Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il était très important que le Sénat organise ce débat préalable au Conseil européen des 12 et 13 février. À cet égard, je remercie le président du Sénat et la conférence des présidents de l’avoir inscrit à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée, ainsi que M. le secrétaire d’État pour sa disponibilité.
Les attentats terroristes odieux qui ont endeuillé notre pays ont, en effet, abouti à modifier l’ordre du jour de ce Conseil européen, qui devait initialement être consacré aux questions économiques : la lutte contre le terrorisme y occupe désormais la plus grande place.
La dimension européenne du combat contre le terrorisme est évidemment très importante. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York, puis ceux de Madrid en 2004 et de Londres en 2005, l’Union européenne s’est dotée d’une stratégie et d’outils en vue de renforcer la lutte contre le terrorisme. On a malheureusement le sentiment que l’Europe pèche encore dans la concrétisation opérationnelle des objectifs qu’elle affiche dans ce domaine. Pourtant, les attaques menées à Paris et celles qui ont été déjouées en Belgique ont souligné l’importance d’apporter une réponse européenne coordonnée et approfondie.
La commission des affaires européennes a décidé de procéder à un recensement de ce qui existe, de procéder à une évaluation et d’examiner les pistes pour un renforcement. Nous regrouperons nos contributions dans une proposition de résolution européenne que nous adopterons avec la commission des lois le 25 mars prochain, selon toute vraisemblance.
Nous avons aujourd’hui même adopté, sur le rapport de Simon Sutour, une proposition de résolution européenne demandant la création d’un PNR européen, tout en l’assortissant des garanties indispensables en matière de protection des données personnelles. La proposition de directive qui est négociée depuis déjà quelque temps doit être adoptée. Nombre des garanties que le Sénat avait réclamées y ont été intégrées. Si nécessaire, il est possible d’aller plus loin, mais la discussion doit aboutir au plus vite. Nous lançons un appel en ce sens au Parlement européen ! L’établissement d’une nouvelle proposition n’est pas justifié. Cela ne ferait que retarder un peu plus encore l’adoption d’un dispositif dont l’utilité est avérée.
Notre collègue André Reichardt a formulé des propositions sur l’espace Schengen. Nous voulons des gardes-frontières européens et des contrôles plus systématiques aux frontières extérieures, y compris pour les titulaires de passeports européens, pratiqués de façon ciblée à certains postes-frontière. Il faut également envisager la possibilité, pour les États membres, de réaliser des contrôles inopinés aux frontières intérieures si les circonstances l’exigent.
Nos collègues Jean-Jacques Hyest et Philippe Bonnecarrère travaillent sur la mise en place d’un parquet européen, dont les compétences seraient élargies à la criminalité grave transfrontalière. On voit bien l’intérêt d’une telle avancée : il faut agir au niveau européen contre les réseaux criminels, car ce sont bien souvent eux qui financent le terrorisme.
Joëlle Garriaud-Maylam et Michel Delebarre étudieront les moyens de renforcer la coopération policière. Beaucoup de choses sont faites dans ce domaine, mais on peut aller plus loin encore, en utilisant davantage l’outil d’analyse et de coopération que constitue Europol.
Mes chers collègues, je pose la question : peut-on continuer à admettre que nos polices et nos systèmes judiciaires restent cloisonnés, tandis que les réseaux criminels et terroristes se jouent des frontières ?
Colette Mélot et André Gattolin examineront l’action de l’Union européenne dans la lutte contre l’incitation à la violence terroriste sur internet. On ne peut plus tolérer qu’internet soit une source essentielle d’endoctrinement et de recrutement pour le terrorisme. Les attaques ciblées conduites contre différents sites sont aussi un sujet de préoccupation ; l’Union européenne doit agir vite et de manière forte.
Fort de son expérience d’ancien garde des sceaux, notre collègue Michel Mercier nous présentera son analyse sur la déchéance de nationalité au regard de nos engagements européens et internationaux. Qu’en est-il exactement ? Beaucoup d’affirmations peu étayées circulent. C’est le rôle du Sénat de procéder à un examen scrupuleux des textes et d’en tirer toutes les conséquences. Nous ne devons rien nous interdire a priori ; nos concitoyens ne le comprendraient pas, et ils auraient raison !
Monsieur le secrétaire d'État, nous avons tous vécu avec émotion ce moment de deuil et d’union nationale, mais aujourd’hui nos concitoyens nous demandent d’agir, et d’agir vite. Ne les décevons pas, et mobilisons l’ensemble de nos partenaires européens dans ce combat qui nous concerne tous ! Pour sa part, le Sénat, sa commission des affaires européennes et sa commission des lois seront prêts, le 25 mars, à faire des propositions d’ensemble.
L’Union économique et monétaire sera aussi à l’ordre du jour du Conseil européen. Les résultats des élections législatives en Grèce nous interpellent. La Grèce a mené des efforts importants, très lourds pour sa population. Ces efforts commencent juste à porter leurs fruits. Le programme de la nouvelle coalition soulève beaucoup d’interrogations. On sait que la Banque centrale européenne refusera toute réduction de la dette qui toucherait les titres grecs qu’elle détient. L’annulation de la dette grecque serait en réalité supportée par les contribuables des pays prêteurs, dont la France. On ne peut l’accepter. Ce sont plus de 60 milliards d’euros qui sont en cause ! Pour avoir assisté à la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, la COSAC, qui s’est tenue à Riga voilà quarante-huit heures, je puis vous certifier que l’ensemble des États membres de l’Union européenne, hors la Grèce, sont sur la même ligne.
Il faut donc réfléchir à d’autres scénarios. Nous souhaitons examiner la situation de la Grèce de façon réaliste, afin de bâtir des solutions crédibles. C’est ce que fera la commission des affaires européennes, qui a désigné notre collègue Simon Sutour pour faire un rapport sur ce sujet.
J’ai bien noté les trois principes affirmés par le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État : la solidarité, la responsabilité et l’unité européenne.
On voit bien que l’Union européenne est à la recherche d’un bon équilibre entre le nécessaire assainissement des comptes publics et la réunion des conditions requises pour un redémarrage de la croissance. À partir du rapport de nos collègues Jean-Paul Emorine et Didier Marie, nous formaliserons dans quelques jours notre position sur le plan d’investissement pour l’Europe. Le Sénat est pleinement mobilisé sur ce dossier. Les collectivités territoriales doivent pouvoir prendre toute leur part dans la décision et la sélection des projets. Nous serons aussi très vigilants sur les sources de financement.
Une plus grande flexibilité dans l’application des règles du pacte de stabilité et de croissance est envisageable, mais cela ne doit pas dispenser de la nécessaire discipline collective sans laquelle la zone euro ne peut fonctionner. Notre pays doit, en particulier, mener les réformes structurelles dont il a impérativement besoin, qui sont parfaitement identifiées. L’assainissement budgétaire est indispensable. Nous étudierons avec attention les analyses que la Commission européenne rendra en mars sur le budget de la France. Nous souhaitons qu’elle vienne expliquer sa position devant le Sénat. §