Au début du mois de décembre dernier, nous avons été saisis d'un projet de loi visant à ratifier l'ordonnance du 17 juillet 2014, qui adapte à l'université des Antilles et de la Guyane (UAG) les dispositions de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite loi « ESR », et deux autres ordonnances modifiant la partie législative du code de l'éducation. Le sujet principal qui nous occupe aujourd'hui concerne la transformation de l'UAG en une université des Antilles, rendue nécessaire depuis le départ de son pôle universitaire guyanais, acté fin 2013 par le Gouvernement, et qui s'est traduit par la création d'une université de la Guyane de plein exercice par un décret du 30 juillet 2014.
Je tiens tout d'abord à rendre hommage au travail intense fourni par notre collègue Dominique Gillot en faveur du système universitaire dans les Antilles et en Guyane, un effort qu'elle poursuit inlassablement et qui a été unanimement salué par l'ensemble des personnes que j'ai auditionnées. Nos collègues Serge Larcher et Maurice Antiste, sénateurs de la Martinique, et Jacques Gillot, sénateur de la Guadeloupe, qui l'ont accompagnée dans cette démarche, pourront en témoigner. Elle a produit en avril 2014, en binôme avec notre collègue Michel Magras, un rapport d'information très dense dont la qualité du diagnostic et la pertinence des propositions ont fait l'objet d'un très large consensus au sein du groupe de travail mixte mis en place sur ce sujet par notre commission et la délégation sénatoriale à l'outre-mer. Aussi bien le Gouvernement et les élus locaux que les représentants du milieu universitaire et étudiant antillais comptent désormais sur le Sénat pour mettre en oeuvre les évolutions préconisées par ce rapport afin de faire émerger une université des Antilles solide, capable de coopérer étroitement avec l'université de la Guyane et de rayonner ensemble sur la Caraïbe et l'Amérique latine.
J'ai abordé ce travail en néophyte curieux et passionné, et j'ai fortement apprécié l'esprit de responsabilité dont a fait preuve Dominique Gillot sur ce sujet qui lui tient particulièrement à coeur. Nous avons travaillé ainsi en bonne intelligence, ce qui explique que nous avons fait le choix de vous présenter ensemble, au travers d'amendements identiques, les modifications justifiées par la nécessité de rendre pleinement opérationnelle la nouvelle université des Antilles.
En l'état, le projet de loi de ratification ne procède en effet à aucune modification des dispositions introduites par les trois ordonnances précitées.
Or, à la suite des troubles survenus à la rentrée universitaire de 2013 sur le pôle universitaire de la Guyane, le Gouvernement s'était engagé à créer une université guyanaise de plein exercice et à constituer, en conséquence, une université des Antilles qui succèderait à l'UAG. Toutefois, le champ de l'habilitation prévu par l'article 128 de la loi du 22 juillet 2013 se limitait à une adaptation d'une partie de ses dispositions à l'UAG, entité universitaire dont l'existence législative fait l'objet d'un chapitre spécifique au sein du code de l'éducation. Le Gouvernement n'était donc pas autorisé à modifier, dans le code de l'éducation, le périmètre de l'actuelle UAG et lui substituer une université des Antilles.
C'est pourquoi l'ordonnance du 17 juillet 2014 s'emploie à réformer le fonctionnement de l'UAG, qui continue juridiquement d'exister, dans le sens d'une autonomie renforcée de ses pôles universitaires antillais mais aussi guyanais, bien que la composante guyanaise ait été convertie en université de plein exercice désormais effective et opérationnelle depuis le 1er janvier 2015. Dans le droit fil des préconisations du rapport d'information sénatorial précité, il nous appartient donc désormais de tenir compte, sur le plan juridique, de la décision du Gouvernement de créer une université des Antilles et une université de la Guyane, en amendant les articles du code de l'éducation résultant de l'ordonnance afin de prévoir que le nouveau fonctionnement universitaire déconcentré et décentralisé qu'elle institue est bien applicable à une université des Antilles fondée sur deux pôles guadeloupéen et martiniquais disposant de compétences propres.
Pour mémoire, les pôles avaient été traditionnellement écartés des questions stratégiques au sein de l'UAG, les conseils consultatifs de pôle n'ayant jamais véritablement trouvé leur place entre les composantes et la gouvernance centrale de l'université. C'est pourquoi le rapport d'information recommandait que soient reconnues, aux conseils de pôle et aux vice-présidents de pôle, des compétences propres leur permettant de mettre en oeuvre une gestion de proximité opérationnelle et d'adapter la carte de formations et la politique de recherche de chaque pôle aux stratégies de développement de son territoire d'implantation, en cohérence avec le projet global de l'établissement.
Dans cette logique, l'ordonnance du 17 juillet 2014 a rénové la gouvernance de l'UAG afin de concilier l'unité stratégique de l'établissement et l'autonomie renforcée des pôles. Le président et le conseil d'administration sont ainsi chargés d'assurer la cohésion et l'équilibre entre les pôles universitaires régionaux. Les pôles sont, pour leur part, dorénavant identifiés comme des regroupements de composantes, au sens de l'article L. 713-1 du code de l'éducation, pouvant disposer à ce titre de compétences déléguées du conseil d'administration. Doté de statuts, chaque pôle disposera, en outre, d'un conseil de pôle disposant de compétences propres, délibératives mais aussi consultatives et de proposition auprès du conseil d'administration de l'université.
Le vice-président du pôle disposera, lui aussi, de compétences propres : il est ordonnateur des recettes et des dépenses du pôle, a autorité sur les personnels du pôle et émet un avis sur les affectations des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de service (IATOS). Le président de l'université conserve la faculté de déléguer au vice-président de pôle sa signature pour les affaires intéressant le pôle.
L'ensemble de ces dispositions sont conformes aux préconisations du rapport d'information sénatorial précité.
Comme je l'ai dit en introduction, afin d'achever la transformation de l'UAG en université des Antilles, des modifications doivent encore être apportées au code de l'éducation, modifications auxquelles le Gouvernement ne pouvait procéder dans l'ordonnance en raison du champ limité de son habilitation.
Avec Dominique Gillot, nous vous proposerons donc d'acter clairement le fait que l'université des Antilles succède juridiquement à l'UAG en remplaçant dans le code de l'éducation toute référence à l'UAG par la mention « université des Antilles ». Nous préservons ainsi la continuité et la sécurité juridiques, puisque l'université des Antilles conservera la même personnalité juridique que l'UAG, dans toutes ses dimensions, aussi bien en sa qualité d'employeur et d'ordonnateur que dans la délivrance des diplômes (les étudiants inscrits à l'UAG à la rentrée 2014 ou poursuivant leur cursus courant 2015 ayant vocation à être diplômés de l'université des Antilles).
Cette succession suppose de réajuster la composition du conseil d'administration de la nouvelle université. Au sein du conseil d'administration de l'UAG, chaque pôle disposait de 14 membres. Si l'on ne touchait pas à la composition du conseil d'administration de l'université des Antilles, celui-ci comprendrait alors 28 membres, dont douze enseignants-chercheurs, dix personnalités extérieures, quatre étudiants et deux représentants des personnels IATOS. Or, il me semble indispensable que l'on augmente la représentation des personnels IATOS qui occupent près de 40 % des emplois au sein de l'université. Je vous proposerai donc d'augmenter le nombre de leurs représentants de deux à quatre, conformément au droit commun des universités, sans pour autant diminuer le nombre des personnalités extérieures, qui serait maintenu à dix, pour un nombre total de trente membres au sein du conseil d'administration.
En effet, il convient d'assurer la représentation des organismes de recherche présents en Guadeloupe et en Martinique, qui sont incontournables pour la structuration du développement de ces territoires. Ce faisant, nous nous inscririons dans le droit fil des préconisations du rapport d'information sénatorial précité.
Par ailleurs, je vous proposerai, avec Dominique Gillot, d'éviter toute confusion entre les services communs et généraux de l'université, relevant de l'administration générale de l'université dont une grande partie est installée dans le siège de l'université en Guadeloupe, et les services universitaires propres à chaque pôle universitaire.
Afin de tenir compte de la transversalité de la recherche au sein de l'université des Antilles et du fait que de nombreuses équipes de recherche exercent des activités transversales sur les deux pôles, nous vous proposerons également de préciser que, chaque fois qu'une décision prise par la commission de la recherche d'un pôle concernera un laboratoire exerçant des activités sur les deux pôles, elle devra, pour être effective, être approuvée par le conseil académique de l'université.
J'insisterai, par ailleurs, avec ma collègue, sur la nécessité de mettre en oeuvre la proposition n° 11 du rapport d'information sénatorial précité, par la mise en place d'un « ticket » de trois candidats à la présidence et aux deux vice-présidences de pôle afin de garantir la cohérence stratégique et l'unité de l'établissement. De l'avis de l'ensemble des personnes auditionnées, il est clair que, dans la configuration actuelle avec des pôles aux compétences considérables, si nous n'assurons pas la confiance entre la présidence et les deux vice-présidences, le nouvel établissement se dissoudra de lui-même en l'espace de seulement quelques années, compte tenu des forces centrifuges aujourd'hui à l'oeuvre, notamment en Guadeloupe. Il faut donc que chaque « ticket » de trois candidats ait démontré, au préalable, la cohérence entre le projet global d'établissement porté par le président et les stratégies de développement de pôle défendues par les vice-présidents de pôle.
Enfin, outre un certain nombre de dispositions de coordination et de corrections d'ordre rédactionnel dans le code de l'éducation, je vous proposerai de donner un avis favorable aux amendements du Gouvernement tendant à achever l'oeuvre de ratification de diverses ordonnances intervenues dans la période récente dans les domaines de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche et pour lesquelles des projets de loi de ratification avaient d'ores et déjà été déposés sur les bureaux du Sénat et de l'Assemblée nationale.