Je suis reconnaissante au président du Sénat d'avoir proposé ma candidature au CSM.
Après avoir quitté le Conseil constitutionnel, en mars 2013, je me suis réinscrite au barreau de Paris. Si vous confirmiez ma nomination, je demanderais aussitôt au bâtonnier de me retirer de la liste des avocats parisiens car cette fonction est incompatible avec un mandat au CSM.
J'ai commencé ma carrière au barreau de Paris dans les années 70, à une époque où l'on ne comptait que 3 500 avocats à Paris, contre 22 000 aujourd'hui. J'étais avocate généraliste et traitais des dossiers variés : droit des assurances, prud'hommes, beaucoup de divorces, etc. Nous étions saisis de beaucoup de dossiers d'aide juridictionnelle - on parlait alors d'aide judiciaire -, ce qui m'a mise en prise directe avec des justiciables en détresse issus de milieux défavorisés. Puis j'ai voulu voir l'envers du décor, découvrir comment l'on rendait la justice et, après sept ans de barreau, j'ai demandé mon intégration dans la magistrature, au titre de l'article 22 de l'ordonnance de 1958. J'ai été nommée juge d'instruction à Pontoise, confrontée à la délinquance de banlieue. Pendant ces trois ans, j'ai découvert l'articulation entre le siège et le parquet. J'en garde un très bon souvenir car les relations étaient loyales et constructives. Cette expérience a eu une influence sur mes idées concernant l'unité du corps judiciaire, à laquelle je suis très attachée et que le Conseil constitutionnel rappelle régulièrement.
Ensuite, j'ai rejoint la Chancellerie, comme légiste à la direction des affaires civiles et du Sceau, au bureau du droit commercial puis au bureau des professions judiciaires et juridiques. À cette époque, la grande loi était le texte sur le redressement judiciaire et la liquidation des entreprises. J'ai participé à la rédaction du décret qui ne comportait pas moins de 240 articles... Cela a constitué une excellente formation !
En 1993, Pierre Méhaignerie m'a appelée à son cabinet comme conseillère technique puis comme directrice adjointe de cabinet. J'ai acquis une vision plus globale des dossiers et une vision plus politique. L'oeuvre législative a été importante - loi sur la nationalité, loi bioéthique,... - et j'ai eu l'occasion d'être entendue plusieurs fois par la commission des lois du Sénat.
Puis j'ai été nommée au Conseil d'État au tour extérieur ; j'y ai découvert la justice administrative. J'en garde un très bon souvenir. Siégeant à la section de l'intérieur, j'ai été rapporteure de plusieurs lois pénales, comme la loi du 15 juin sur la présomption d'innocence. Cette loi a fait des émules, peut-être trop d'ailleurs, car l'empilement des textes rend la lecture du code de procédure pénale difficile.
Quatre ans plus tard, le Président du Sénat m'a nommée membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; cinq ans et demi plus tard, toujours à son initiative, j'ai été nommée membre du Conseil constitutionnel. C'est la troisième fois qu'un président du Sénat me désigne pour siéger dans une institution. Au CSA, j'étais chargée du respect du pluralisme politique dans l'information et lors des élections, ainsi que des questions radiophoniques. J'ai fait ainsi l'expérience nouvelle de la régulation d'un secteur économique. L'enjeu à l'époque était la montée en puissance d'Internet, la convergence des médias et la régulation à appliquer à Internet. Mes interlocuteurs étaient les entreprises de l'audiovisuel et j'ai découvert les enjeux économiques de ces entreprises. J'ai ensuite passé neuf années particulièrement enrichissantes et passionnantes au Conseil constitutionnel, surtout après le bouleversement, au bon sens du terme, provoqué par la question prioritaire de constitutionnalité, qui donne plus de droits aux citoyens.
Je serais aujourd'hui heureuse de mettre mon expérience au service du CSM. Je mesure que la tâche est importante car cette institution façonne les juridictions en désignant les personnes les plus compétentes pour les diriger.