Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les attentats des 7, 8 et 9 janvier nous ont rappelé à quel point le terrorisme était un mal barbare et sournois. Nous tous, en France, avons compris l’urgente nécessité de lutter contre ce phénomène. Il s’agit désormais d’engager une guerre contre le terrorisme ; mais quel type de guerre, avec quels moyens et avec quels alliés ?
Bien entendu, il ne s’agit pas d’une guerre au sens classique du terme, nation contre nation. Il s’agit d’une guerre contre un mal invisible, diffus, qui gangrène notre société, nos propres jeunes, nés sur notre territoire, partant faire le djihad.
On le sait, la mondialisation et internet ont considérablement développé la puissance du terrorisme. À cet égard, l’objectif est clair : il faut traquer les actuels combattants djihadistes lorsqu’ils rentrent dans leur pays d’origine et, si possible, empêcher l’enrôlement de nouvelles jeunes recrues françaises.
Les moyens nécessaires pour conduire ces opérations sont bien entendu budgétaires, notamment pour le renseignement et les forces de police, mais aussi juridiques et politiques. Tous nos moyens doivent être réévalués à l’aune du risque terroriste, qui pourrait frapper à nouveau en France et partout en Europe.
Les attentats de Paris n’ont pas seulement touché la France : tout l’Occident se sent vulnérable. Dans le combat contre le terrorisme, l’Europe doit pouvoir constituer un atout majeur.
Au cours des jours ayant suivi les attentats de Paris, le débat sur la coordination européenne contre le terrorisme s’est accéléré.
Tout d’abord, les ministres de l’intérieur européens et américain se sont retrouvés à Paris le 11 janvier pour une première réunion d’urgence contre le terrorisme.
Puis la Lettonie, qui assume pour la première fois la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, a accueilli la semaine dernière à Riga un conseil Justice et affaires intérieures qui a réuni vingt-huit ministres de l’intérieur et de la justice pour examiner les réponses que peut apporter l’Union européenne afin de prévenir le terrorisme ou de lutter contre lui.
Enfin, le Conseil européen des 12 et 13 février prochains, qui, à l’origine, devait porter sur l’Union économique et monétaire, sera finalement consacré, pour l’essentiel, au terrorisme.
Ce débat préalable à la réunion du Conseil européen, demandé par la commission des affaires européennes du Sénat, va nous permettre d’aborder différents aspects de la lutte contre le terrorisme.
Mes chers collègues, avant tout, je tiens à apporter une précision. La commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, que j’ai l’honneur de coprésider, a décidé que ses réunions se tiendraient, pour l’essentiel, à huis clos et ne remettra son rapport que le mois prochain. Ainsi, je m’exprime ici non pas en son nom, mais au nom du groupe UMP.
Pour lutter contre ce fléau qu’est le terrorisme, les mesures que peut mettre en œuvre l’Union européenne sont de divers types.
Tout d’abord, la création d’un PNR européen, permettant la collecte et l’échange des données des dossiers des passagers, est envisagée.
L’échange de ces données entre États, de même que leur utilisation, pose un certain nombre de problèmes aux yeux de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et de son homologue européen, au regard du droit au respect de la vie privée et de la protection des données à caractère personnel. Ce sujet doit être examiné avec attention, particulièrement pour ce qui concerne les échanges de données avec les États-Unis : il semble que les données en question soient moins bien protégées par la législation américaine que par celles des États de l’Union européenne.
Cela étant, en matière de lutte contre le terrorisme, les partenariats entre États européens devraient s’organiser aussi dans d’autres domaines. Je songe notamment à la lutte contre les trafics d’armes à feu ou à la lutte contre les sites internet djihadistes.
On le sait, ces sites djihadistes foisonnent sur la « toile ». Ils sont modernes et extrêmement bien faits. Leur vocation première est de séduire les jeunes. Du reste, les recruteurs pour le djihad sont partout : qu’il s’agisse de Facebook ou de Twitter, ils ont compris l’intérêt que présentent pour eux les réseaux sociaux.
Dès lors, le signalement et la suppression des sites faisant l’apologie de la violence terroriste constituent un enjeu majeur. La décision-cadre du 13 juin 2002 permet déjà d’incriminer l’incitation publique à commettre une infraction terroriste. Néanmoins, même si la situation s’améliore progressivement, le blocage des sites reste difficile à obtenir de la part des fournisseurs d’accès à internet.
En application de la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme adoptée par notre pays en novembre dernier, un décret va permettre aux services de police de demander aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer ces sites. Un autre projet de décret portera sur les moteurs de recherche. La véritable solution consisterait à nouer des partenariats entre opérateurs internet pour signaler tout contenu faisant l’apologie du terrorisme.
Par ailleurs, l’élaboration à l’échelon européen d’un contre-discours s’opposant à la propagande terroriste, à l’instar de ce qui vient d’être entrepris en France, est naturellement indispensable.
Je voudrais maintenant évoquer le nécessaire renforcement de la coopération opérationnelle.