Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous faire part de trois réflexions qui me paraissent importantes.
Premièrement, pour avoir connu les collèges avant la décentralisation – je suis élu depuis 1980 –, je peux témoigner du changement qui est intervenu à la suite du transfert de leur gestion aux départements.
En effet, je me souviens de l’époque où il fallait en référer à la rue de Grenelle pour rénover une cage d’escalier ou pour transformer un local de cuisine : cela prenait des années ! La proximité qui a résulté du transfert de la gestion aux départements a été absolument décisive. Il en a d'ailleurs été de même pour les lycées après que leur gestion a été confiée aux régions.
Dans ces conditions, je pense que le transfert de la gestion des collèges aux régions aboutirait à une recentralisation pénalisante, ayant pour effet d’éloigner les collèges du centre de décision. C’est d’autant plus vrai que, avec la carte régionale, certaines régions verront leur chef-lieu régional s’éloigner encore ! Ainsi, le siège de la future grande région englobant la Picardie, où je suis élu, sera Lille, qui, pour nous, est plus loin que Paris.
Deuxièmement, je veux revenir sur la dimension sociale, qui semble faire l’objet d’un consensus parmi les intervenants. On consacre le département comme acteur principal du social. Or le collège est un lieu où l’on voit émerger un certain nombre de difficultés sociales. On ne les perçoit pas d’ailleurs toujours suffisamment, comme viennent de le montrer certains événements… Les services sociaux du département sont, la plupart du temps, installés dans les chefs-lieux de canton, où sont aussi implantés les collèges, avec lesquels ils travaillent en symbiose, que ce soit sur les bourses, sur la malnutrition, sur les violences ou sur la santé.
Ce n’est pas à Lille que l’on résoudra les problèmes du collège d’Oisemont ! À moins que l’on ne maintienne, au nom de la proximité, un établissement régional au chef-lieu du département… Mais à quoi sert-il, alors, de confier cette compétence aux régions ?
Troisièmement, enfin, comme certains de mes collègues l’ont très bien dit, le transfert de la gestion des collèges aux régions conduira à un déficit démocratique.
Le fait qu'il n'y ait plus d’élu qui soit à l’écoute des difficultés de tel établissement, qui les relaie, qui prenne contact avec le rectorat, le directeur académique des services de l'éducation nationale ou avec le conseil général, constituera une perte pour l’établissement. Ce sera aussi une perte pour les élus : si l’on nous confie le soin de voter des budgets sans jamais nous permettre d’aller sur le terrain pour discuter de la façon dont l’argent est utilisé, comment pourrons-nous soutenir que nous sommes responsables, que nous ne sommes pas des élus hors-sol ?
Ce déficit démocratique est un vrai problème et me conforte dans l’idée que, compte tenu du maintien des départements, les collèges doivent rester aux départements, en privilégiant, bien évidemment, toutes les mutualisations, toutes les économies, tout le travail en commun qu’il est possible de réaliser.
Pour cette raison, je suivrai le très sage avis de la commission.