Intervention de Thierry Repentin

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 janvier 2015 : 1ère réunion
Présentation par m. thierry repentin président de la commission nationale de l'aménagement de l'urbanisme et du foncier cnauf du rapport « la mise en oeuvre du dispositif de mobilisation du foncier public en faveur du logement »

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin, président de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier :

Je vous remercie pour votre accueil. Je me félicite de pouvoir présenter en premier au Sénat, qui représente les territoires et se préoccupe tout particulièrement de la question foncière, le rapport qui a été prévu par une disposition expresse de la loi du 18 janvier 2013.

Je rappelle que ce premier rapport intervient six mois après ma prise de fonction à la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier (CNAUF) et je suis certain que le rapport de l'année prochaine pourra présenter un bilan quantitatif sans commune mesure avec celui de cette année.

Je rappelle tout d'abord que la mission qui nous a été confiée par la loi comporte deux objets. La commission nationale est, de façon générale, chargée de suivre le dispositif de mobilisation du foncier public en faveur du logement. Elle doit plus particulièrement s'assurer que la stratégie adoptée par l'État et les établissements publics concernés est de nature à favoriser la construction de logements sociaux, mais aussi du secteur libre en cédant des biens appartenant à leur domaine privé. La commission que je préside intervient lorsque les cessions présentent des difficultés et, depuis son installation le 24 juillet 2014, la CNAUF se réunit environ une fois par mois.

Ce premier rapport comporte quatre parties.

En premier lieu, il analyse les évolutions législatives résultant de la loi du 18 janvier 2013. Cette loi prévoit que l'État peut céder des terrains avec une décote qui a été augmentée par rapport au droit antérieur. Plafonnée jusqu'en 2013 à 25 % et à 35 % au maximum en zone de tension, la décote peut désormais atteindre 100 % en fonction de circonstances locales et en tenant compte de la proportion de logements sociaux construits. Le périmètre de la décote a également été élargi aux biens bâtis et aux équipements publics.

Trois contreparties sont exigées des bénéficiaires de cet effort financier de l'État. Tout d'abord, les acheteurs doivent s'engager à réaliser le programme de construction en cinq ans. Le Parlement a cependant prévu la possibilité d'accorder un délai supplémentaire, par exemple quand il s'agit d'opérations complexes qui s'étendent sur plus de 5 hectares, comme à Nantes ou la construction de 1 600 logements nécessite de suivre une procédure complexe et d'effectuer des travaux préalables de dépollution. Ensuite, la loi prévoit l'introduction de clauses « antispéculatives» pour éviter les effets d'aubaine. Enfin, les modalités de contrôle par l'État de l'exécution du programme de construction sont renforcées avec des exigences en matière de mixité sociale.

La mise en oeuvre du dispositif a été recentrée sur le préfet de région. Celui-ci établit la liste des biens prioritaires à vendre, signe la convention entre l'État et le preneur annexée à l'acte de cession, assure le contrôle de la réalisation des programmes de construction et en dresse le bilan. La dimension partenariale de la gouvernance se traduit par la consultation des maires et des présidents d'Établissements publics de coopération intercommunale concernés en amont de l'inscription d'un bien sur une liste de biens à vendre et également par la consultation du Comité régional de l'habitat et de l'hébergement sur cette liste et sur l'élaboration du bilan régional.

En ce qui concerne l'application de la loi, deux ans après son entrée en vigueur, trois décrets d'application ont été publiés : d'abord, le 15 avril 2013, sur les biens de l'État ; ensuite, le 18 octobre 2013 pour élargir le mécanisme au foncier des quatre établissements de transport que sont le Réseau ferré de France (RFF) - pour lequel un plafonnement de la décote à 30 % a été prévu jusqu'au 1er janvier 2017 compte tenu de sa situation financière - la Société nationale des chemins de fer (SNCF), la Régie autonome des transports de Paris (RATP) et Voies navigables de France (VNF). Enfin, le décret du 30 décembre 2014, étend la possibilité de décote aux ventes de biens des établissements publics de santé, dont l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, les Hospices Civils de Lyon et l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille.

Le dispositif est aujourd'hui pleinement opérationnel, non seulement parce que les textes d'application ont étés pris mais aussi parce que des journées de rencontre et des formations ont été mises en place pour faciliter l'information sur le dispositif et permettre aux acteurs de se l'approprier sur le terrain.

Concrètement, les listes de biens cessibles pour la production de logements ont été élaborées. Pour les biens du domaine privé de l'État, 21 listes régionales ont été publiées, avec 264 biens identifiés comme cessibles pour la production de logements, notamment de logements sociaux. S'agissant des biens cessibles des établissements publics, 69 ont étés identifiés sur les listes régionales et une charte d'engagement des opérateurs ferroviaires (RFF /SNCF) a été signée en juin 2014 : je note à ce sujet que la réunification des deux établissements permettra de s'adresser à un interlocuteur unique.

Au total, plus de 700 hectares sont ainsi disponibles pour la production de logements et leur cartographie montre que toutes les régions sont concernées par les implantations de logements qui en découleront, avec une attention particulière pour les zones en tension. À l'automne, un vivier de 111 terrains prioritaires - 98 de l'État et 13 terrains de RFF et de la SNCF - a été identifié par les préfets de région : ils ont vocation à être cédés, pour une majorité, d'ici à fin 2015. Les opérations sont engagées pour étudier les niveaux de décote mais je ne peux pas vous garantir que l'intégralité des biens seront vendus, car la négociation des programmes est une tâche complexe.

Sur la base de ce premier bilan de la mise en oeuvre de la loi du 18 janvier 2013, le rapport de la commission suggère cinq axes d'amélioration. Il convient, tout d'abord, de poursuivre la formation des services territoriaux de l'État et renforcer la pédagogie sur le nouveau dispositif auprès des élus et de leurs services. Nous proposons également de perfectionner le dispositif législatif, en particulier pour étendre le champ de la décote aux « biens bâtis à rénover ». La loi ne pouvait pas tout prévoir et nous sommes confrontés à des blocages sur le terrain : par exemple, d'anciens logements occupés par des douaniers nécessitent d'importants travaux de réhabilitation ; or la loi ne le permet pas. En outre, la législation ne permet pas d'appliquer de décote pour les logements intermédiaires et ces deux points pourraient éventuellement être corrigés. Le rapport préconise aussi de renforcer l'accompagnement des services territoriaux de l'État dans l'instruction des dossiers, notamment par une capitalisation de l'expérience acquise et par un recours aux professionnels de l'aménagement si nécessaire. Je signale que notre rapport détaille en annexe un certain nombre de cas pratiques : par exemple, le délai de cinq ans peut être prorogé en consultant la CNAUF, et celle-ci propose des mesures de bon sens pour permettre de faire bénéficier de la décote des acquéreurs se trouvant dans des situations complexes.

En quatrième lieu, le renforcement du pilotage du dispositif est souhaitable, en identifiant mieux des « équipes projets » au sein des préfectures. Enfin, la stratégie de vente doit être améliorée, en ordonnançant les terrains dans les listes et priorisant les actions : je souhaite que même si les 264 entités ne peuvent pas être cédées immédiatement, on puisse accélérer le processus pour les cas les plus simples.

Au total, en 2014, treize cessions ont été réalisées par l'État et une par Réseau Ferré de France sous le régime de la loi du 18 janvier 2013. Leur nombre est limité, mais elles représentent 13 000 logements et ont donné lieu à des taux de décote importants, de 26 % à 84 %. Onze cessions sur treize ont des taux de décote supérieurs à 35 % et dix cessions sur treize ont des taux de décote supérieurs à 50 %. Cela se traduit donc par un effort financier important de l'État : ces treize cessions ont généré 29,6 millions d'euros de recettes pour 32,7 millions d'euros de décote consentie. France domaine avait, en effet, estimé ces biens de l'État à environ 60 millions d'euros. Trois exemples illustrent ce processus : à Romainville, la vente de l'emplacement d'un talus d'autoroute délaissé se traduira par la création de 260 logements, dont le quart de logements sociaux, puisqu'il s'agit d'une zone où le secteur social est d'ores et déjà largement présent. La cession de la caserne Mellinet au centre de Nantes, avec 67 % de décote permettra de construire 1 700 logements dont 35 % de logements sociaux. Enfin, la Ferme Champagne à Savigny-sur-Orge, qui est un terrain du ministère de la Justice, est cédée avec une décote de 45 % avec un programme de 65 logements sociaux.

Pour conclure, j'attends, dès le premier trimestre 2015, une vive accélération des cessions, ce qui nécessite d'aller sur le terrain pour faciliter le processus.

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