Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’ordre du jour du prochain Conseil européen sera donc très largement consacré à la lutte contre le terrorisme. C’est une bonne chose. Les sanglants attentats qui ont secoué notre pays obligent en effet à repenser la coopération européenne dans ce domaine.
Compte tenu de l’ampleur et de la nature transnationale de cette menace, la réponse ne peut être uniquement nationale, et une action au niveau européen, sans être suffisante, apparaît néanmoins indispensable pour tenter de relever ce défi.
Dès 2002, l’Union européenne s’est dotée de certains moyens en la matière. Jusqu’à présent, elle a cependant surtout agi en réaction à des vagues d’attentats, et les avancées observées demeurent assez modestes. Le risque, aujourd’hui, est que, une fois apaisée la très forte émotion suscitée par les attaques de Paris, l’attention portée par l’Europe à ces questions ne s’amenuise et que la volonté de retourner aux traditionnelles affaires économiques – business as usual – ne reprenne le dessus.
C’est pourquoi le Gouvernement français fait pression pour qu’un pas réellement décisif soit accompli pour renforcer l’action à mener.
Quatre grands axes de coopération souhaités par le Gouvernement ont été évoqués la semaine passée par M. Jean-Yves Le Drian devant le Sénat. Permettez-moi de les rappeler ici, en les commentant.
Il s’agit, tout d’abord, de la détection, du contrôle ou de l’empêchement des déplacements des combattants terroristes étrangers. La mise en œuvre des mesures voulues par le Gouvernement implique une modification du code Schengen pour rendre systématique la consultation de son système d’information lors du franchissement des frontières extérieures de l’espace Schengen par les ressortissants européens concernés.
On peut comprendre, dans le contexte actuel, l’intérêt d’une telle disposition, contrevenant à la libre circulation des personnes. Sa mise en place suppose toutefois, a minima, que ce contrôle extérieur soit limité dans le temps et réellement homogène entre les pays membres de l’espace Schengen.
Il faut aussi souligner qu’une telle action ne concernerait qu’une toute petite partie du phénomène terroriste actuel, le danger auquel nous faisons face actuellement étant de plus en plus endogène, difficilement détectable, et ne relevant pas des filières terroristes classiques.
En deuxième lieu, l’établissement d’un PNR européen en vue d’un meilleur repérage des mouvements des djihadistes a été évoqué. L’instauration d’un tel système d’échange de données des passagers est depuis longtemps en débat et reste, pour l’heure, bloquée par le Parlement européen et par un jugement de la Cour de justice de l’Union européenne.
Les positions actuelles pourraient évoluer, mais je rappelle que le principal point d’achoppement concerne la durée de rétention des données collectées.
Par ailleurs, si ces données de masse peuvent parfois s’avérer utiles, leur collecte et leur échange ne constituent en rien la solution universelle à laquelle certains voudraient nous faire croire. Ce type de mesure, dont l’efficacité n’est pas mirobolante, conduit souvent à l’établissement d’un système très lourd de profilage de masse qui mobilise des moyens pouvant être plus utilement employés.
Le troisième axe est la mise en place d’un partenariat avec les grands opérateurs de l’internet pour permettre le signalement rapide de contenus incitant à la haine et à la terreur. Il s’agit là d’une mesure sans doute nécessaire, mais qui suppose une coopération active et étroite, au-delà de l’espace européen, avec les grands acteurs américains du secteur.
Par ailleurs, si l’internet constitue l’un des vecteurs de radicalisation dans nos pays européens, il est loin d’être le seul. En outre, les techniques toujours plus sophistiquées employées par les réseaux peuvent assez rapidement rendre obsolètes les moyens de contrôle mis en place.