Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat suscité par la proposition de loi du groupe écologiste est un débat de société dont les enjeux de santé publique sont majeurs.
Rapporteur pour avis, de 2011 à 2013, des crédits de la MILDT, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, aujourd’hui rebaptisée « MILDECA », j’ai pu constater l’inefficacité de la politique de guerre contre les drogues. Élue de terrain, j’ai été et suis témoin, comme beaucoup d’entre vous, des dégâts occasionnés par la drogue dans un certain nombre de quartiers : escalade de la violence, trafics, réseaux qui dictent leur loi…
Ces constatations ont abouti à l’élaboration, en juillet 2012, d’une charte intitulée « Pour une autre politique des addictions » reposant sur quatre piliers : prévention, réduction des risques, soins et réduction de l’offre de drogues. Signée par près de deux mille personnes, elle a permis de formaliser, entre les principales fédérations et associations d’addictologie, une base commune de diagnostic, d’état des lieux et de recommandations, aboutissant à un consensus sur la dépénalisation de l’usage des drogues.
Pour les signataires, il faut en finir avec les dérives sécuritaires et avec une prévention lacunaire, donc inefficace.
Cette proposition de loi répond-elle à ces constatations ? Est-il juste de se focaliser sur le cannabis quand nombre d’autres addictions à des substances, légales ou illégales, font tout autant, si ce n’est plus de ravages?
J’aurais préféré que l’on aborde la question des addictions de manière plus globale. Mais nous ne nions évidemment pas le problème. Je citerai à cet égard les chiffres de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, l’OFDT : en 2010, entre 1 et 2 millions de Français consommaient régulièrement du cannabis. La consommation de cannabis, notamment chez les adolescents et les jeunes adultes, est donc un véritable problème de santé publique.
À la suite de M. le rapporteur, nous pouvons relever un paradoxe : alors que nous avons l’une des législations européennes les plus répressives en la matière, la France est le pays d’Europe où la consommation des personnes âgées de 15 à 24 ans est l’une des plus élevées.
Selon la MILDT, 41, 5 % des jeunes de 17 ans et 32, 8 % des adultes de 18 à 64 ans ont expérimenté le cannabis, ce qui situe la France derrière le Danemark et devant les Pays-Bas.
Les fumeurs réguliers de cannabis représentent 6, 5 % des jeunes et 2, 1 % des adultes.
La consommation de substance par les jeunes s’inscrit dans une démarche d’expérimentation et de socialisation. Cependant, cette situation les expose à une consommation sauvage, qui touche les écoles et les quartiers et met les adolescents en relation directe avec les réseaux criminels.
Depuis la loi du 31 décembre 1970, donc depuis plus de quarante ans, la seule politique publique a été la surenchère répressive, qui n’a contribué ni à la diminution du nombre de consommateurs ni à celle des trafics, tout en encombrant les tribunaux et les prisons.
Je rappelle que, selon l’article L. 3421-1 du code de la santé publique, « l’usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende ». L’usage est donc considéré comme un délit, alors même que, dans certains pays où le cannabis est autorisé, le nombre de consommateurs est moins important qu’en France.
La pénalisation de l’usage de stupéfiants est une politique répressive qui se veut rassurante mais, dans les faits, elle ne traite pas le problème, en plus de coûter cher : un milliard d’euros par an. Pire, la criminalisation de l’usage fait obstacle à la protection de la santé, en rendant plus difficile l’accès aux services de prévention et de soins, et en accroissant les prises de risque par la clandestinité qu’elle impose.