Intervention de Antoine Durrleman

Commission des affaires sociales — Réunion du 21 janvier 2015 : 1ère réunion
Auditions pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes sur les maternités

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

Je voudrais revenir sur ce qu'a été notre approche pour cette enquête. Il ne s'agit pas d'une approche financière - même si l'intérêt de la Cour pour les questions financières ne doit surprendre personne - mais plutôt d'une évaluation de la politique publique par rapport aux objectifs et aux indicateurs que le Gouvernement a lui-même définis. Le constat, c'est qu'au regard de ces indicateurs de santé publique, les résultats ne sont pas présents.

L'ordre de nos recommandations reflète celui dans lequel les questions ont été abordées au fil des différents chapitres. Ce n'est pas un ordre de priorité. Néanmoins, la recommandation principale est bien celle que nous formulons en premier : la nécessité de la réalisation d'une enquête épidémiologique pour mieux documenter certaines situations. Il y a étonnamment peu de littérature scientifique sur ces sujets. Le peu que nous avons trouvé figure dans le rapport. C'est préoccupant : comment peut-on avoir un pilotage collectif d'un sujet aussi important en l'absence de données ? Chaque ARS peut se faire une idée sur son territoire, mais il est de la responsabilité des pouvoirs publics d'éclairer les décisions sous un angle de santé publique.

Nous sommes conscients de la dialectique entre sécurité et proximité. La Cour ne propose pas la fermeture abrupte des petites maternités mais recommande de ne les laisser fonctionner qu'à condition d'assurer, pour les femmes et les enfants, une sécurité identique à celle garantie dans les autres structures. Notre enquête était en cours lorsque la maternité d'Orthez a dû être fermée dans l'urgence alors que ses conditions de fonctionnement n'étaient ignorées de personne. La procrastination a eu des conséquences au moins pour une femme.

Le trésor de notre système de soins, c'est la confiance des patients. C'est un trésor récent. Jusqu'à la fin des années 1950, l'hôpital était le lieu de prise en charge des plus pauvres. Ce qui s'est construit sous la Vème République avec l'hôpital public est très comparable à l'oeuvre de la IIIème République pour l'école publique. Si la confiance n'est plus là, c'est l'ensemble du dispositif qui est mis en risque. Ces problématiques de sécurité sont majeures.

Pour ce qui concerne les problématiques de sous-financement, le tarif d'un accouchement facturé par un établissement de santé est de 2 435 euros auxquels s'ajoutent 931 euros au titre de la prise en charge du nouveau-né. Il y a une sous-valorisation qui varie selon les situations mais est toujours nette. Il y a une réflexion à relier à l'efficience du fonctionnement des maternités.

En matière de taux d'occupation et de durée de séjour, il y a des progrès sensibles à réaliser sans pour autant compromettre la qualité des soins. C'est pourquoi la Cour insiste sur le suivi post-natal. Un effort très important, bien qu'encore insuffisant pour les populations précaires, a été réalisé sur le suivi prénatal.

Elle n'a pas une approche financière mais une approche d'évaluation des politiques publiques par rapport aux objectifs fixés par les pouvoirs publics. Le constat, c'est que les objectifs n'ont pas été atteints.

La Cour ne préconise pas une absorption des maternités par le niveau III. Au contraire, elle pointe une déformation anormale au détriment des maternités de niveau I et appelle à une réflexion sur la structuration des maternités en niveaux qui pose de graves difficultés dans notre pays. En raison de la pénurie démographique de professionnels, il y a un risque à ce que cette aspiration se poursuive et que les territoires soient vidés de leur substance. Les professionnels de la naissance vont tous se retrouver dans les grands établissements. Quinze ans après les décrets de 1998, il faut faire un constat et définir un projet d'ensemble. Les ARS ont besoin de cette toile de fond qui ne peut s'élaborer qu'à partir d'une vision épidémiologique.

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