Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la réunion informelle du Conseil européen qui se déroulera le 12 février prochain intervient au lendemain des attentats qui ont frappé la France. Aussi cette rencontre des chefs d’État et de gouvernement sera-t-elle essentiellement consacrée à la lutte contre le terrorisme.
Toutefois, selon l’ordre du jour, les discussions devraient également porter sur « les moyens de renforcer la coordination dans le domaine économique et le fonctionnement de l’Union économique et monétaire ».
À cet égard, je souhaiterais souligner l’étroitesse des liens unissant ces deux sujets, qui paraissent, de prime abord, éloignés.
En effet, le siècle passé nous a enseigné que les extrémismes, quels qu’ils soient, se nourrissent souvent de situations de crise économique et de chômage élevé. Dans ces conditions, les engagements pris par la nouvelle Commission européenne en faveur de la croissance et de l’emploi n’en revêtent que plus d’importance.
Au cours des dernières années, les institutions européennes avaient dû s’attacher à « sauver » l’Union, durement atteinte par la crise économique et la crise des dettes souveraines dans la zone euro. Le Parlement européen élu l’année passée, la nouvelle Commission et chacun des États membres auront, quant à eux, pour mission de préserver le « goût de vivre ensemble » au sein de l’Union européenne, dans un contexte marqué par une instabilité internationale accrue et les coups portés au lien social. Or la sauvegarde du « vivre ensemble européen » nécessite que l’Union puisse être associée, dans l’esprit de chacun, à la perspective d’une amélioration des conditions de vie.
Le cas de la Grèce a montré qu’une dégradation des conditions matérielles et les incertitudes pesant sur l’avenir pouvaient être à l’origine d’un désamour à l’égard de l’Europe. Le gouvernement dirigé par Alexis Tsipras a, semble-t-il, renoncé à une annulation pure et simple de tout ou partie de la dette publique grecque. Le ministre des finances a proposé de substituer des « obligations perpétuelles » aux emprunts auprès de la Banque centrale européenne, afin d’éviter au budget grec d’avoir à supporter des remboursements massifs lorsque les titres arrivent à échéance, et des obligations « indexées sur la croissance » aux emprunts auprès des programmes d’assistance financière européens.
Quel accueil le Gouvernement français souhaite-t-il réserver au plan de restructuration de la dette publique proposé par la Grèce ? Quels éléments lui paraissent pouvoir être retenus, écartés ou modifiés ?
Par ailleurs, différentes voix s’élèvent, dont celle du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, pour demander la suppression ou la réforme de la « troïka ». Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous apporter des précisions sur la position qu’entend adopter la France sur cette question ?
Tout cela intervient alors que la Commission européenne a rendu publique une communication intitulée « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance ». Il s’agissait, pour reprendre les termes de cette communication, de mettre « l’accent sur la marge d’interprétation laissée à la Commission conformément aux règles du pacte, sans modifier la législation existante ». Aussi souhaiterais-je que puisse nous être indiqué dans quelle mesure cette « interprétation » des règles du pacte de stabilité concerne la France, qui est dans l’attente d’un avis de la Commission sur sa situation budgétaire, devant être rendu en mars prochain.
En outre, la Commission a placé au cœur de son projet en faveur de la croissance économique le plan d’investissement pour l’Europe, communément appelé « plan Juncker ». Celui-ci doit reposer sur trois piliers : la mobilisation de 315 milliards d’euros au cours des trois prochaines années pour financer des investissements stratégiques ; le renforcement de la visibilité des projets d’investissement européens, par la constitution d’une « réserve de projets » et la mise en place d’une assistance technique au profit des entités à la recherche de financements et des investisseurs ; enfin, l’instauration d’un environnement propice à l’investissement.
Le premier volet de ce plan d’investissement sera mis en œuvre par le Fonds européen pour les investissements stratégiques, qui devrait recevoir 16 milliards d’euros de garanties de l’Union européenne et 5 milliards d’euros de la Banque européenne d’investissement. De la mobilisation de ces 21 milliards d’euros devraient donc résulter 315 milliards d’euros d’investissements, grâce à l’effet multiplicateur du Fonds européen pour les investissements stratégiques, dont la capacité à supporter une partie des risques devrait attirer des investisseurs. Il est prévu que chaque euro mobilisé par ce fonds entraîne 15 euros d’investissements : il s’agit là d’un effet multiplicateur tout à fait significatif. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous indiquer sur quelle base cet effet multiplicateur prévisionnel a été déterminé ?
Dans le cadre du plan d’investissement, les banques nationales de développement devraient occuper une place importante, en particulier pour la constitution de la « réserve de projets d’investissements ». Monsieur le secrétaire d'État, selon quelles modalités Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations devraient-elles être associées à la mise en œuvre du plan d’investissement ?
Je vous remercie des réponses que vous pourrez apporter à ces différentes interrogations. Elles sont plus financières que politiques, mais je partage, on l’aura compris, les préoccupations exprimées par la majorité de nos collègues quant à l’avenir de l’Union européenne.