Effectivement !
On ne peut donc pas nous faire ce reproche, tout en disant que nous transférons les routes à la région uniquement pour enlever une ressource au département !
Le Gouvernement n’a pas dit un mot à ce sujet, parce qu’une grande part de nos départements seraient en situation d’être mis sous tutelle.
Nous rencontrons donc collectivement un problème majeur de financement des départements, auquel s’ajoute un problème majeur d’inégalité de situation des départements. Certains d’entre eux vont très bien, d’autres très mal. Au-delà même de la question des ressources fiscales, on doit se poser celle de l’équité, mot que vous utilisiez fort opportunément tout à l’heure.
Faut-il revoir les financements ? Oui, sans aucun doute. Ne faut-il revoir que le financement lié aux routes ou aux collèges ? Non ! Faut-il démarrer, en parallèle, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui, aujourd’hui, chaque fois qu’elle ne répond plus aux besoins des collectivités territoriales, prend une « couche » supplémentaire de péréquation – pardonnez-moi l’expression, parce qu’elle n’est pas belle, bien qu’elle soit réelle ! Il est vrai que nous procédons à des bascules compliquées au sein de l’enveloppe normée. Nous devons réécrire l’histoire de la DGF, parce que celle-ci est caractérisée par des situations de quasi-rente et des situations d’une injustice violente.
Pardonnez-moi si je suis un peu longue sur ce sujet, j’essaierai de ne pas récidiver trop souvent. Je regrette que la majorité du Sénat n’ait pas désigné, contrairement à ce que nous aurions souhaité, un parlementaire pour travailler avec nous sur ce sujet. Je pense que nous devons aussi mettre en place un groupe de travail consacré aux ressources des collectivités envisagées d’une manière globale.
La CVAE et surtout la cotisation foncière des entreprises, la CFE, – aujourd’hui, c’est essentiellement cette dernière qui finance le logement des salariés, leurs déplacements et les travaux de voirie et de réseaux divers nécessaires aux industriels – suffisent-elles à remplacer la ressource qu’apportait la taxe professionnelle ? Nous savons tous que ce n’est pas le cas !
La réforme de la CVAE a été difficile – je ne porte pas de jugement, même si je me suis battu contre – parce qu’il était difficile d’évaluer à l’avance cette sorte d’effet contracyclique qui nous revient dans la figure comme le manche du râteau.
Quand vous vous penchez sur la solidarité entre les individus, le vrai sujet, pour les départements, n’est pas de savoir s’ils continueront à assumer cette compétence, mais comment ces dépenses seront financées. Dans chaque département, aujourd’hui, ce financement est assuré par les impôts locaux et les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, c’est-à-dire une assiette fiscale large – l’impôt local a une assiette fiscale beaucoup plus large que l’impôt sur le revenu – et une assiette qui dépend des achats et ventes de biens immobiliers. Faut-il se poser la question du financement par les familles ? Les DMTO apportent une réponse partielle à ce sujet. La part de l’impôt sur les successions que nous avons essayé de consacrer à la solidarité nationale est-elle suffisante ? Je ne le sais pas. Faire appel aux familles n’est-il pas une forme de double peine ? Sans doute. Faut-il envisager un impôt national avec une assiette moins large, mais plus juste ? C’est un problème pour les classes moyennes. Rien n’est simple.
Tous ensemble, nous devons répondre à une question importante : à qui incombe ce financement ? Aux familles, aux territoires ou à la solidarité nationale ? Ou faut-il associer ces trois sources ?
Je peux vous assurer, monsieur Mézard, parce que je vous connais trop bien, que, si le transfert des routes aux régions avait pour seul but de leur permettre de disposer d’un peu de ressources supplémentaires pour aider les entreprises, la démarche ne serait pas honorable. Là n’est pas la question !