Déposée par Michel Magras, sénateur de Saint-Barthélemy, et plusieurs de nos collègues, la proposition de loi organique sera examinée par le Sénat dans l'espace réservé au groupe UMP le 29 janvier prochain. Elle est le fruit d'une réflexion conduite par la collectivité de Saint-Barthélemy sur son statut, près de huit ans après son entrée en vigueur. Le ministère des outre-mer, souhaitant une réforme d'ensemble, avait sollicité plusieurs collectivités ultramarines pour dresser un bilan des différents statuts. Faute de réponse, à l'exception de celle de Saint-Barthélemy, le projet de loi organique n'a pas été déposé. Notre collègue a donc repris les propositions émises par le conseil territorial dans son avis du 20 décembre 2013. Saisi par le président du Sénat, le conseil exécutif de la collectivité a, par un avis rendu le 24 décembre dernier, affirmé son soutien à ce texte.
Saint-Barthélemy est une collectivité dotée de l'autonomie au sens de l'article 74 de la Constitution. Son statut actuel résulte de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. L'île a saisi l'occasion offerte par la révision constitutionnelle de 2003 pour solliciter son autonomie, arguant notamment de son éloignement de la Guadeloupe. La création d'une nouvelle collectivité d'outre-mer a été approuvée, lors de la consultation locale du 7 décembre 2003, par 95,51 % des suffrages exprimés. La voie était ouverte à la création par le législateur organique de cette collectivité.
La collectivité de Saint-Barthélemy s'est donc substituée en 2007 à la commune de Saint-Barthélemy, au département et à la région de Guadeloupe. Elle exerce leurs compétences ainsi que celles spécifiquement attribuées par le législateur organique, notamment un pouvoir normatif autonome en matière d'environnement, urbanisme, fiscalité, énergie, tourisme, etc. Les lois et règlements édictées par l'État s'y appliquent néanmoins de plein droit, à l'exception des règles d'asile et d'entrée et séjour des étrangers.
Le fonctionnement des institutions repose sur des équilibres spécifiques à cette collectivité, afin de contrebalancer notamment le pouvoir de l'autorité exécutive par une association plus large des élus locaux qu'en métropole. Le conseil territorial est composé de 19 membres élus pour cinq ans au scrutin de liste à la représentation proportionnelle au sein d'une circonscription unique. La liste arrivée en tête obtient un tiers des sièges, ce qui assure une majorité stable. Le conseil élit en son sein un président, responsable devant lui et qui partage l'autorité exécutive avec un conseil exécutif de sept membres, à fonctionnement collégial. Il comprend actuellement un membre de l'opposition. S'y ajoute un conseil économique, social et culturel (Cesc) dont les membres désignés pour cinq ans assistent à titre consultatif le conseil territorial.
La proposition de loi organique comporte des modifications statutaires visant à faciliter le fonctionnement des institutions, d'autres relatives aux compétences respectives de la collectivité et de l'État. Toutes résultent d'un premier bilan de la pratique institutionnelle sous le nouveau statut. Certaines ne sont que la transposition du droit commun des collectivités territoriales : représentation en justice de la collectivité et possibilité de délégation de fonctions à des membres de l'assemblée délibérante ; suppression d'un rapport spécial du président au conseil territorial, redondant avec les différents débats budgétaires ; règles de quorum, de délégation de vote et de majorité au sein du conseil exécutif. Je vous propose de les adopter sous réserve des amendements que j'ai déposés afin de préserver les caractéristiques des institutions locales.
Je vous proposerai également des amendements précisant les articles 11 et 12, qui visent à rendre plus fluides les relations entre le conseil territorial et le Cesc, en calant notamment le délai imparti à ce dernier pour rendre ses avis ordinaires sur celui prévu pour la convocation du conseil territorial.
L'article 8 supprime la possibilité pour le conseil exécutif de confier à l'un de ses membres le soin d'animer et contrôler un secteur de l'administration. Ce serait contraire à la collégialité exécutive voulue par le législateur organique en 2007. Je m'inscris donc sur ce point dans les pas de notre collègue Christian Cointat, qui avait convaincu notre commission, en 2009, de maintenir cette règle dans la collectivité voisine de Saint-Martin.
Je suis plus réservé encore sur les dispositions relatives aux compétences de la collectivité. L'article 2 prévoit de faire participer davantage la collectivité de Saint-Barthélemy à l'exercice des compétences de l'État, conformément à l'article 74 de la Constitution. Seraient concernés le droit pénal, la procédure pénale et le droit des étrangers. Notre collègue propose que, si le Gouvernement ne se prononce pas dans les délais fixés par la loi organique, les sanctions pénales édictées par la collectivité soient réputées approuvées par lui au terme de quatre mois et deviennent ainsi applicables. C'est un problème bien connu par notre commission : M. Thani Mohamed Soilihi en a traité dans son avis budgétaire et une solution a pu être ponctuellement trouvée, en 2013, grâce à Catherine Tasca. L'aménagement ici proposé soulève cependant de sérieuses questions de constitutionnalité puisqu'il conduit de facto à dessaisir l'État d'une partie de de sa compétence pénale, portant atteinte à ce que notre ancien collègue Garrec avait qualifié en 2003 de « sanctuaire régalien ». Un tel transfert est interdit par l'article 74 de la Constitution.
Je m'oppose pour les mêmes raisons à la disposition relative à la procédure pénale. Quant au droit des étrangers, la motivation ne m'apparaît pas évidente : pour lutter contre l'enchevêtrement des compétences, on autoriserait paradoxalement la collectivité à s'immiscer dans une compétence de l'État. J'ai donc déposé un amendement de suppression de l'article 2.