Je partage vos réticences, madame Mélot, sur la procédure accélérée et entends votre invitation à plus d'ambition. Vous avez, en même temps, salué certaines évolutions ici envisagées. Il n'est pas facile, ainsi qu'il a été dit tout à l'heure, de toucher à ces textes sacrés que représentent la loi Bichet et, pour l'AFP, la loi de 1957. Mais on mesure aujourd'hui l'évolution des esprits : les acteurs du monde de la presse comprennent la nécessité d'évoluer.
Je souscris à vos observations sur les difficultés posées par l'article 15 : nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.
Vous émettez à juste titre, monsieur Abate, un jugement balancé sur ce texte, qui a ses forces et ses faiblesses et ne mérite excès ni d'indignité ni d'éloge. Le temps imparti ne pouvait nous mener au grand soir, mais je n'en ai pas moins estimé que l'on pouvait améliorer ce texte sur certains points, sans attendre demain, pour ne pas avoir à déplorer des occasions manquées.
Vous appelez de vos voeux une fusion entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse. Je ne partage pas votre sentiment, tant pour préserver la concurrence que parce qu'elle ne me semble pas nécessaire, notamment eu égard au changement de gouvernance des MLP, qui a désamorcé le conflit historique qui opposait les deux entités. Comme pour les communes, sujet que nous connaissons bien, la solution ne réside pas nécessairement dans la fusion mais peut aussi passer par la coopération. On peut concevoir des spécialisations géographiques qui composeront, demain, un ensemble de briques associant Presstalis, les MLP, la presse quotidienne régionale, La Poste, etc...
Si l'on peut voir un risque dans la filialisation, il n'est pas tant déontologique que financier. L'AFP est endettée, elle a emprunté auprès de la CDC pour financer sa plate-forme Iris. Elle conservera cet endettement au bilan. Et c'est Iris, transformée en une filiale de moyens, qui sera chargée d'emprunter 26 millions d'euros pour financer un plan d'investissement de 30 millions d'euros. Or nous savons tous, en bons praticiens de la vie publique, que déconsolider une part de la dette est un exercice à proscrire. L'AFP a déjà fait une telle expérience, puisque son siège a fait l'objet d'un crédit-bail.
On justifie la création de cette filiale par des raisons techniques, en précisant qu'elle n'interviendra pas sur les contenus. Sans engager de polémique, j'observe que le programme d'investissement de 30 millions concerne aussi les contenus. Bref, le montage proposé me paraît faible, pour ne pas dire inacceptable. D'autant qu'il conduira, pour l'AFP, à une majoration des dépenses liées à la TVA, via la redevance servie à la filiale. Il faudra assurer un contrôle très serré de toutes ces opérations.
Vous vous inquiétez du risque de voir normaliser, sous la pression de l'injonction de la Commission européenne, la situation de l'AFP au regard du droit des faillites. Mais il est clair que l'État ne peut garantir la totalité de la dette, ce qui serait considéré comme une aide directe. J'ajoute qu'à mon sens, la viabilité de l'AFP passe par sa capacité à remplir son rôle d'agence mondiale dans des conditions économiques normales, ce que je crois tout à fait possible.
Je reviendrai, lors de l'examen des amendements, sur votre proposition relative au mécénat, proche de celle de M. Commeinhes, ainsi que sur la question de la protection des sources des journalistes.
Après avoir approuvé le toilettage auquel procède cette proposition de loi, vous avez, madame Blandin, dit vos inquiétudes quant aux évolutions que pourrait entraîner l'entrée dans le domaine de la concurrence. Mais alors que l'État n'est plus en mesure, ni financièrement, ni juridiquement, d'apporter de capitaux, l'AFP n'a d'autre choix que d'entrer dans le champ du droit commercial classique pour améliorer sa situation financière.
Vous avez également évoqué le contrat d'objectifs et de moyens. Je rappelle que le contenu de ce COM n'est toujours pas connu, alors qu'il aurait dû entrer en vigueur depuis le 1er janvier 2014. C'est dire la nécessité d'une gouvernance forte, propre à résoudre les problèmes stratégiques de l'entreprise.
Que cette proposition de loi soit le fruit d'une initiative socialiste et ait été inscrite à l'ordre du jour réservé du groupe socialiste n'interdit pas, monsieur Assouline, de préserver une approche pluraliste. J'ajoute que cela est l'occasion de voir reconnue par un représentant de la majorité sénatoriale toute la valeur de votre contribution. Je vous donne acte que les lignes ont bougé. Et vous avez raison de dire qu'il est essentiel de prendre en compte les acteurs. Nous avons essayé de nous tenir aussi près d'eux que possible. Je vous rejoins également sur la nécessité d'aller plus loin, dans un second temps.
Merci enfin à M. Hervé d'avoir rappelé les enjeux attachés à l'indépendance de la presse et approuvé mes propositions.