Intervention de Hervé Maurey

Réunion du 3 février 2015 à 14h30
Représentation équilibrée des territoires — Adoption d'une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey :

Comme il l’a dit le 29 janvier dernier, « le bicamérisme, c’est plus de démocratie, plus de liberté, plus de représentation des territoires ». C’est exact !

Au Sénat, nous avons à cœur de défendre les territoires, ce qui semble gêner certains, pas seulement parce que c’est notre rôle constitutionnel, mais aussi parce que nous avons la conviction que les crises que notre pays traverse – crise économique, sociale, politique et morale – ne trouveront de solutions que par les territoires.

Le texte qui nous est soumis prévoit donc d’inscrire dans la Constitution que « la République garantit la représentation équitable de ses territoires dans leur diversité ». C’est une bonne chose. Au fil des années, en effet, la jurisprudence constitutionnelle et administrative a érigé l’impératif de « l’égalité devant le suffrage » en principe unique d’appréciation des lois électorales, au détriment de la représentation des territoires dans leur diversité.

Le tunnel des 20 % d’écart à la moyenne admis par le juge administratif a fini par s’imposer au détriment du bon sens le plus élémentaire. Nous l’avons vu lors du récent découpage cantonal, qui a mis au grand jour l’absurdité du diktat des chiffres, surtout lorsqu’il est guidé par des considérations électoralistes ou politiciennes. Nos territoires ont été privés d’une représentation respectant leur diversité, fruit de leur histoire et de leur géographie.

Ainsi, dans le département de l’Eure dont je suis élu, et qui n’est pourtant pas situé en zone de montagne, certains cantons comptent plus de soixante communes, s’étendent sur plus de 500 kilomètres carrés et nécessitent plus d’une heure pour être traversés. Qui peut considérer qu’un tel canton constitue un espace cohérent ou une cellule pertinente d’expression de la démocratie ? Comment peut-on ainsi privilégier de manière aussi absurde les chiffres à la réalité ?

J’ajoute que, en procédant à de tels découpages, on ne peut qu’augmenter le fossé entre nos concitoyens et les institutions, même locales, qui les représentent. Nous risquons de le voir avec encore plus d’acuité dans quelques semaines.

En ce qui concerne les EPCI, nous avions voté à une très large majorité en 2012 la proposition de loi de notre collègue Alain Richard, qui autorisait, sous réserve d’un accord à la majorité qualifiée, de déroger au seul critère démographique. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 juin 2014, a censuré ce dispositif ; je le regrette. Une nouvelle proposition de loi de notre collègue permettra d’atténuer les effets de cette décision.

Toutefois, pour aller au-delà, l’intervention du constituant est nécessaire. Certes, il s’agit non pas d’abandonner le principe d’égalité devant le suffrage, mais de lui donner un peu de souplesse, un peu de réalisme, un peu d’humanité : c’est le sens de cette proposition de loi, qui fait de la représentation équitable des territoires dans leurs diversités un nouveau principe.

J’ai entendu les objections à la modification de l’article 1er de la Constitution prévue par cette proposition de loi constitutionnelle.

Oui, la France est une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Oui, elle « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Mais, comme citoyen, comme élu local et comme sénateur, je crois également en nos territoires, espaces de vie, de solidarité et de projets, creusets d’histoires et bases de l’avenir. Il me paraît donc tout à fait pertinent d’inscrire à cet article 1er que la République « garantit la représentation équitable de ses territoires dans leur diversité ».

Enfin, au-delà de la Constitution, je veux plaider de nouveau pour que nous adoptions au Sénat un réflexe « territorial », comme nous le faisons par exemple en matière de parité entre hommes et femmes. Nous devons avoir à cœur d’imprimer à chaque texte la marque territoriale de notre assemblée et de mesurer l’impact des textes que nous votons sur nos territoires.

Cette proposition de loi constitutionnelle y contribue. Je la voterai donc avec enthousiasme, en espérant qu’elle ne tombera pas dans les oubliettes de l’Assemblée nationale.

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