Au préalable, je souhaiterais répondre à votre question initiale monsieur le président concernant l'avenir des conflits futurs. Si je vous ai laissé croire un instant que la puissance aérienne pouvait tout faire, c'est sans doute que je me suis mal expliqué. Tout commence au sol et se finit au sol, tout commence par le politique et se termine par le politique. Néanmoins, aucune crise depuis 20 ans ne s'est réglée sans l'intervention de la puissance aérienne, soit pour amener à la raison un dictateur, soit pour appuyer des troupes au sol. Et ces opérations doivent s'inscrire dans la durée. Si nous avons pu décoller le 19 mars dernier lorsque l'ordre nous en a été donné, c'est parce que nous avions un dispositif permanent et donc prêt à le faire. Cela suppose une organisation, des équipements et un investissement humain considérable. Une des conclusions évidentes c'est que la polyvalence est la clé de la modernisation.
Concernant le MRTT je regrette beaucoup son retard. D'autant que cet avion polyvalent supprimerait trois flottes : celle des A340 dédiée au transport stratégique et celle des C135 et des KC135 pour le ravitaillement en vol.
Pourquoi les forces aériennes libyennes ne sont elles pas intervenues ? Grâce à nos moyens de renseignement, qui évoluaient au large de la côté libyenne, nous avons pu observer que les chasseurs de Khadafi frappaient tous les jours à Benghazi avant le 19 mars. Nous avons néanmoins estimé que la menace était raisonnable et que nos équipements nous permettraient de la traiter. Dès que nos pilotes sont intervenus, ils ont immédiatement cessé leurs frappes contre les forces rebelles. Nous n'avons pas envoyé nos pilotes à la légère. Nous avions non seulement réalisé une bonne évaluation de la menace anti-aérienne libyenne mais nos chasseurs possédaient des moyens de guerre électronique adaptés et des munitions de type AASM particulièrement efficaces, car permettant des tirs hors de portée des batteries sol-air,
Pour ce qui est de dédier un type d'armement à la suppression des défenses ennemies, c'est non seulement une question de doctrine mais c'est aussi une question de coût. Un tel investissement serait trop lourd pour nous. Il s'agit de savoir mutualiser les capacités et les équipements entre alliés.
Un des axes majeurs du programme SCCOA4 est le renouvellement des radars de défense aérienne actuels qui vieillissent et dont le coût d'entretien ne cesse de croître. Or les radars civils ne sont pas capables d'assurer la surveillance de l'espace aérien parce qu'ils fonctionnent sur un mode coopératif. Seuls les radars militaires de défense aérienne permettent de détecter et de suivre une menace aérienne. Il est donc temps de passer à de nouvelles technologies et d'assurer de façon plus efficace la surveillance de nos zones sensibles. Un premier radar sera installé à Nice. Nous allons aussi disposer d'un radar transportable. Mais il faudrait disposer en fait de deux radars supplémentaires pour couvrir correctement nos besoins.
En matière de défense anti-missile, les compétences humaines sont là, les technologies également. Il ne reste que le financement et la volonté. Il y a déjà dix ans, je défendais, dans d'autres fonctions, le besoin d'une défense anti-missile de théâtre, au travers du SAMP/T. Or si le missile Aster est un succès, il a besoin de radars de surveillance de longue portée pour pouvoir anticiper une menace et l'intercepter. Votre rapport l'a parfaitement illustré.
S'agissant des exports, le meilleur soutien que nous puissions apporter repose sur les démonstrations de l'armée de l'air. Notre meilleur argument de vente ce sont nos capacités opérationnelles telles qu'elles ont été montrées en Libye ou en Afghanistan. Ce qu'offre l'armée de l'air c'est son savoir faire à la fois pour former des pilotes et pour soutenir une flotte en exploitation. Nous ne le faisons pas toujours suffisamment savoir, notamment en Inde. Il faut insister sur les capacités réelles du Rafale et surtout sa polyvalence, qui est unique au monde. D'ailleurs, nos amis britanniques ont des Eurofighter, des Tornado, et ils attendent maintenant des JSF, qui est un appareil à vocation offensive.
Concernant les drones, c'est une question délicate. Pour commencer, si une décision avait été prise avant, nous ne serions pas dans cette situation. La non-décision est la pire des choses. Or nous avons trop attendu. Deuxièmement, je respecte la décision qui est prise ; nous avons des besoins ; ils ont été démontrés. Ce qui serait inacceptable serait la rupture capacitaire. Le risque le plus grand est là. Or nous connaissons bien IAI. La seule chose qu'on ne puisse pas se permettre est de régresser par rapport à l'existant. Il s'agira donc d'avoir un oeil attentif sur la liaison satellitaire qui occupe une place structurante sur ce type de système. Il faudra aussi que l'on soit capable d'armer ces drones. Pourquoi nous en priverions nous puisque ces appareils assurent une précision de frappe avec un pourcentage de succès identique à celui d'un avion de combat ? Certes, nous n'étions pas en Libye face à un environnement saturé en défense anti-aérienne. Mais les drones nous auraient apporté une aide très précieuse.
Pour ce qui est du futur, je pense qu'il faut arrêter de penser que le drone est un avion sans pilote. Il s'agit d'un appareil piloté à distance, depuis le sol, par un équipage expérimenté. NEURON est une excellente initiative. De là à considérer que ce type de capacité sera amenée à remplacer complètement les pilotes, je ne le crois pas. Le développement de ces systèmes prendra encore du temps. Au plan quantitatif, nous aurons besoin d'une véritable flotte de drones et pas seulement de quelques exemplaires.
S'agissant du commandement interallié de l'espace, c'est une bonne chose, car il s'appuie sur les moyens existants des armées et ne constitue pas une structure supplémentaire. L'armée de l'air forme des officiers pour la surveillance de l'espace. Il s'agit d'une nécessité pour la dissuasion afin de garantir l'identité des agresseurs mais aussi pour assurer la fonction stratégique de protection.
Concernant la situation en Libye, la priorité est de terminer la phase actuelle. Par la suite, il y aura effectivement un problème tenant au fait que les forces du CNT seront incapables d'assurer la surveillance des approches maritimes et aériennes. Il va donc falloir trouver des moyens pour les y aider.
Sur le surcoût des OPEX, le chiffre de 123 millions d'euros ne représente que la régénération du potentiel technique. Les vrais besoins de l'armée de l'air, avec le carburant, le recomplètement des munitions et le MCO sont de l'ordre de 250 millions d'euros. Les AASM ont été particulièrement efficaces, mais il serait intéressant de disposer également de munitions moins onéreuses pour des cibles de faible valeur. Notre priorité pour l'instant c'est la régénération du potentiel technique. Il s'agit, soit dit en passant, également d'heures de travail pour nos industriels.