Intervention de Alain Milon

Commission des affaires sociales — Réunion du 28 janvier 2015 : 1ère réunion
Usage contrôlé du cannabis — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain MilonAlain Milon, président :

Je souhaite aborder un certain nombre d'aspects sanitaires liés au cannabis.

Tout d'abord la principale substance active du cannabis, le THC, était concentrée à hauteur de 5 à 10 % dans le cannabis consommé il y a une quinzaine d'années. Aujourd'hui la concentration de THC dans la résine est plutôt de 20 à 25 %.

Une étude d'une équipe néo-zélandaise menée sur plus de 1 000 enfants pendant près de 30 ans atteste une baisse des performances intellectuelles pouvant atteindre 8 points de QI. Certes, cette diminution ne concerne que 5 % des consommateurs.

Comme l'a souligné le rapporteur, trois facteurs interviennent : la précocité, la quantité et la durée de consommation. Par quels mécanismes ? Une consommation « régulière et abondante » altère une zone spécifique du cerveau, la substance blanche, entraînant une baisse d'attention et de mémorisation. Elle peut aussi provoquer une baisse de l'activité de certains neurotransmetteurs. Le taux de dopamine en particulier, impliqué dans les processus de plaisir, pourrait chuter jusqu'à 20 %, un niveau inconnu chez une personne « normale ». A titre de comparaison, cette chute atteint 30 % chez les personnes atteintes par la maladie de Parkinson.

Sur le plan physiologique, le cannabis ne rend pas dépendant. Ce qui ne signifie pas qu'il soit anodin. Un « joint » fait inhaler 6 à 7 fois plus de goudrons et de monoxyde de carbone qu'une cigarette. D'où un risque de cancers démultiplié. Le vrai problème du cannabis, c'est qu'il peut induire une réelle dépendance psychologique, avec manque et perte de contrôle chez 3 % environ des consommateurs. C'est moins que l'alcool (5 %) et, surtout, moins que le tabac (80 %).

Les gros consommateurs (qui fument plus de dix fois par jour) se caractérisent par la recherche de sensations fortes, une prise de risques et un désir d'éviter l'ennui. A quoi il faut ajouter une mauvaise estime de soi liée à une angoisse dans la relation à l'autre, et sur laquelle le cannabis a un effet apaisant.

Une étude suédoise a établi en 1987 un lien de causalité direct entre cannabis et schizophrénie mais ses résultats sont contestés.

Un usage précoce provoque des conséquences spécifiques : le cerveau d'un adolescent n'étant pas encore parvenu à maturation, il est particulièrement sensible aux stimuli externes, notamment dans les zones qui contrôlent les centres de motivation, de récompense et de plaisir. En d'autres termes, la précocité augmente la nocivité.

La conduite d'un véhicule sous cannabis et, pire encore, après un mélange cannabis-alcool est potentiellement dangereuse.

Par ailleurs le fléchissement subit et inexpliqué des résultats scolaires doit constituer un réel signe d'alerte pour les parents.

Il n'existe aucune preuve expérimentale d'un lien de causalité directe entre consommation de cannabis et expérimentation de drogues plus « dures ». En revanche, les spécialistes pointent deux dangers liés à l'usage de cannabis. Le premier s'apparente au phénomène de « la porte ouverte » : l'état de conscience étant modifié par la prise de THC, la personne risque d'être moins résistante à des sollicitations.

L'autre motif d'inquiétude tient à la dimension sociale de « l'escalade » : sur les 13,5 millions de Français qui ont, au moins une fois dans leur vie, expérimenté le cannabis, une part significative sont devenus des consommateurs réguliers. Et, parmi eux, beaucoup sont susceptibles d'entrer en contact avec des dealers qui ont tout intérêt à leur faire goûter des produits bien plus rentables.

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