La coopération sur l'ensemble des sujets relevant de la transition énergétique entre les gouvernements des États-membres est encore trop faible, faute d'une vision d'ensemble et l'hétérogénéité des mesures prises au niveau national. Le CESE a d'ailleurs identifié d'autres pistes sur la transition énergétique et la participation citoyenne en privilégiant la participation des acteurs de la société civile dont les comportements doivent évoluer. Le développement de petites installations, qui permettent aux particuliers de produire leur propre énergie et de la diffuser sur des réseaux, sans intervention d'une bureaucratie considérée comme un obstacle diriment, et la stabilité du cadre légal demeurent, à nos yeux, des priorités. À ce titre, je souscris à votre constat, qui corrobore d'ailleurs les résultats des études conduites sur cette question, d'une diversité normative et d'une relative versatilité de l'ensemble des politiques conduites à l'échelle nationale. Le CESE milite d'ailleurs en faveur de la simplification des procédures de facturation destinée aux installations de production d'électricité, de l'ouverture de guichets uniques destinés à faciliter l'utilisation des aides européennes ainsi que du développement des réseaux locaux. Si l'ensemble de ces mesures est évoqué dans le projet de loi sur la transition énergétique, l'implication des citoyens dans leur mise en oeuvre ne semble guère encouragée. Sans doute la formulation de telles dispositions émane de spécialistes, sans que ne soit réellement prise en compte l'opinion des utilisateurs qui sont pourtant essentiels à la réussite de la transition énergétique. En outre, les initiatives de la Commission européenne, pour dresser un état des lieux des dispositifs de soutien en vigueur dans les différents États-membres, se heurte à une grande diversité, ainsi qu'à un manque de transparence que déplorent également les citoyens et les entreprises.
A l'instar de la Pologne, certains pays vont-ils revenir à l'énergie nucléaire ? Il est vrai que, pour les pays limitrophes de l'Ukraine et de la Russie, la question de la sécurité des approvisionnements énergétiques est beaucoup plus importante que celle de la transition énergétique. Le traitement des questions climatiques est également fonction du niveau de développement économique des États et les sensibilités demeurent variables pour des raisons évidentes. Ainsi à Chypre, la question de l'exploitation du sous-sol marin et de ses gisements gaziers, qui constituent une ressource peu employée, suscite l'assentiment des citoyens. D'ailleurs, je rappellerai que l'Union européenne dispose du plus grand espace maritime au monde, avec la zone économique exclusive la plus étendue grâce aux régions ultrapériphériques notamment.
Cependant, s'agissant de l'industrie nucléaire comme moyen de sécuriser l'approvisionnement énergétique, l'exemple de la Lituanie, qui demeure totalement dépendante de la Russie depuis la fermeture de sa dernière centrale nucléaire, est révélateur. Certes, cet État-membre cherche à se doter d'un nouveau réacteur et ce, alors que la Russie vient d'en ouvrir deux, l'un à Kaliningrad et l'autre en Biélorussie situé à quelques kilomètres de la frontière lituanienne. La France est-elle bien placée sur ces marchés ? Certainement ! L'énergie nucléaire paraît bien l'énergie du futur à moyen terme, mais pas nécessairement à long terme. Il faut certainement investir dans la recherche sur toutes les formes d'énergie, y compris celle issue de la canne à sucre sur l'Ile de la Réunion ! D'ailleurs, l'échelon territorial est essentiel à la réussite de ces filières alternatives de production énergétique et il importe que le projet de loi en assure le soutien.
Pourquoi la France a peu recours au Fond européen pour l'électricité ? Sans doute par méconnaissance ou du fait de l'existence, au niveau national, de dispositifs de soutien suffisants qui rendraient inutile le bénéfice des mécanismes de soutien européens. Avec le plan des 315 milliards initié par M. Jean-Claude Juncker, une telle situation est appelée à évoluer.
Un grand nombre de questions portait sur le sujet de l'Europe de la solidarité sur lequel le CESE est très engagé. D'ailleurs, la thématique du détachement des travailleurs, plus communément évoquée avec la Directive Bolkenstein, nous paraît centrale. Nous militons en faveur de la révision de cette directive à laquelle nous avons consacré une étude d'impact dans le secteur du bâtiment. Ainsi, le détachement pour une durée de trois mois dans un autre pays que celui d'origine où est acquitté le paiement des charges sociales en vigueur représente un outil de dumping social légalisé. Le rapport qui dénonçait ce point a d'ailleurs été adopté à l'unanimité par le CESE et l'ensemble des partenaires sociaux qui y sont représentés, incluant notamment les pays émetteurs de main d'oeuvre. Nous demandons que cette révision implique la prise en compte des règles de cotisations sociales du pays non plus d'origine, mais d'accueil de la main d'oeuvre. Le Président Jean-Claude Juncker a d'ailleurs repris ce point dans un discours qu'il a prononcé au Parlement en octobre dernier. Le rapport du coût de la main d'oeuvre national par rapport à celui des travailleurs détachés peut aller de un à trois, ce qui est dommageable pour les entreprises locales et l'idée européenne du même coup !