Intervention de Jean Desessard

Commission des affaires sociales — Réunion du 28 janvier 2015 : 1ère réunion
Usage contrôlé du cannabis — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean DesessardJean Desessard, rapporteur :

Je remercie les collègues pour la qualité du débat.

Je ne suis pas responsable des positions prises au sein de la Commission mondiale sur les drogues. Je les ai évoquées parce qu'elles illustrent bien qu'au niveau international, est posé un constat d'échec de la politique répressive qui appelle à envisager les choses autrement.

Je tiens à souligner que, malgré une politique répressive, tous les problèmes que vous imputez à une légalisation potentielle existent d'ores et déjà : l'importance de la consommation, les dommages sur la santé, les problèmes sociaux, les problèmes de sécurité... Face à ces problèmes, la question est de savoir quelle action nous menons.

Outre qu'elle permettrait de ne pas alimenter les mafias, la légalisation permettrait d'investir plus fortement dans la prévention.

Je signale qu'il existe d'autres usages que l'inhalation, sous forme de vaporisation ou d'ingestion de gâteaux de cannabis.

L'étude suédoise sur les liens entre consommation de cannabis et schizophrénie est controversée. Si les personnes atteintes consomment du cannabis, il n'est pas certain que celui-ci soit à l'origine de la maladie. Il pourrait également s'agir d'un lien de conséquence : la schizophrénie pousserait alors à consommer du cannabis pour atténuer son mal-être.

Je comprends l'argument selon lequel la légalisation serait un signal adressé aux consommateurs. Pour les adultes, l'usage récréatif n'est pas nocif ; le cannabis peut même être utilisé à des fins thérapeutiques. Le vrai problème, c'est l'usage par les mineurs, qui est bien proscrit par la proposition de loi. On peut penser que la clandestinité favorise les phénomènes de « portes ouvertes » : le dealer, qui ne dispense, bien sûr, aucun message de prévention, a un intérêt économique à ce que ses clients passent à des substances plus dures et plus rémunératrices. Dans un cadre légalisé, la prévention peut avoir lieu.

En matière de conduite automobile, des résidus peuvent être constatés lors des tests réalisés plusieurs jours après la consommation, alors qu'ils ne sont plus actifs. Le test établit alors que le conducteur est un usager mais pas forcément qu'il est dangereux au volant.

J'insiste sur le fait que les problèmes de santé sont bien présents aujourd'hui, malgré la politique de répression. En légalisant le produit, on peut diminuer la dose de THC. Ce n'est pas le cas dans l'hypothèse de la dépénalisation. Sur ce point, les avis, comme ceux des rapporteurs de l'Assemblée nationale, sont partagés, la contravention étant préconisée par Laurent Marcangeli tandis que sa collègue Anne-Yvonne Le Dain lui préfère la légalisation.

En termes de prix de commercialisation, l'étude de Terra Nova estime qu'une légalisation contrôlée génèrerait, sous l'hypothèse d'un prix de vente majoré d'environ 40 % par rapport au prix actuel, de l'ordre de 1,3 milliard de recettes fiscales par an. En tenant compte de la réduction des dépenses publiques liées à la répression, l'impact budgétaire total s'élèverait à 1,8 milliard d'euros.

La théorie de l'escalade est contestée par de nombreux spécialistes. S'il est vrai que des consommateurs d'héroïne ont pu consommer du cannabis, le lien de causalité n'est pas établi. La consommation d'autres drogues peut être plus segmentée. Ce n'est plus vrai aujourd'hui, mais la cocaïne était traditionnellement consommée dans les milieux aisés.

La légalisation permet de prendre en compte la nécessaire dimension de prévention tandis que la dépénalisation ne permet pas de lutter contre les trafics. La Fédération Addiction recommande bien la régulation de l'usage et non sa dépénalisation.

Je suis plus réservé sur la vente en pharmacie : la pharmacie commercialise en principe des produits qui sont bons pour la santé. Nous avons aussi pensé aux buralistes mais il existe d'autres solutions.

J'entends ceux d'entre vous qui appellent à la réflexion mais je me demande aussi quand viendra le temps de l'action. A un moment donné, il appartient aux parlementaires de prendre une position, sinon, nous entrons dans un débat éternel.

L'éducation des parents me semble plus facile quand la substance est légale.

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