Intervention de Antoine Durrleman

Commission des affaires sociales — Réunion du 21 janvier 2015 : 1ère réunion
Auditions pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes sur les maternités

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

Sur la corrélation éventuelle entre un mauvais classement sur les indicateurs de périnatalité et une forte natalité, la comparaison avec un pays comme le Royaume-Uni, où ces indicateurs sont meilleurs, avec un environnement démographique du même ordre, est éclairante. Il y a moyen, pour notre pays, de faire des progrès. C'était au demeurant la conviction de Bernard Kouchner, alors ministre de la santé, lors de la préparation des décrets de 1998, qu'un renforcement de la prise en charge pouvait permettre une amélioration substantielle des indicateurs de périnatalité .Sans mésestimer l'action des pouvoirs publics, le constat est que les résultats ne sont pas au rendez-vous. Ainsi que l'avait montré la partie du rapport public annuel de la Cour consacrée à la prise en charge de la naissance il y a deux ans, il y a urgence à se remobiliser sur ces résultats de périnatalité. La question est importante, elle n'implique pas seulement le système de soins mais aussi d'autres acteurs : les réseaux de protection maternelle et infantile ont un rôle déterminant à jouer dans la qualité de la prise en charge de la naissance au sens large. Or, d'un département à l'autre, la structuration de l'effort de PMI est très différente.

Suivant l'adage latin Sutor, ne ultra crepidam !, (cordonnier, pas plus haut que la chaussure !), la Cour, qui n'a pas de compétence médicale, ne saurait se prononcer sur la détermination d'un seuil d'activités en deçà duquel il faudrait fermer une maternité. D'après les sociétés savantes consultées sur ce sujet, il semble que la question du seuil à 300 accouchements mérite d'être redocumentée. Les établissements qui pratiquent de 500 à 1 000 accouchements par an concentrent les difficultés en termes d'équilibre économique, celui-ci se situant plutôt autour de 1 200 accouchements par an en l'état actuel de la tarification, mais aussi d'attractivité pour les professionnels. On observe une mise en concurrence pour la ressource rare que constituent les professionnels qui appelle à réfléchir sur cette question des seuils d'activité, tout en considérant qu'il n'est pas anormal que puissent exister des situations dérogatoires, en conformité avec les exigences de sécurité. Or, à Die, comme à Ussel, ces conditions de sécurité ne sont pas remplies. Les dérogations ne devraient donc être possibles qu'à une double condition de sécurité et d'équilibre financier, ce qui peut se traduire par des financements mixtes.

En préconisant l'élaboration d'un schéma de moyen terme, la Cour n'appelle pas pour autant à une tabula rasa. Il est évident que les établissements sont ancrés dans une histoire et dans un territoire. Pour autant, la Cour a fait le constat du caractère très contingent de la structuration en matière de niveau de prise en charge. Dans le département de l'Allier, par exemple, les trois maternités, qui sont toutes de niveau II, n'en respectent pas les normes de personnel obligatoires. L'une d'elles pourrait passer en niveau I au bénéfice des autres. C'est d'autant plus important que l'on constate « l'encombrement » de certaines maternités. Seules 7 % des maternités disent qu'elles peuvent rencontrer des difficultés à certains moments mais c'est le cas de 25 % des maternités de niveau III. Il est vrai que les accouchements sont soumis à une certaine saisonnalité. Les maternités de niveau III jouent aussi un rôle de proximité mais elles accueillent aussi au-delà de leur territoire, en raison du souhait des femmes d'accoucher dans des établissements dotés d'un plateau technique performant. A rebours, on observe aussi le souhait de certaines femmes d'accoucher dans des conditions moins médicalisées.

La définition d'un objectif cible permettrait d'avancer.

L'accompagnement des femmes à leur retour à domicile est à la fois essentiel et structurant. Des stratégies d'accouchement ambulatoire sont mises en place dans certains pays, comme la Suisse, où le temps de l'accouchement n'est qu'un moment de la prise en charge. Ce retour plus précoce suppose un accompagnement et pose la question de la durée d'accès au lieu de naissance. Notre pays a fait le choix de la proximité du domicile de la parturiente. En Suède, 18 maternités accueillent un nombre de naissances que l'Ile-de-France répartit sur 92 maternités. Ce n'est pas un modèle absolu mais c'est une organisation différente qui suppose de faire en sorte que les femmes soient hébergées avant la naissance à proximité du lieu d'accouchement. Les expérimentations d'hôtels hospitaliers peuvent être intéressantes à cet égard.

Pour les établissements pratiquant plus de 4 000 accouchements par an, il y a un besoin de règles d'organisation et d'exercice de leurs responsabilités qui soient plus claires. La Cour a proposé que les maternités de niveau III soient dotées de services de réanimation adulte au regard des problématiques de mortalité maternelle. Cela suppose des flux de formation d'anesthésistes réanimateurs mais aussi, une réorganisation accrue dans le domaine chirurgical.

Le rapport contient des éléments relatifs aux césariennes de confort. Sur ce sujet, la Haute Autorité de santé a lancé des actions sur l'optimisation du recours à la césarienne qui ont été puissamment relayées par les réseaux de santé périnataux et se sont traduites, dans certains établissements, par une véritable chasse à la mauvaise indication.

En ce qui concerne la relation ville-hôpital, le Prado est effectivement une initiative intéressante mais elle n'est pas la seule. De fait, il s'est souvent superposé à des initiatives hospitalières et libérales existantes et s'est parfois révélé désorganisateur par rapport à des pratiques antérieures. Il va dans la bonne direction mais n'a pas toujours été introduit de la façon la plus efficiente.

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