Intervention de Thierry Repentin

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 janvier 2015 : 1ère réunion
Présentation par m. thierry repentin président de la commission nationale de l'aménagement de l'urbanisme et du foncier cnauf du rapport « la mise en oeuvre du dispositif de mobilisation du foncier public en faveur du logement »

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin, président de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier :

Vos questions sont pragmatiques. La loi du 18 janvier 2013 n'a pas été votée pour brader le patrimoine de la Nation. L'État ne peut céder son domaine privé à vil prix, il s'agit d'un principe constitutionnel. Il en est de même pour les collectivités locales, qui tiennent compte de la nature de l'opération projetée. Cette loi prévoit donc les conditions dans lesquelles une décote peut être décidée. Celle-ci est proportionnelle à la surface de logements sociaux dans l'opération. Elle est d'autant plus élevée que ces logements sont plus sociaux.

Sur quoi la décote est-elle assise? Cela pose la question de la méthode d'évaluation de France Domaine. La valeur vénale d'un terrain est calculée par référence au marché lors d'une vente ordinaire à un acquéreur privé. On part donc du prix « libre », duquel on défalque toutes les dépenses faites par la collectivité locale ou l'opération pour la viabilisation du site (notamment la dépollution). Le but est que l'opération soit équilibrée financièrement. Cette partie préliminaire de l'opération prend du temps. Il est parfois nécessaire de disposer d'un plan masse. Il arrive qu'il soit nécessaire de désamianter des bâtiments. Le coût de ce type d'intervention doit être intégré.

La décote liée au logement social ne se justifie que parce que les loyers de ces logements sont plus faibles. La décote est ainsi proportionnelle au rendement du logement, et permet ainsi d'équilibrer l'opération.

La loi du 18 janvier 2013 ne permet pas de vendre ces terrains décotés directement au secteur privé. La vente ne peut se faire qu'à une collectivité locale, responsable de l'opération. Si la proportion de logements sociaux de l'opération n'est pas celle qui était prévue, le prix de cession est modifié a posteriori.

Les opérateurs privés sont toutefois intéressés à ces opérations. Dans une zone d'aménagement concertée classique, la collectivité locale fait souvent payer aux opérateurs privés, sur la partie réservée aux logements libres, son manque-à-gagner sur la partie réservée à la construction de logements sociaux. Grâce à la décote obtenue par la CNAUF, ce manque-à-gagner disparaît, et la nécessité pour les promoteurs privés de « payer pour le logement social » avec elle.

Ces méthodes de calcul et de négociation sont nouvelles : elles exigent donc de la pédagogie à l'égard des différents services publics, de l'État comme des collectivités locales.

La CNAUF rappelle à France Domaine que la vente doit se faire non au prix le plus élevé possible, mais au juste prix pour équilibrer l'opération.

La décote est nécessaire à peu près partout en zone urbaine : les tensions sur les prix et les surfaces empêchent d'y construire des logements sociaux. En revanche, en zone rurale, le coût de marché du foncier est souvent suffisamment faible. En outre, l'État est davantage propriétaire foncier en milieu urbain qu'en milieu rural.

La compétence de la CNAUF s'étend également aux bases militaires désaffectées.

S'agissant de l'organisation de France Domaine, ce service a évolué au cours des derniers mois. Nous avons toujours trouvé un accord sur une divergence d'appréciation des prix de vente, permettant ensuite de rapprocher les points de vue. Les ministres ont la volonté que France Domaine évolue pour que la mobilisation foncière nécessaire aboutisse. La loi ne date que de janvier 2013. Ses résultats ne peuvent pas encore être très importants, une programmation de construction de logements nécessite plusieurs années. Les maires peuvent être amenés à devoir changer leur programme local de l'habitat (PLH), adopté avant la loi.

3 000 logements sont programmés dans les opérations décidées depuis mon entrée en fonction, j'ai espoir d'un régime de croisière de 25 000 logements par an.

S'agissant de l'ANRU, nous allons traiter le sujet avec la ministre de la ville.

J'ambitionne d'augmenter le rythme de vente de terrains en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Le préfet y sera prochainement sensibilisé. Si le choix des terrains se fait au niveau régional, ce sont les directions départementales des territoires (DDT) qui valident les programmes.

La décote ne peut pas être forfaitaire, car la valeur vénale des terrains est très hétérogène sur le territoire. Dans les zones les plus tendues, une décote forfaitaire serait inopérante et contraire à l'interdiction constitutionnelle de brader le patrimoine de l'État.

La CNAUF ne dialogue qu'avec les préfets de région, le ministre du budget et celui du logement. Si aucun accord n'est obtenu, nous avons recours à l'arbitrage du Premier ministre.

Il faut considérer la liste des 264 propriétés sur lesquelles la décote est de droit comme un point de départ. Tous les biens, qui figurent sur cette liste ont vocation à être cédés, mais ils ne sont pas les seuls à pouvoir l'être ! Si les collectivités locales repèrent d'autres réserves foncières, elles peuvent le signaler : dès lors qu'il s'agit de programmer 75 % de la surface en logements, la CNAUF peut intervenir. Il faut saisir les préfets.

Pour RFF, la décote est plafonnée à 30 %, du fait de la nécessité de ne pas trop porter atteinte à son bilan, grevé par une dette très importante.

L'action de la CNAUF ne s'étend pas concrètement à l'outre-mer pour le moment. Des dispositions antérieures à la loi du 18 janvier 2013 traitent la question de la mobilisation du foncier public.

Une opération en cours, si elle porte sur une proportion de 75 % de logements, et tant que la cession n'est pas signée, peut voir ses conditions être renégociées.

La cession à l'euro symbolique (100 % de décote) n'est possible qu'en zone tendue et pour réaliser des logements dits « PLAI » (prêt locatif aidé d'insertion).

La liste des sites prioritaires ne comprend que des sites qui peuvent être cédés rapidement, donc a priori ne devant pas faire l'objet d'un déclassement préalable. En cours d'opération, il arrive qu'on découvre que certains terrains sont grevés de contraintes juridiques particulières qui créent des délais imprévus, par exemple une ancienne propriété du Maréchal Pétain en région PACA.

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