Intervention de David Assouline

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 28 janvier 2015 : 1ère réunion
Modernisation du secteur de la presse — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Alors que la liberté d'expression vient d'être attaquée dans son pilier fondamental, qui est la liberté de la presse, il est particulièrement bienvenu de nous pencher sur ce texte. Certes, au regard de cet enjeu, que l'actualité vient de placer sur le devant de la scène, il peut sembler partiel et peu ambitieux. Mais n'oublions pas qu'il avait été déposé pour répondre en urgence à une injonction de la Commission européenne. Chacun sait ici, en dépit de protestations convenues contre la procédure accélérée, que toute majorité aurait fait de même.

J'observe, en revanche, que cette proposition de loi, venue du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, a été inscrite à l'ordre du jour à la demande du groupe socialiste dans le cadre de l'ordre du jour réservé. Pourtant, le rapporteur nommé sur ce texte appartient à l'opposition. Ce n'est pas dans notre tradition, je le dis pour l'avenir. Vous avez déploré, monsieur le rapporteur, le peu de temps dont vous avez disposé. Mais nous avions longtemps travaillé sur ce sujet, et avions fait bouger les lignes, ainsi que vous l'avez rappelé. Un rapporteur choisi parmi les sénateurs ayant déjà oeuvré sur le sujet de la presse n'aurait pas eu à fournir un tel travail d'acculturation.

Cela étant, je veux souligner ici le sérieux de votre travail, la courtoisie que vous avez eue en me contactant il y a quelques jours pour me tenir informé de vos réflexions. Vous avez entrepris d'améliorer, de conforter le dispositif imaginé par l'Assemblée nationale, auquel les travaux du Sénat, en particulier sur l'AFP et la distribution, avaient largement ouvert la voie. Quand nous avons entrepris, avec M. Legendre, de modifier la loi Bichet, nous savions que c'était toucher à quelque chose de sacré. Il a fallu vaincre des résistances inouïes et j'ai vu, pour la première fois, mon nom fustigé dans des manifestations de rue. Depuis, la situation a bien changé, ce qui permet d'aller plus loin. Mme Mélot reproche à ce texte son manque d'ambition ? Mais c'est oublier qu'on en vient même à pouvoir prononcer le mot fusion, alors qu'à l'époque, c'était la guerre totale entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP). Tout était porté devant les tribunaux ! Si l'on peut aujourd'hui évoquer une fusion, c'est que, grâce au législateur d'alors, les lignes ont bougé et continuent à évoluer. Mais n'oublions pas que nous touchons à un secteur où il est essentiel de travailler avec les acteurs, et non contre eux. Ils sont aujourd'hui prêts à accepter ce que nous proposons, quand ce n'était pas le cas il y a quelques semaines encore. On peut à présent envisager de clarifier les compétences de l'ARDP et du CSMP, de mettre en place une procédure d'homologation des barèmes, sans soulever de contentieux. C'était absolument nécessaire. Il faudra, au-delà, arriver à la fusion au sein du système coopératif de distribution, mais je rappelle qu'il y a peu encore, il était inenvisageable de proposer que la presse quotidienne nationale puisse être distribuée par un système de portage de la presse quotidienne régionale.

J'en viens à l'AFP. Ses statuts posaient un vrai problème de gouvernance : les participants majoritaires à son conseil d'administration étaient ses clients. A-t-on jamais vu une entreprise dont les prix sont fixés par les clients ? Il fallait, également, renforcer ses ventes internationales, qui plafonnent à 50 %. Enfin, s'il est vrai que la compétition ne saurait être le seul critère, elle n'en est pas moins un critère. La presse doit être indépendante de l'État - l'AFP n'est pas l'agence Tass. Ce qui veut dire qu'elle est en concurrence sur le plan international. L'AFP est la seule agence européenne de dimension internationale. C'est notre fierté, il faut la préserver. Si, sous prétexte de pureté, on lui interdit d'entrer en concurrence avec les agences américaines, elle disparaîtra. Retenir un mix est donc bienvenu, pour autant qu'il soit bien dosé. Il faudra regarder de près la filiale, et je rejoins Mme Blandin qui nous invite à être attentifs sur le contrat d'objectifs et de moyens.

Enfin, dès lors qu'une proposition de loi relative à la presse vient à l'ordre du jour, il est inévitable de voir apparaître des cavaliers, parce que chacun est anxieux de résoudre les problèmes. D'accord pour profiter de cette fenêtre législative pour avancer sur les donations privées, mais j'estime, en revanche, que l'on ne saurait régler la question de la protection des sources des journalistes au détour d'un amendement, sachant que la rédaction de telles dispositions sera déterminante pour la liberté de la presse. Ne travaillons pas à la hussarde, au risque d'un retour de bâton. D'autant que le contexte pèse. Quand le terrorisme vient sur le devant de la scène, on court le risque, au lieu d'avancer, de provoquer des retours en arrière.

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