C’est tout le sujet de notre discussion, mon cher collègue !
Cet usage constitue un délit et tout contrevenant s’expose à une peine d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. La détention est, quant à elle, punie de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 7, 5 millions d’euros.
En pratique, l’application de ces règles mobilise des ressources considérables, sans toutefois parvenir à juguler la consommation. C’est là qu’il faut s’interroger, monsieur Barbier ! Nous sommes le plus grand consommateur européen, bien que nous disposions du système le plus répressif : c’est tout de même paradoxal !
En l’espace de quarante ans, le nombre d’interpellations pour infraction à la législation sur les stupéfiants, ou ILS, a été multiplié par soixante. Ainsi, on dénombre environ 135 000 interpellations en 2010, le cannabis étant concerné dans neuf cas sur dix.
Cette explosion est à la source d’un contentieux de masse, conduisant périodiquement le ministère de la justice, dans ses circulaires de politique pénale, à recommander aux parquets de privilégier autant que possible les mesures alternatives aux poursuites. Sur 85 000 affaires d’usage orientées par les parquets, 62 %, soit 53 000, ont fait l’objet d’une procédure alternative en 2013.
Les dépenses publiques imputables à la défense, à l’ordre public et à la sécurité ainsi qu’à l’action des douanes étaient estimées à 676 millions d’euros en 2010. Elles sont encore beaucoup plus élevées si l’on y inclut les ressources utilisées pour répondre à la délinquance indirectement liée à la consommation de drogues.
La France est le pays européen où la proportion de personnes âgées de 15 à 34 ans qui déclarent avoir consommé du cannabis dans les douze derniers mois est la plus forte. Avec un niveau de 17, 5 %, elle se situe devant la Pologne - 17, 1 % - et la République tchèque - 16, 1 %. Depuis le début des années deux mille, l’usage de cannabis s’est en effet stabilisé à des niveaux élevés, en particulier chez les jeunes. En 2011, 42 % des adolescents de 17 ans avaient déjà expérimenté le cannabis !
Or les risques sanitaires et sociaux liés à l’usage de cannabis sont indéniables. Ils apparaissent d’autant plus importants que l’initiation est précoce ou l’usage problématique en raison d’une forte dépendance.
Comme le rappelle l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, dans une récente revue de la littérature scientifique, les troubles les plus fréquents sont d’ordre cognitif et moteur. Ils peuvent favoriser ou aggraver le décrochage scolaire, voire la désinsertion sociale. Dans des cas beaucoup plus rares, mais graves, la consommation de cannabis peut favoriser la survenue de troubles psychotiques. Quant aux effets somatiques - pathologies respiratoires et vasculaires -, ils sont avérés chez les personnes qui en font un usage fréquent.
L’INSERM indique toutefois que les risques restent faibles pour les consommations occasionnelles et que la dépendance engendrée par le cannabis demeure limitée : moins de 5 % d’usagers souffriraient d’addiction. C’est autant que les consommateurs d’alcool.
Il semble effectivement que la dangerosité du cannabis doive être relativisée.
Dans son rapport préparatoire au nouveau plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives, le professeur Michel Reynaud souligne l’existence d’une discordance majeure entre la dangerosité des produits, telle qu’elle est évaluée par les experts scientifiques, et la perception que la population générale a de cette dangerosité. Il précise que « les experts nationaux et internationaux s’accordent sur les éléments suivants : l’alcool est le produit le plus dangereux, entraînant des dommages sanitaires et sociaux majeurs ; puis viennent l’héroïne et la cocaïne ; puis le tabac, causant surtout des dommages sur la santé ; puis le cannabis, causant prioritairement des dommages sociétaux ». Pourtant, mes chers collègues, l’alcool est autorisé !