Intervention de Gérard Larcher

Réunion du 3 février 2015 à 14h30
Éloge funèbre de jean-yves dusserre sénateur des hautes-alpes

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, président :

C’est donc avant même d’avoir fêté ses soixante-deux ans que notre collègue nous a quittés. Nous savions – il m’en avait fait la douloureuse confidence quelques semaines plus tôt, ainsi qu’à son président de groupe – qu’il luttait depuis plusieurs mois contre la maladie. La volonté de se battre et, espérait-il, de revenir parmi nous plein d’énergie ne l’a jamais quitté, mais son état de santé s’était rapidement dégradé en cette fin d’année 2014.

Il avait ainsi été victime d’un malaise lors des cérémonies du 11 novembre à Gap, mais il avait encore fait l’effort d’une ultime apparition publique le 18 décembre, à Briançon, à l’occasion de l’inauguration du pont sur la Durance qui lui tenait tant à cœur.

Nous le savions donc fatigué mais, comme tous ses proches, nous gardions espoir et n’imaginions pas que le mal contre lequel il luttait, avec la discrétion et le courage qui le caractérisaient, allait l’emporter avec une telle rapidité.

L’annonce de son décès a bouleversé l’ensemble du département des Hautes-Alpes, qui s’est trouvé, comme le Sénat de la République, brutalement en deuil, en pleine période de fêtes de fin d’année.

Jean-Yves Dusserre nous avait rejoints au palais du Luxembourg le 28 septembre dernier, après avoir été durant près de quatorze ans le suppléant à l’Assemblée nationale de notre collègue Patrick Ollier, qui est présent dans nos tribunes.

Les 438 grands électeurs du département des Hautes-Alpes se sont, à l’automne dernier, largement prononcés en sa faveur pour succéder à notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond.

Il avait, tout au long de la campagne sénatoriale, plaidé pour les thèmes qui lui étaient chers, en faveur des Hautes-Alpes, qu’il s’agisse du développement du tourisme ou de l’économie, du désenclavement de son département, sans parler, bien sûr, de la question épineuse et récurrente du loup.

Dès son arrivée au Sénat, Jean-Yves Dusserre avait su, par sa convivialité, son profond humanisme et sa finesse d’esprit, ainsi que par la simplicité, la sincérité et l’enthousiasme de son engagement passionné en faveur des territoires ruraux et de montagne, gagner la sympathie et le respect de tous.

Il avait pris toute sa place au sein du groupe UMP, formation politique qu’il avait rejointe dès sa constitution, comme à la commission des affaires sociales, où il avait eu à intervenir à l’occasion de la dernière discussion budgétaire, sur le thème du logement.

Il avait également souhaité participer aux travaux de la nouvelle délégation sénatoriale aux entreprises dont nous avons décidé la création il y a quelques semaines.

Si Jean-Yves Dusserre n’a malheureusement pas eu le temps de donner toute sa mesure au Sénat de la République, il avait auparavant gravi, durant trente-sept ans de carrière publique et politique, tous les échelons.

Jean-Yves Dusserre était d’abord un homme de consensus, à la recherche des compromis constructifs et à l’écoute des uns et des autres, y compris de ses adversaires politiques, qui ne cachaient pas leur sympathie à son égard, comme une reconnaissance pour les décennies de travail accompli au service de son territoire et de son département haut-alpin.

Ces traits de caractère, Jean-Yves Dusserre les tenait de la richesse de sa formation et des valeurs qu’il avait reçues de ses parents agriculteurs.

Ses valeurs étaient d’abord celles du monde rural. Il était viscéralement attaché à la montagne, à son agriculture, à son élevage, et s’inscrivait pleinement dans la tradition familiale d’une terre authentique, celle du monde paysan et des stations alpines, pour le développement desquelles il s’est battu tout au long de sa carrière.

Après des études secondaires sur les bancs du lycée Dominique-Villars puis du lycée Aristide-Briand de Gap, le jeune Jean-Yves Dusserre prit la direction d’Aix-en-Provence pour y obtenir une maîtrise en droit en 1976. Cette formation de juriste l’aura servi, tout au long de ses mandats, pour mener une gestion rigoureuse et avisée à la tête, successivement, de sa commune et de son département.

Mais Jean-Yves Dusserre était également un homme de l’entreprise, ayant été responsable d’une société pendant sept ans, puis à nouveau d’une structure commerciale pendant près d’une décennie. L’école de l’entreprise privée aura ainsi contribué à forger concrètement son approche pragmatique de la politique et des réalités économiques de notre pays.

Enfin, l’engagement politique de Jean-Yves Dusserre s’inscrivait également dans la droite ligne d’un investissement ancien et constant dans la vie associative, puisqu’il s’était impliqué dès l’adolescence, dans son village de Chabottes, dans de multiples activités de proximité en présidant aux destinées de diverses associations.

La carrière exemplaire d’élu local de Jean-Yves Dusserre avait ainsi commencé dès l’âge de 24 ans, lorsqu’il intégra le conseil municipal de sa commune natale. Son dynamisme, son caractère chaleureux et son dévouement le conduisirent à être élu maire de Chabottes deux ans plus tard seulement. Il occupera dès lors cette fonction sans discontinuer de 1979 à 2008.

Jean-Yves Dusserre, qui était encore premier adjoint au maire de sa commune, n’oubliera jamais ses racines. Elles lui avaient naturellement servi d’ancrage pour se lancer dans une carrière politique qui le conduira jusqu’à la présidence du conseil général des Hautes-Alpes.

Il fut conseiller général de Saint-Bonnet-en-Champsaur en 1992, deuxième vice-président du conseil général de 1998 à 2001, puis premier vice-président de 2001 à 2004. C’est finalement en 2008, après avoir patiemment retissé les fils d’une opposition divisée, que Jean-Yves Dusserre accède, à l’issue des élections cantonales de mars 2008, à la présidence du conseil général.

Il se dévouera dès lors sans compter, avec la passion qui le caractérisait, à cette nouvelle mission, qu’il s’agisse de la réfection du réseau routier, de l’entretien des collèges et bâtiments départementaux ou de la nouvelle agence départementale de l’économie et du tourisme, sans oublier les relations entre le département des Hautes-Alpes et la Société du Tour de France, qui lui étaient chères et lui permirent d’obtenir le passage sur son territoire, à l’été prochain, de cette compétition sportive de légende.

Le dévouement de Jean-Yves Dusserre pour ses concitoyens, sa passion pour son territoire et pour son département expliquent sans nul doute les hommages unanimes qui lui ont été rendus au cours des dernières semaines, par ses proches, par ses amis mais aussi par ses adversaires politiques.

Le maître-mot de la politique mise en œuvre par Jean-Yves Dusserre était sans aucun doute celui de proximité. Rester proche de chacun, à l’écoute de ses concitoyens, était, disait-il, le meilleur moyen de répondre à leurs besoins. « La proximité, c’est ça ma politique », se plaisait-il à dire.

Jean-Yves Dusserre aura ainsi, durant près de quarante ans, servi sa commune, son canton puis son département. Il aura puissamment contribué au développement économique de son territoire et à son rayonnement en France et en Europe.

Tel était aussi l’objectif qu’il visait au travers du mandat sénatorial qui était le sien depuis septembre dernier, et qui s’inscrivait dans la droite ligne de son engagement local.

Écoutons-le encore : « La politique est la meilleure manière d’agir pour que chaque voix soit entendue et pour que l’équité, la proximité, la solidarité règnent en maîtres-mots sur notre département rural de montagne dont nous sommes si fiers. »

Ce message, Jean-Yves Dusserre aura su le faire entendre durant quelques mois dans ces murs, au sein du Sénat de la République. Nous ne l’oublierons pas.

Mes chers collègues, la personnalité attachante de Jean-Yves Dusserre et l’action exceptionnelle qu’il a conduite au long de sa vie publique justifient pleinement que lui soit rendu aujourd’hui, dans notre hémicycle, l’hommage de la République.

À nos collègues du groupe UMP, à ceux de notre commission des affaires sociales, qui perdent aujourd’hui l’un de leurs membres, ainsi qu’à Mme Patricia Morhet-Richaud, qui a la lourde charge de lui succéder, j’exprime à cet instant notre sympathie attristée.

Mme Dusserre m’a prié de remercier les nombreux collègues, sur toutes les travées, qui lui ont adressé leurs témoignages de soutien et leurs messages de réconfort. À vous, madame, à vos deux enfants, Sylvie et Hervé, et à chacun de vos petits-enfants, je présente les condoléances sincères du Sénat de la République et dis la part personnelle que nous prenons aujourd’hui à votre chagrin.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

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