Je voudrais, pour ma part, concentrer mon propos sur deux sujets : la défense anti-missiles et la revue de la posture de défense et de dissuasion de l'OTAN.
La question de la défense anti-missiles a été une nouvelle fois au centre des discussions, qui ont opposé ses fervents partisans, en particulier américains, et ses virulents opposants, notamment russes et ukrainiens, les Européens se contentant souvent de jouer le rôle de « spectateurs ».
Je rappelle que, lors du Sommet de Lisbonne, les vingt-huit pays de l'OTAN ont pris la décision de mettre en place une capacité de défense anti-missiles pour assurer la protection du territoire et des populations des pays européens de l'Alliance.
Le déploiement de cette capacité a d'ailleurs commencé en 2011, avec l'envoi d'un navire américain à capacité anti-missiles et l'accord signé entre les Etats-Unis et la Turquie pour l'installation d'un radar qui sera directement axé sur la menace iranienne.
Comme l'a rappelé le Président roumain, la Roumanie a signé quelques semaines plus tôt un accord avec les Etats-Unis sur le déploiement d'éléments du bouclier anti-missiles américain sur son territoire. Cet accord bilatéral porte notamment sur l'installation d'un système Aegis terrestre, comprenant un radar et des intercepteurs SM-3 sur le territoire roumain, qui devraient être opérationnels à compter de 2015.
S'exprimant à titre personnel, notre collègue député M. Jean-Michel Boucheron a contesté l'intérêt de la défense anti-missiles et évoqué le risque d'un effet d'éviction des autres dépenses militaires.
Pour ma part, je suis intervenu dans le débat pour souligner que notre commission avait travaillé sur ce sujet et publié un rapport d'information sur la défense anti-missiles.
J'ai rappelé que les enjeux de la défense anti-missiles ne se limitaient pas uniquement aux aspects militaires, mais qu'ils recouvraient également des aspects stratégiques, politiques et diplomatiques ou industriels.
J'ai insisté en particulier sur la question centrale de l'architecture du futur système de commandement et de contrôle.
Car, à mes yeux, la question n'est plus de savoir si la défense anti-missiles doit se faire ou non, puisque la décision a été prise au Sommet de Lisbonne d'engager l'OTAN dans une défense anti-missiles de protection du territoire et des populations et que la détermination des Etats-Unis ne fait aucun doute.
La véritable question qui se pose est de savoir si l'Europe aura la volonté d'assurer elle-même la protection de son territoire et de ses populations ou bien si elle souhaitera s'en remettre aux Etats-Unis pour assurer sa propre sécurité.
Or, étant donné le décalage entre le déploiement des moyens américains et l'absence de moyens et de financements des Européens, on peut avoir quelques inquiétudes sur ce point.
J'ajoute que l'enjeu est particulièrement important pour notre pays et nos industriels qui sont les seuls en Europe à avoir la compétence technique sur l'ensemble du spectre.
Le risque auquel nous devons être attentifs, et qui a bien été souligné par notre collègue député Jean-Michel Boucheron, c'est que la défense anti-missiles n'ait pas un effet d'éviction sur les autres programmes.
La défense anti-missiles devrait être l'un des enjeux majeurs du prochain Sommet de l'OTAN qui se déroulera à Chicago, le 20 mai 2012, puisque les Etats-Unis veulent que l'OTAN déclare une première capacité anti-missile opérationnelle, qui sera, de fait, une capacité exclusivement américaine (senseurs, intercepteurs et système de commandement américains).
Le deuxième sujet de débat, lié au précédent, a porté sur la revue de la posture de dissuasion et de défense de l'Alliance, avec un exposé introductif très intéressant de M. Bradley Roberts, Sous-secrétaire d'Etat adjoint au département d'Etat américain de la Défense.
Lancée lors du Sommet de Lisbonne, la revue de la posture de dissuasion et de défense de l'OTAN vise à définir un équilibre entre le triptyque : dissuasion nucléaire, forces conventionnelles et défense anti-missiles.
Cette revue a été lancée dans le contexte du discours du Président Barack Obama sur l'objectif d'un monde sans armes nucléaires et de la réflexion sur l'avenir de la présence des armes nucléaires tactiques américaines en Europe.
La France ayant une dissuasion nucléaire indépendante et autonome (ce qui irrite parfois certains de nos partenaires comme l'Allemagne) notre pays n'était pas spécialement demandeur de cette revue, mais est particulièrement vigilant sur cette question centrale pour notre politique de défense.
En effet, dans l'esprit de certains responsables américains ou européens, cette revue pourrait conduire à réduire l'importance de la dissuasion nucléaire dans la doctrine et les outils de défense de l'OTAN.
Ainsi, certains responsables évoquent l'idée que l'OTAN reprenne le concept de « garanties négatives de sécurité », selon lequel le nucléaire ne dissuade que du nucléaire, ce qui signifie concrètement que les pays de l'Alliance renonceraient à l'emploi de l'arme nucléaire autrement que pour répondre à une attaque nucléaire.
Or, cette doctrine, sans doute indolore pour les Etats-Unis, qui disposent d'une écrasante supériorité en ce qui concerne les forces conventionnelles, est totalement contraire aux principes d'indépendance et de souveraineté sur lesquels repose la politique française de la dissuasion nucléaire, telle que fondée par le Général de Gaulle et poursuivie par les Présidents de la République successifs.
Intervenant dans ce débat, j'ai rappelé que le nouveau concept stratégique de l'OTAN adopté à Lisbonne réaffirmait l'importance de la dissuasion nucléaire et reconnaissait la contribution de la France et du Royaume-Uni à la sécurité de l'Alliance.
J'ai indiqué que la revue ne devait pas conduire à revenir ou à dénaturer le concept stratégique, approuvé par les vingt huit pays de l'Alliance, mais qu'elle devait au contraire avoir pour objectif la mise en oeuvre de ce concept.
Enfin, j'ai souligné que dans un monde où subsistent des arsenaux nucléaires importants et où les risques de prolifération ne sont pas écartés, la dissuasion nucléaire représente une garantie fondamentale pour notre sécurité.
Dans un contexte où les contraintes financières conduisent la plupart des pays européens à réduire leurs dépenses de défense, et donc à diminuer leurs capacités conventionnelles, où peu de pays européens sont réellement disposés à s'engager dans la défense anti-missiles, il peut sembler paradoxal de vouloir affaiblir au même moment notre capacité de dissuasion.