La première question de M. Reiner portait sur les drones. Je pense qu'en ce domaine, une avancée est possible. Mais je parlais de drones d'observation de troisième génération.
Sa deuxième question portait sur la succession de la chasse, après les vecteurs de chasse qui sont aujourd'hui dans les forces et se trouvent en concurrence sur les marchés extérieurs. Peut-on penser à une nouvelle génération - à l'horizon 2030 - permettant d'éviter que l'Europe ne soit dépendante ? Nous y travaillons, en particulier avec des Britanniques - qui sont les seuls à cofinancer les études en cours. Un sommet franco-britannique devrait se tenir fin janvier, où l'application et la suite du traité de Lancaster House seront à l'ordre du jour. Plusieurs options sont possibles : drones de combat/avions de chasse sans pilote ; ou avions de chasse avec pilote ; ou les deux à la fois. L'affaire n'est pas encore tranchée, mais nous y réfléchissons. Si d'autres États veulent participer, nous pourrons l'envisager. Pour l'instant ce n'est pas le cas.
M. Jean-Marie Bockel a soulevé la question de la cyberdéfense européenne. En fait, toute la stratégie « cyber » européenne fait aujourd'hui l'objet de discussions. Nous nous interrogeons encore en matière de cyberdéfense, et je ne suis pas le plus allant sur cette question : d'abord en raison de notre propre posture, qui est peut-être plus avancée que d'autres ; en raison ensuite du caractère sensible du sujet. En revanche, nous sommes favorables à un travail en commun portant sur la filière industrielle et innovation de la « cyber », qui n'est pas uniquement civile. Quoi qu'il en soit, le sujet vient d'être acté dans la stratégie de la défense française - je ne rappellerai pas à M. Lellouche que la loi de programmation militaire a été votée définitivement hier soir.
M. Joaquim Pueyo s'est exprimé, entre autres, sur la nécessité de redéfinir la stratégie de défense de l'Europe et la PSDC. Je suis d'accord avec lui, mais j'observe tout de même que si la logique que j'avais développée depuis un an n'avait consisté qu'à écrire un discours, nous n'aurions abouti à rien. Oui, il faudra mettre en place cette stratégie. Oui, il faudra faire les avancées nécessaires. Mais on ne va pas confier à Mme Ashton, dont le mandat va se terminer bientôt, le soin de mener cette politique. Oui, sur le fond, la question sera abordée. Mais il faudra attendre la nouvelle Commission.
Ensuite, si la question d'un état-major dédié au niveau européen (OHQ) n'a pas avancé jusqu'à présent, c'est parce que les Britanniques s'y sont opposés. Faut-il passer outre et courir à un nouvel échec ? Ce n'est pas ma logique. Pour l'instant, on ne pourrait aboutir à 28, étant donné l'attitude de la Grande-Bretagne. Pourtant, il arrive que l'on utilise l'état-major britannique pour mener une opération européenne - ainsi, l'état-major opérationnel de l'opération Atalanta est basé à Northwood.
Monsieur Lellouch, je me souviens d'un grand homme politique qui déclarait : « ...on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l'Europe, l'Europe »... mais cela n'aboutit à rien... » Il en est de même pour l'Europe de la défense. Pour ma part, je préfère le pragmatisme aux incantations. J'approfondis les relations avec nos partenaires, en les voyant souvent et en essayant d'avancer ensemble. Et je rejette le pessimisme que vous avez affiché à cet instant, tout en étant très conscient de nos limites et de nos insuffisances.
Je vais vous donner un exemple. Même si on a pu considérer que l'Europe n'avait pas été au premier rendez-vous sur le Mali, c'est elle, aujourd'hui, qui construit l'armée malienne du futur. Je me suis rendu à l'école interarmes de Kolikouro, où une vingtaine de nationalités sont représentées dans une même unité de formation, dirigée par un Français. Le quatrième bataillon sera formé dans quelques jours. L'Union européenne vient de décider de doubler le temps de cette opération, qui fonctionne bien. Qui aurait dit, il y a un an, que des Polonais ou des Tchèques seraient aujourd'hui à Bamako pour former l'armée malienne du futur ? Là, il y a une vraie avancée. Je pense que cela pourrait faire partie d'un partenariat à envisager avec l'Afrique. En effet, si on veut que celle-ci puisse se doter d'une force de réaction rapide pour elle-même, encore faudra-t-il la former. Je souhaite d'ailleurs que l'on puisse réfléchir, avec l'Union européenne, sur la façon d'aider l'ensemble des pays africains à se doter d'une force de réaction rapide, et donc à former des militaires dans ce but. J'espère que le Président de la République pourra mettre ce sujet sur la table lors du prochain Conseil européen. Ensuite, s'agissant la présence de l'Europe, qui nous aurait dit il y a encore un an que près de 400 militaires néerlandais au sol participeraient à la MINUSMA pour permettre le rétablissement de la sécurité au Mali ? Ce sont de réelles avancées.
Monsieur Lellouche, vous avez balayé d'un revers de main la question fiscale, qui a été inscrite à l'ordre du jour du prochain Conseil. Bien sûr, ce sera la plus difficile des questions qui seront abordées. Mais si l'Europe décidait d'instituer un dispositif d'incitation fiscale pour que les États membres coopèrent en matière d'acquisition de capacités ou industrielle, ce serait un progrès essentiel.
Ensuite, nous avons inscrit, à la demande de l'Assemblée nationale, dans le texte de la loi de programmation militaire, l'ouverture et l'élargissement du dispositif Athena. Il va falloir se battre, mais c'est un bon terrain, sur lequel nous pouvons avoir beaucoup d'alliés - d'autant qu'un nombre plus important de pays participe aujourd'hui à des opérations comme la mission EUTM, au Mali.
Enfin, ce n'est pas au troisième ou au cinquième jour que je peux vous donner une estimation du coût de notre intervention en RCA. Je peux toutefois vous indiquer qu'il sera beaucoup moins important que celui de l'opération du Mali : nous avons engagé moins de moyens humains, moins d'armements lourds, pour une logistique moindre ; nous avons mobilisé les forces prépositionnées ; l'acheminement se fait par bateaux. Cela devrait nous permettre d'avoir des coûts relativement modestes, qui s'inscriront normalement dans l'enveloppe affectée aux OPEX dans le budget 2014 - au moins pour l'instant. Mais dès que j'aurai des chiffres, je les transmettrai au fur et à mesure aux commissions. C'est ce que j'ai fait pour le Mali, quasiment tous les mois