Je commencerai par avouer à M. Daniel Percheron combien je suis un « télévore » qualifiable « d'absolu », avant de répondre chronologiquement à vos questions.
Je ne m'exprimerai toutefois pas, monsieur David Assouline, sur le processus de désignation des membres du CSA, dont l'adéquation à l'esprit de la loi ne relève pas de mon champ de compétence. Si nul système n'est parfait, la procédure qui me concerne me semble cependant plus transparente que certaines, qui confient au seul président d'une assemblée le pouvoir de nomination à une autorité de régulation. En tout état de cause, je suis heureux de pouvoir, ce matin, m'exprimer devant votre commission. S'agissant des relations que vous avez évoquées entre le CSA et l'ARCEP, force est de reconnaître que leur intensité varie : l'appréciable proximité s'est muée en distance lors du débat sur le premier dividende numérique. Le groupe de liaison informel entre les deux instances, fort utile pour anticiper les difficultés et débattre de sujets communs hors des procédures formelles prévues par la loi, a alors cessé son activité. Il conviendrait, à mon sens de le réanimer. Un tel outil rendrait alors, je le crois, sans intérêt un rapprochement institutionnel entre le CSA et l'ARCEP.
Je partage l'analyse de M. Bruno Retailleau s'agissant des fusions ayant conduit à l'étranger à la création d'autorités de régulation comme l'OFCOM (Office of communications) au Royaume-Uni ou la FCC (Federal Communications Commission) aux États-Unis. Ces modèles ignorent la spécificité de la mission du CSA relative au contrôle des contenus.
Si CSA et ARCEP avaient un avenir commun, une fusion ne pourrait concerner que la partie de l'activité du CSA concernant les canaux de diffusion. En conséquence, il me semble plus approprié d'envisager un renforcement de la collaboration entre les deux instances. Concernant l'évolution de l'écosystème audiovisuel, j'estime que les débats en cours sur un éventuel assouplissement de la chronologie des médias, pour intéressante que cette solution puisse apparaître à court terme pour des groupes comme Canal+ ou Netflix, sont par trop éloignés des véritables sujets d'avenir que constitue, à titre d'exemple, le développement du téléchargement rapide des oeuvres grâce à la fibre optique, qui conduira la filière audiovisuelle à une crise d'une ampleur comparable à celle subie par les acteurs de la musique. Il est donc essentiel d'anticiper l'évolution de l'audiovisuel au regard de la croissance exponentielle des contenus numériques, qui marque - je reprends à mon compte votre expression - la « fin d'un monde ».
Ce point m'amène à répondre à Mme Marie-Christine Blandin, qui m'interpellait sur la façon dont les canaux de diffusion pouvaient façonner la réception des contenus par le consommateur. Le sociologue canadien des médias Marshall McLuhan estimait que la forme influe sur le fond. Il m'apparaît effectivement que smartphone et tablette, où les contenus sont désynchronisés et non linéaires, ne participent pas d'une même logique que la télévision linéaire et façonnent différemment le contenu diffusé. Le service public de l'audiovisuel est tenu à un devoir d'exemplarité. À titre d'illustration, je citerai l'absence, au sein du CSA, d'un groupe de travail sur la place des sciences et des technologies dans les médias. Pourtant, ces domaines font l'objet d'une peur irraisonnée de nos concitoyens, d'une défiance générale de la société. À cet égard, l'audiovisuel public a la responsabilité de réconcilier les Français avec la science et la technologie en promouvant le principe d'innovation au-delà du principe de précaution, en montrant, en somme, qu'un équilibre existe entre le progrès et la prudence autour d'un « principe de responsabilité » selon l'expression de Mme Anne Lauvergeon.
Enfin, Monsieur Jacques Grosperrin, je crois que le développement des émissions économiques, sociales ou culturelles ne doit pas se faire aux dépends des émissions scientifiques. Je souhaite m'engager plus avant sur ces sujets au sein du CSA.