Intervention de Soraya Amrani Mekki

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 janvier 2015 : 1ère réunion
Audition de Mme Soraya Amrani mekki candidate proposée par le président de la république pour siéger au sein du conseil supérieur de la magistrature

Soraya Amrani Mekki, candidate proposée par le président de la République :

Examiner toutes les nominations, comme le fait le Conseil supérieur de la magistrature, s'apparente à un travail de bénédictin, qui exige une présence assidue et relève en effet de la gestion des ressources humaines. En tant que processualiste, j'ai l'habitude de faire le lien entre un travail aride et administratif et les enjeux fondamentaux qui se cachent derrière. Examiner les nominations requiert une analyse des procédures : travail préalable de la commission d'avancement, transparence, critères qui se dégagent des rapports d'activité. La participation concrète et quotidienne aux travaux me permettra de mieux appréhender ces procédures de nomination.

Le Conseil supérieur de la magistrature a évolué, depuis sa création en 1883, en strates successives, vers toujours plus d'indépendance. Le projet de loi de 2013 était extrêmement positif. Il y a une opposition assez forte entre la position du Conseil constitutionnel et celle de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui dans ses arrêts Medvedyev et Moulin contre France a considéré que le ministère public n'était pas une autorité judiciaire indépendante au sens de l'article 5 paragraphe 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, c'est-à-dire suffisamment indépendante pour garantir les libertés individuelles. Ces décisions ont beaucoup heurté les magistrats du parquet, qui s'estiment indépendants. Il y a pourtant une différence entre l'indépendance et l'apparence d'indépendance, que le système actuel ne garantit pas. Le projet de réforme aligne les procédures de nomination mais aussi disciplinaires des magistrats du parquet sur celles des magistrats du siège, ce qui marque une avancée. Mais il est indispensable d'en envisager les répercussions au sein du système judiciaire : l'avis conforme ne doit-il pas s'accompagner d'un droit de proposition pour les postes les plus importants ? Cette faculté d'initiative et ce nivellement des procédures entraînent-elles des mesures d'organisation internes ? Mettent-elles en cause l'existence de formations différentes au sein du Conseil ? Le fait que les magistrats du parquet, contrairement à ceux du siège, ne soient pas inamovibles, représente aussi une difficulté. Le projet de réforme du Conseil supérieur de la magistrature appelle donc à s'interroger sur le statut du parquet et même sur des équilibres de procédure pénale.

L'arbitrage n'est pas selon moi un mode alternatif de résolution des litiges, que j'interprète comme l'alternative à l'intervention d'un juge - il y a des discussions doctrinales là-dessus. J'estime en effet que l'arbitre est un juge : l'arbitrage est réglementé, institutionnalisé et l'arbitre rend une sentence qui a autorité de chose jugée même si elle n'est pas exécutoire. L'arbitrage touche des domaines publics, donc sensibles. La légitimité de la décision me semble liée aux règles de procédure - chacun voit midi à sa porte... Nous ne pouvons pas être sûrs d'obtenir une décision juste avec une procédure juste ; mais la solution est à coup sûr injuste avec une procédure injuste. L'arbitrage suppose donc des procédures extrêmement précises, respectueuses des garanties du procès équitable et des intérêts en jeu. Si l'arbitrage est préféré aux procédures étatiques, c'est pour sa souplesse et une certaine liberté, que l'institutionnalisation met à mal en mettant en place ce que le doyen Oppetit appelle une « loi de substitution ». C'est ce qui explique le recours aux modes alternatifs de résolution des litiges. Si l'arbitrage est aussi séduisant, c'est peut-être que la justice étatique n'offre pas une alternative satisfaisante.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion