Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 3 février 2015 à 14h30
Représentation équilibrée des territoires — Adoption d'une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

…. mais je crois qu’elles ont montré la volonté du Gouvernement et du groupe socialiste – dans le respect, bien sûr, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel – d’aller vers des solutions qui prennent vraiment en compte la représentation des départements, des petites communes, des territoires ruraux afin que personne ne soit oublié et que nous parvenions à une représentation équilibrée de nos territoires.

Que nous proposent le président du Sénat et le président de la commission des lois ? Comme celui-ci l’a rappelé, la présente proposition de loi constitutionnelle vise à opérer deux modifications dans le texte de la Constitution. D’une part, elle tend à compléter l’article 1er par une phrase ainsi rédigée : « La République garantit la représentation équitable de ses territoires dans leur diversité ». D’autre part, elle tend à modifier l’article 72.

J’ai déposé un amendement qui vise à dissocier ces deux modifications.

Autant le groupe socialiste considère qu’il serait utile de modifier l’article 72 de façon à ne toucher qu’à la « largeur » du tunnel – c’est une idée qui peut faire consensus –, autant nous sommes résolument opposés à la modification de l’article 1er.

Il s’agit en effet d’un article fondamental : c’est le socle sur lequel s’appuie notre Constitution.

Tout à l’heure, M. le rapporteur a cité la révision constitutionnelle de 2003 qui a vu l’inscription à l’article 1er du principe selon lequel l’organisation de la République française est décentralisée. Or, lors des débats qui se sont tenus au Sénat à l’occasion de cette révision, notre regretté collègue Pierre Mauroy, qui est pourtant le père de la décentralisation, s’était élevé contre cette modification au motif qu’il fallait être extrêmement prudent lorsqu’on touchait à cet article 1er et que, en l’espèce, une telle modification était superflue, la France étant déjà un État décentralisé. Il considérait que « le cap » fondamental – l’égalité – était fixé dans l’article 1er et qu’il ne fallait pas en « dévier » avec des modifications qui ne faisaient qu’y introduire de la confusion.

C’est pourquoi nous allons tâcher de vous convaincre que, si vous voulez que cette proposition de loi constitutionnelle ait une chance de prospérer, il faudrait la scinder, pour ne retenir que la modification de l’article 72.

En effet, je le répète, non seulement l’article 1er touche aux fondements de la République, mais la formule proposée dans le présent texte est floue et ambiguë Est-il opportun d’adjoindre aux fondamentaux de l’article 1er de la Constitution que la « République garantit la représentation équitable de ses territoires dans leur diversité » ?

Les termes de « représentation équitable » sont-ils d’une précision suffisante ou d’une clarté incontestable ? Je ne le crois pas et, d’ailleurs, le fait qu’il faille modifier l’article 72 en fixant un tunnel de 33 % montre bien que cette expression ne donne pas par elle-même les éléments suffisants au juge constitutionnel pour lui permettre d’apprécier le caractère constitutionnel ou non des textes de loi.

De surcroît, cette formule introduit un principe qui risque de nuire au grand principe républicain de l’égalité. Dans sa décision du 17 janvier 1979 relative à l’élection des conseils de prud’hommes, le Conseil constitutionnel a précisé que l’égalité devant le suffrage n’est qu’un corollaire de l’égalité devant la loi. Aucun texte constitutionnel, en effet, ne mentionne explicitement le principe d’égalité devant le suffrage, et c’est sur la seule égalité devant la loi que s’est appuyé le Conseil constitutionnel dans cette décision.

Et voilà que nous, une petite trentaine de parlementaires, après trois quarts d’heure de débat en commission et deux heures de discussion en séance plénière, nous irions modifier l’article 1er de la Constitution, article fondamental dont les principes figuraient déjà dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789…

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