Intervention de Daniel Reiner

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 février 2013 : 1ère réunion
Forum transatlantique organisé par l'assemblée parlementaire de l'otan — Communication

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Les 10 et 11 décembre derniers, nous nous sommes rendus, avec nos collègues Mme Nathalie Goulet et M. Xavier Pintat, à Washington, pour participer au Forum transatlantique.

Institué en 2001, afin de rapprocher les points de vue et éviter l'apparition de divergences ou d'incompréhensions dans les relations transatlantiques, le Forum transatlantique se tient chaque année, généralement en décembre, à Washington.

Organisé par l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, en coopération avec le Conseil de l'Atlantique des Etats-Unis et la National Defense University, il permet aux parlementaires des pays membres de l'OTAN de débattre avec les parlementaires du Congrès et des représentants de l'administration des Etats-Unis, mais aussi avec des experts de think tanks américains, de toutes les questions concernant l'Alliance atlantique. Ces rencontres constituent donc un moment privilégié pour confronter et rapprocher les points de vue des deux côtés de l'Atlantique. Elles représentent aussi une importante source d'information sur la perception américaine, les débats au sein de la classe politique et parmi les experts, ainsi que sur les priorités de la politique étrangère des Etats-Unis à l'égard de l'OTAN et, plus généralement, sur les grands dossiers internationaux.

Lors du dernier Forum, près d'une centaine de parlementaires originaires de 22 pays de l'OTAN étaient présents. Outre la délégation du Sénat, la France était représentée par nos collègues députés Mmes Nicole Ameline et Patricia Adam, MM. Guy Chauveau, Francis Hillmeyer, Jean-Marie Le Guen, Michel Lefait, Pierre Lellouche, Jean-Luc Reitzer et Philippe Vitel.

Après une présentation des priorités du deuxième mandat du Président Barack Obama en matière de politique étrangère par plusieurs hauts responsables américains, nous avons eu des échanges sur la politique étrangère américaine et les relations transatlantiques lors de plusieurs tables rondes avec des représentants de l'administration et des experts américains.

Nous avons ainsi évoqué la nouvelle stratégie américaine de « pivot » vers la zone Asie-Pacifique, et ses conséquences sur les relations transatlantiques, les défis de la politique américaine au Moyen-Orient, notamment à l'égard de la Syrie, de l'Iran ou du processus de paix israélo-palestinien, le dialogue avec la Russie ou encore l'Afghanistan.

Nous avons également assisté à des présentations très intéressantes sur l'évolution des dépenses de défense aux Etats-Unis et ses conséquences pour les relations transatlantiques et l'OTAN. Une table ronde a aussi été organisée sur les opinions publiques des deux côtés de l'Atlantique.

Enfin, au cours de notre séjour, l'ensemble de la délégation française a été reçue lors d'un dîner à la résidence de l'ambassadeur de France à Washington, Son Exc. M. François Delattre, au cours duquel nous avons pu échanger sur la politique étrangère américaine et les relations avec la France.

Que faut-il retenir de ces échanges particulièrement denses ?

Je m'en tiendrai essentiellement aux priorités américaines en matière de politique étrangère, en laissant mes collègues évoquer les autres sujets.

Nous avons eu la confirmation, lors de ce Forum transatlantique, de la nouvelle stratégie américaine de « pivot » vers la zone Asie-Pacifique et donc d'un certain désengagement américain de l'Europe.

Comme l'illustre la faible place accordée à la politique étrangère dans le discours sur l'état de l'Union, prononcé par le Président Obama la semaine dernière devant le Congrès, et après les coûteuses opérations en Irak et en Afghanistan, on peut penser que le deuxième mandat du Président Obama sera surtout concentré sur la situation intérieure, en particulier la reprise de la croissance économique et la lutte contre les déficits aux Etats-Unis.

Dans l'esprit de nos partenaires américains, il est clair que l'Europe n'apparaît plus aujourd'hui comme une priorité du point de vue de la sécurité, mais que leur principale préoccupation se porte désormais sur la montée en puissance de la Chine, qui apparaît désormais comme un rival potentiel et une menace, en particulier dans le Pacifique et en Asie.

Dans un contexte marqué par la forte réduction du budget de la défense aux Etats-Unis dans les dix prochaines années (on parle d'une réduction de l'ordre de 500 à 1 000 milliards de dollars), pour enrayer le déficit abyssal du budget, et au regard de l'expérience des interventions en Irak et en Afghanistan, les Etats-Unis estiment qu'ils n'auront plus les moyens d'assumer seuls à l'avenir la sécurité de l'ensemble de leurs alliés.

Dans la lignée des discours des anciens secrétaires d'Etat à la défense Robert Gates et Leon Panetta, les Etats-Unis considèrent que les Européens doivent prendre davantage leurs responsabilités pour assurer leur propre sécurité et « partager le fardeau ». Ils estiment que la sécurité de l'Europe et de son proche voisinage, notamment au Sud de la méditerranée, doit reposer principalement sur les Européens.

Cela ne signifie pas pour autant que les Etats-Unis vont abandonner du jour au lendemain leurs alliés européens, qui demeurent leurs plus proches alliés, et que la garantie de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord sera moins effective à l'avenir. Simplement, les Etats-Unis ne sont plus disposés aujourd'hui à assumer seuls le coût financier et humain de la sécurité de l'Europe.

C'est le sens du « leadership from behind » évoqué par le Président Barack Obama lors de l'intervention de l'OTAN en Libye, où, pour la première fois, les Etats-Unis sont restés en retrait d'une opération militaire de l'OTAN, tout en apportant un soutien indispensable aux pays participants, ou de l'attitude américaine à l'égard du Mali et du Sahel.

Cette nouvelle attitude des Etats-Unis suscite de fortes inquiétudes chez la plupart de nos partenaires européens, en particulier des pays baltes ou d'Europe centrale et orientale, pour lesquels l'Alliance atlantique et les Etats-Unis restent la meilleure garantie de leur sécurité, notamment à l'égard de la Russie.

Elle constitue toutefois une réelle opportunité pour l'émergence, sinon d'une défense européenne, du moins d'un « pôle européen » au sein de l'Alliance atlantique, dont nous avons pu voir les prémices en Libye. D'ailleurs, comme nous l'a confirmé notre ambassadeur à Washington, les relations entre les Etats-Unis et la France sont excellentes et la nomination du francophone John Kerry à la tête de la diplomatie américaine est une bonne nouvelle.

Lors du Forum transatlantique, je suis d'ailleurs intervenu pour plaider en ce sens auprès de mes collègues et défendre l'idée d'un rééquilibrage entre Européens et Américains au sein de l'Alliance, en appelant les Européens à ne pas relâcher leur effort en matière de défense, mais à développer la coopération, sur le modèle de la coopération franco-britannique ou du « triangle de Weimar ». J'ai aussi souligné tout l'intérêt de renforcer la politique de sécurité et de défense commune et les liens entre l'OTAN et l'Union européenne.

Toutefois, dans un contexte marqué par la forte diminution des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens, d'une lassitude des opinions publiques et d'un refus de s'engager militairement chez certains de nos partenaires européens, comme on a pu le constater au Sahel, il n'est pas certain que les Européens soient aujourd'hui disposés à saisir cette opportunité et à consacrer davantage d'efforts pour assurer leur propre sécurité.

Voilà les quelques enseignements que je retire de ce Forum, mais mes collègues auront certainement d'autres éléments à ajouter.

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