Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la consommation de substances psychoactives, si elle est présentée comme culturelle, signe d’émancipation, usage récréatif, est particulière en ce sens qu’elle génère une dépendance chez les consommateurs, vous l’avez tous souligné.
Chaque substance a ses propres caractéristiques, qu’il s’agisse de la vitesse d’entrée dans la dépendance ou des conséquences directes de la consommation sur les comportements, notamment.
Néanmoins, nul ne peut ignorer les conséquences sanitaires dramatiques des conduites addictives, en particulier de la consommation de drogue. Les consommations de drogues évoluent, et nous sommes confrontés de plus en plus aux polyconsommations.
Le cannabis est de loin la substance illicite la plus consommée, dix fois plus que la cocaïne ou l’ecstasy. Les substances psychoactives les plus consommées en France restent toutefois le tabac et l’alcool.
Est-il encore nécessaire de rappeler à cette tribune les nombreuses maladies chroniques générées par ces comportements : cancers, maladies cardio-vasculaires et respiratoires, maladies du foie, maladies neurologiques, troubles psychiatriques ? N’oublions pas les conséquences que peut avoir l’injection de drogues intraveineuses, notamment la transmission de virus tels que le VIH, le virus de l’immunodéficience humaine, et les hépatites.
Nous sommes réunis cet après-midi pour examiner la proposition de la loi, déposée par le groupe écologiste, visant à autoriser un usage contrôlé du cannabis.
Ce texte part d’un constat que nous partageons : le véritable problème de santé publique que représente cette consommation de cannabis. Les chiffres évoqués à l’appui de ce texte, nous les connaissons tous : le cannabis est la substance psychoactive la plus utilisée par les Français entre 11 et 75 ans. Quelque 13, 8 millions de Français ont expérimenté le produit, et 1, 2 million en consomment au moins dix fois par mois.
Mais c’est le niveau de consommation de cannabis chez les jeunes qui place la France aux premiers rangs des pays d’Europe : parmi les jeunes de 17 ans, plus de 40 % ont expérimenté le cannabis, et 6, 5 % en font un usage régulier et une consommation problématique.
Aucun expert, aucun addictologue ne nie ce que confirment les dernières études scientifiques : la consommation de cannabis est nocive, en particulier chez les jeunes. Les liens entre consommation précoce de cannabis et risques de troubles psychotiques sont désormais largement documentés.
Face à cet enjeu de santé publique, nous poursuivons tous les mêmes objectifs : réduire les risques et prévenir le plus tôt possible l’entrée dans la consommation. Mais il s’agit également de lutter contre les trafics en s’attaquant aux réseaux criminels qui se cachent derrière le petit trafic. C’est un enjeu à part entière qui est indissociable de la politique de prévention.
Le Gouvernement s’est saisi de ce sujet. Le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017, lancé par le Premier ministre en septembre 2013, comporte des mesures fortes.
Ce plan, mis en œuvre par la MILDECA avec tous les départements ministériels, mobilise l’ensemble des leviers : la prévention, la prise en charge conjointe tant sanitaire que sociale, le développement de la recherche multidisciplinaire, mais aussi la lutte contre les trafics.
Je veux citer : la priorisation d’actions de prévention et d’information en direction des jeunes et de leurs parents ; le renforcement des partenariats entre les professionnels au contact des jeunes – enseignants et personnels de la protection judiciaire de la jeunesse – et les consultations « jeunes consommateurs » ; la prise en charge des jeunes consommateurs les plus en difficulté dans le cadre des structures de recours spécialisées, avec en particulier le déploiement de l’approche thérapeutique familiale dite « MDFT » ; l’encouragement des recherches sur les motivations et les pratiques sociales de consommation de cannabis chez les jeunes.
S’agissant maintenant de la lutte contre le trafic, je citerai l’intensification de la lutte contre l’implication des mineurs dans le trafic, tant sur le plan de la prévention que sur celui de la réponse pénale ; le renforcement du partenariat entre les forces de sécurité et les établissements scolaires pour mieux lutter contre le trafic aux abords de ces derniers ; la mise en place d’une surveillance particulière sur les canaux d’accès à la cannabiculture – magasins spécialisés, sites internet, fret postal et express ; la mobilisation de l’ensemble des acteurs, forces de sécurité, élus locaux et citoyens afin de lutter contre les effets déstabilisateurs du trafic local ; la poursuite de l’effort en matière de saisie du patrimoine des trafiquants, dans l’objectif de les priver du produit de leurs trafics.
La mise en œuvre de ce plan s’appuie notamment sur les professionnels de santé et les travailleurs sociaux qui œuvrent dans le champ des addictions.
Ce sont ces mesures, ces actions qui doivent nous permettre de lutter plus fortement encore contre ce fléau et, demain, de mieux protéger la jeunesse de notre pays.
Madame Benbassa, vous préconisez que la vente de cannabis à des fins non thérapeutiques, pour ne pas dire « récréatives », soit contrôlée par l’État : elle serait assurée par des débitants, comme c’est le cas pour le tabac, mais la publicité et la vente aux mineurs seraient interdites.
Cela étant rappelé, les solutions que vous proposez peuvent avoir des effets contre-productifs par rapport aux objectifs, que nous partageons.
Tout d’abord, alors que nous luttons résolument contre les additifs, banaliser la consommation de cannabis nous semble inopportun, voire dangereux. Ne prenons pas le risque qu’une libéralisation de l’usage de cannabis n’entraîne une hausse de la consommation de ce produit.