à mon tour…

Plusieurs d’entre vous sont revenus sur la notion d’indépendance, y compris Mme Demessine. J’entends lever toute ambiguïté. Dans l’intervention en Irak, nous faisons partie d’une coalition au sein de laquelle les Américains occupent une place particulière. Je connais bien ces sujets, pour les suivre et intervenir régulièrement à leur propos : ce serait une erreur de céder à un réflexe antiaméricain – ne prenez pas mal mes propos, chère madame Demessine – et de considérer que nous ne pouvons pas soutenir une opération à laquelle participent, qui plus est d’une façon importante, les Américains. Non, telle n’est pas notre conception de l’indépendance et j’imagine d’ailleurs que ce n’est pas la vôtre non plus.

Nous nous déterminons en fonction des intérêts de la France et des intérêts universels, puisque c’est l’une des spécificités de la Franc que de plaider sans cesse pour l’universel et de toujours tenter d’agir en ce sens. Ce n’est pas parce que, dans certains cas, nous partageons les positions des Américains qu’il faut immédiatement se retirer de la partie. En outre, nous voulons être actifs. Or vous admettrez avec moi, chère Michelle Demessine, que ne pas participer serait une façon particulière de traduire cette volonté en actes...

Il est vrai que, même si ce n’était pas le même gouvernement, les Américains ont une responsabilité énorme dans ce qui s’est passé en Irak ; vous avez tout à fait raison. Plusieurs d’entre vous ont souligné que le gouvernement de l’époque, soutenu par l’opposition de l’époque – j’en étais –, avait eu raison de refuser de participer à l’aventure irakienne, laquelle a eu toute une série de conséquences.

Toutefois, vous avez tous appelé au réalisme et au pragmatisme. Il nous semble que, dans l’état actuel, compte tenu des risques immenses que fait peser Daech non seulement sur l’Irak, mais sur nous-mêmes, ne pas prendre sa part de l’effort, sans que cela implique d’être l’esclave, le domestique, le serviteur ou le suiveur de qui que ce soit, aurait été une faute. Par conséquent, même si nous avons notre propre jugement sur ce que font les uns et les autres, nous pensons qu’il faut participer à cette action.

Dans son intervention charpentée, longue, forte, Bruno Retailleau a, comme vous tous, rendu hommage à nos soldats, sans oublier, et vous ne manquerez pas de l’approuver, j’en suis sûr, les diplomates. Il a eu raison et nous partageons son analyse : tous sont au service de la France et tous, militaires ou civils, servent notre pays de façon exceptionnelle.

Bruno Retailleau a insisté avec justesse sur le fait que notre engagement international était à la fois fondé et légitime du point de vue international : qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce point.

La question des modalités, que Bruno Retailleau a également soulevée, est importante. Parmi toutes les observations qu’il a formulées, j’en retiendrai une que je fais volontiers mienne. Pour l’évoquer, j’utiliserai un langage diplomatique tout en essayant de me faire comprendre, ce qui doit tout de même être l’un des objectifs de la diplomatie...

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