Intervention de Harlem Désir

Réunion du 4 février 2015 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 12 et 13 février 2015

Harlem Désir :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la qualité et du ton de ce débat. Je me réjouis de la très forte convergence qui s’est manifestée pour affirmer votre détermination à répondre au défi de la menace terroriste.

La France est en pointe dans la lutte contre le risque terroriste, même si celui-ci concerne tous les pays de l’Union européenne, comme en attestent les attentats contre le musée juif de Bruxelles, l’an dernier, ceux de Londres ou de Madrid, plus anciennement, et d’autres encore. Ce sont les valeurs de liberté et de démocratie fondatrices de nos sociétés, de l’Europe même, qui sont mises en cause.

La réaction de l’Europe a montré une détermination à rejeter la logique de haine dans laquelle voulaient nous entraîner les terroristes. Nous n’accepterons ni l’intimidation ni la haine. L’un d’entre vous a cité, à cet égard, une phrase de Robert Badinter. Nous devons être capables de la plus grande unité, de la plus grande fermeté pour combattre les terroristes, pour assurer la sécurité des citoyens, mais aussi pour protéger les valeurs démocratiques de l’Union européenne, l’existence d’une société de tolérance et de fraternité.

C’est pourquoi le plan que nous avons proposé et qui est en discussion en vue de la réunion des chefs d’État et de gouvernement porte sur l’ensemble des aspects de ce combat.

Il est bien sûr nécessaire de renforcer la coopération policière et judiciaire. Nous souhaitons que les États membres s’appuient davantage encore sur Europol et sur Eurojust, que les informations et les outils d’analyse soient mieux partagés. Pour l’heure, en effet, les informations sur les ressortissants de pays tiers ayant fait l’objet de condamnations, par exemple, ne sont pas systématiquement transmises au sein des réseaux européens. Il importe de mieux prendre en compte les derniers éléments que nos services de renseignement, de police, de justice peuvent détenir sur l’évolution des réseaux terroristes.

Nous avons aussi besoin d’un outil tel que le PNR. Je voudrais convaincre ceux qui pourraient rester réticents qu’il s’agit là d’un dispositif qui vraiment fait défaut dans la lutte antiterroriste à l’échelle européenne.

Aujourd’hui, la présence dans un avion reliant un pays de l’Union européenne et un territoire proche d’une zone de conflit d’une personne signalée comme suspecte par un service de renseignement n’est pas forcément notifiée à la police des frontières, faute d’un système commun de transmission, selon des formes harmonisées, des dossiers des passagers à partir de la réservation.

Le PNR permet précisément de savoir, dès la réservation, qui se trouve dans un avion, et donc d’utiliser le temps du vol pour signaler aux services de police, au point d’arrivée, le passage d’un individu dangereux. Ceux-ci pourront alors le contrôler, éventuellement interrompre son voyage, voire le livrer à la justice.

Le PNR permet aussi de retracer les parcours, voire d’identifier des tentatives de masquer la destination réelle. Beaucoup de combattants étrangers de retour des zones de combat en Irak et en Syrie qui ont pu être identifiés avaient fait des détours, par l’Asie par exemple, pour ne pas attirer l’attention. L’identification de ce type de parcours destinés à brouiller les pistes permet de détecter des personnes cherchant à se rendre dans les zones de combat ou à en revenir.

Toutes les garanties sont offertes pour que le PNR ne serve qu’à la lutte contre la criminalité grave, le terrorisme, les trafics d’armes, les trafics de personnes. Il ne s’agit en aucun cas de mettre en œuvre un fichage général : les services dédiés à la lutte contre le terrorisme et ses réseaux n’ont pas d’autre objectif que d’assurer la sécurité de nos concitoyens.

Cela a été souligné, il faut aussi lutter contre les racines mêmes du terrorisme. Cette lutte devant être menée à l’échelle internationale, il s’agit d’un volet très important de notre mobilisation avec les autres États membres de l’Union européenne. Il faut vraiment que notre politique de coopération à l’égard des pays du sud du bassin méditerranéen, en particulier de ceux qui sont déstabilisés par la propagation des groupes djihadistes, prenne en compte le risque terroriste. Un certain nombre de pays ayant réussi leur transition démocratique doivent être soutenus dans leur développement économique. D’autres connaissent encore une très forte instabilité sur le plan sécuritaire : pensons à la Lybie ou à des pays comme le Nigeria ou le Tchad, aux prises avec Boko Haram.

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