Intervention de François Zocchetto

Réunion du 3 février 2015 à 14h30
Représentation équilibrée des territoires — Adoption d'une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que législateurs, nous ne pouvons modifier la Constitution qu’en usant d’une grande prudence et en étant poussés par la nécessité. C’est dans cet état d’esprit que les auteurs de la proposition de loi ont rédigé le texte dont nous débattons ce soir.

La Constitution est un instrument devant lequel nous faisons toujours preuve de révérence. Néanmoins, il est permis de dire qu’elle peut souffrir de quelques imperfections, comme toute construction humaine, surtout dans la mesure où, entre 1958 et aujourd’hui, notre pays a connu de nombreux changements, ne serait-ce que la décentralisation.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui a vocation à combler le silence quant à la juste représentation électorale au sein des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Notre droit électoral repose sur le principe de l’égalité devant le suffrage, qui trouve sa source dans l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le principe est simple : un homme, une voix ; la loi est la même pour tous et s’applique ainsi sur l’ensemble du territoire.

Tel est le principe, mais chacun sait que son application connaît déjà une certaine diversité ; cela a déjà été rappelé à cette tribune. La représentation territoriale impose, en effet, dans le cadre de circonscriptions particulières, une nécessaire adaptation à la réalité du terrain. Dès lors, comment adapter une règle aussi unique et limpide que celle de l’égalité devant le suffrage à la multitude de situations locales ?

Prenons deux départements ruraux, que je connais bien, la Lozère et la Mayenne. Chacun d’entre eux ne compte pas du tout le même nombre d’électeurs par conseiller départemental qui sera élu au mois de mars prochain. Faut-il alors considérer que certains conseillers départementaux seront plus légitimes que d’autres ? Faut-il penser que d’aucuns seront moins bien élus qualitativement que leurs homologues d’autres départements ? Le même raisonnement peut être tenu pour les élections régionales.

À mon avis, dans l’esprit du constituant, l’égalité devant le suffrage n’a de sens que dans un contexte donné, qui est celui de la circonscription et qui s’inscrit lui-même dans des équilibres démographiques régionaux. Il est dès lors impossible d’appliquer raisonnablement une mesure similaire pour l’ensemble du territoire.

Le Conseil constitutionnel partage, de fait, cette analyse. La jurisprudence du Conseil autorise une fluctuation ; c’est le fameux tunnel des 20 %. Toutefois, il faut le souligner, il s'agit d’une norme jurisprudentielle récente et ce principe est prétorien : le choix des 20 % est absolument arbitraire, déterminé par les conditions de l’espèce et, comme le rappelait M. le rapporteur, le Conseil d’État reconnaît cette échelle non pas comme une obligation incontournable, mais comme une ligne directrice.

Il y a donc un impératif reconnu de tous, sur toutes les travées de cet hémicycle : il convient assortir l’égalité devant le suffrage d’un principe de juste représentation territoriale et de combler une carence en la matière, celle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel s’attache à corriger depuis quatre années.

C’est pourquoi notre groupe salue cette proposition de loi constitutionnelle. Elle représente une étape supplémentaire dans la réflexion que nous menons au Sénat sur les notions de territoire et de représentation du territoire.

Comme l’a montré M. le rapporteur en resituant cette initiative dans son contexte, la proposition introduit la notion de « représentation équitable des territoires dans leur diversité ». Il n’est pas anodin d’introduire ainsi, dès l’article 1er de la Constitution, ces notions d’équité et de diversité. Nous estimons que cette modification permettra de donner des bases juridiques plus solides à l’appréciation du juge administratif, face à la jurisprudence, certes innovante, mais rigide et peu évolutive, du Conseil constitutionnel.

Le présent texte apporte ainsi une réponse concrète et un éclairage important à nos concitoyens, et ce dans le sens d’une démocratie mieux affirmée, par des élections plus représentatives de la réalité des territoires sur lesquels elles se déroulent. Sans racines adaptées, la démocratie se vide de son sens. Jacques Mézard l’a rappelé juste avant moi.

Pour ces différentes raisons, qui sont très claires, le groupe UDI-UC, fidèle à l’esprit de la Constitution, mais aussi à l’intelligence des territoires, ainsi qu’à celle du Sénat, votera unanimement pour la présente proposition de loi constitutionnelle.

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