Chacun s’en doute, je ne suis pas d’accord avec le choix du Gouvernement de rétablir l’article 12 dans sa rédaction initiale.
À vrai dire, sur le papier, l’idée de transférer les collèges aux régions paraît séduisante. Pour ma part, je suis plutôt régionaliste que départementaliste et j’avais songé que, sur un plan théorique, un tel transfert pourrait se justifier. Toutefois, lorsque les commissions étudient les projets de loi, elles s’efforcent de vérifier avec rigueur le bien-fondé des décisions que le Parlement s’apprête à prendre. Je rappellerai donc les quelques raisons objectives qui ont conduit notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication à s’opposer à ce transfert des collèges aux régions.
En premier lieu, je m’appuierai sur les propos tenus par le président de la commission des lois, Philippe Bas, qui a souligné tout à l'heure que nous avions choisi, in fine, le maintien des départements.
Dès lors que les départements perdurent, il faut considérer que c’est l’échelon le plus adapté à l’exercice des compétences dites de proximité, dont fait partie, selon moi, la gestion des établissements scolaires que sont les collèges.
Je me permets de rappeler que nous parlons là du transfert du fonctionnement quotidien de 5 271 collèges publics, qui viendront s’ajouter aux 2 513 lycées. Cela présente-t-il un véritable intérêt pour des régions stratèges, chargées d’une compétence économique renforcée, de l’emploi, de la planification des formations, d’assurer parallèlement un fonctionnement au quotidien ? Au sein de notre commission, nous ne le pensons pas.
J’ai interrogé mon président de conseil régional, Nicolas Mayer-Rossignol, et mon président de conseil départemental, Nicolas Rouly. Vous nous avez d’ailleurs réunis voilà quelques semaines, à Rouen, dans le cadre d’un débat républicain, pour connaître vous-même nos interrogations au sujet de ce projet de loi. Or l’un et l’autre sont défavorables à ce transfert, pour les raisons que j’ai commencé à évoquer.
Il faut savoir que ce transfert constituerait un véritable changement d’échelle pour les conseils régionaux, qui seraient contraints de mettre en place, de leur côté, de manière parallèle, une administration régionale de l’éducation ; ce serait source et de coûts et de complexité.
Permettez-moi de citer quelques chiffres, mes chers collègues. La région issue de la fusion de l’Aquitaine, du Limousin et de Poitou-Charentes devrait assurer la gestion de 751 établissements publics du second degré. Le nombre atteint même 757 pour la nouvelle région issue de la fusion du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie.
Vous en êtes bien conscient, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous l’avez vous-même souligné, un tel transfert aboutirait inévitablement à une distension très importante des liens entre les élus locaux, c'est-à-dire désormais les élus régionaux, et les établissements dont ils ont la charge. On voit mal comment les conseils régionaux pourront assurer un réel suivi par la présence de leurs membres dans les conseils d’administration des établissements.
Vous évoquez la CTAP, monsieur le secrétaire d'État, mais je ne relève pas de proposition concrète qui permette de voir comment elle pourrait jouer un rôle en la matière.
D’aucuns arguent de la possibilité que détient désormais le président de l’assemblée délibérante de désigner, pour siéger dans un conseil d’établissement, par exemple, une personne qui n’est pas membre de ladite assemblée. Nonobstant le respect que je porte aux fonctionnaires de l’éducation nationale ou de nos collectivités territoriales, cela revient en somme à envoyer des fonctionnaires à la place des élus ! Voulons-nous vraiment nous dessaisir de nos compétences, de ce pour quoi nous avons été choisis dans nos collectivités pour traiter des sujets qui les concernent ? Je ne le pense pas. Si les élus commencent à déserter les lieux de décision, de partage, de réflexion, autant qu’ils restent chez eux !
Les économies d’échelle qui ont été évoquées semblent pour l’instant incertaines. Le Gouvernement, je suis au regret de le dire, n’a jamais fourni d’estimation fiable des économies qui pourraient résulter de la mutualisation des moyens. Notre commission a auditionné Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, ainsi que la direction générale des collectivités locales : personne n’a été capable de nous donner le moindre chiffre !