En application des dispositions de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Secrétariat général du Gouvernement a transmis aux assemblées parlementaires, le 12 novembre 2013, le projet de contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et la société nationale de programme France Médias Monde, aux fins de recueillir leur avis.
Je vous rappelle que France Médias Monde (auparavant dénommée AEF) regroupe trois médias dont les identités sont préservées : France 24, RFI et Monte-Carlo Doualya qui diffuse en langue arabe au Moyen-Orient et au Maghreb.
Créée en 2008, cette entreprise a connu de multiples vicissitudes, un conflit social long et une crise de gouvernance qui a abouti (après que le gouvernement a demandé un rapport à M. Jean-Paul Cluzel) à une réorientation stratégique, permettant la survie de la structure et le regroupement de l'ensemble des personnels sur le site d'Issy-les-Moulineaux, tout en préservant l'identité des marques et des rédactions. Cette réorientation a conduit à la nomination à la tête de l'entreprise, il y a un peu plus d'un an, de Mme Marie-Christine Saragosse, qui dirigeait alors TV5 Monde.
Mme Saragosse s'est attelée à apaiser les tensions au sein de l'entreprise, à réaliser le regroupement et à remobiliser les équipes autour d'un plan stratégique élaboré avec une participation active des salariés. Ce travail en profondeur permet aujourd'hui de présenter un projet de contrat d'objectifs et de moyens en bonne et due forme, document que nous attendions depuis ....2009.
Mais « tout vient à point nommé pour qui sait attendre » et je me réjouis que ce document ait pu être élaboré d'autant qu'il est de qualité ainsi que vous avez pu vous en rendre compte à sa lecture puisqu'il vous a été transmis et que Mme Saragosse est venue la semaine dernière devant votre commission vous en exposer le contenu.
Je ne vais donc pas entrer dans son contenu mais vous faire part de mes observations qui sous-tendent le projet d'avis qui vous a été distribué et que je soumets à votre appréciation.
Nous disposons d'un document qui définit non pas tant la stratégie de l'entreprise - elle a élaboré son propre plan stratégique - mais les objectifs auxquels adhère l'Etat, et auxquels il affecte des moyens.
C'est une démarche intéressante, puisqu'elle laisse une part d'autonomie à la société pour développer des projets en dehors du COM, pour peu qu'elle dégage des ressources propres pour les financer et que Bercy n'en profite pas pour réduire la contribution. Quant au contenu, le document fixe une ligne éditoriale claire et expose une stratégie marketing cohérente. Il paraît équilibré et d'une modestie adaptée au niveau de progression des ressources.
Je vous propose toutefois de mentionner dans votre avis notre attachement à la consolidation de nos positions en Afrique et au Maghreb en cohérence avec les concluions des rapports d'information de nos collègues Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel d'une part, Josette Durrieu et Christian Cambon, d'autre part.
J'ajoute, s'agissant du Maghreb, que Mme Saragosse, lors de son audition la semaine dernière, nous a indiqué le besoin ressenti par les populations du Maghreb de disposer de médias internationaux en arabe qui se placent dans une optique « méditerranéenne », face à l'offre concurrente en provenance des Etats du Golfe.
L'Afrique, au sens large, est en effet le théâtre d'une vive concurrence des médias locaux en langues vernaculaires en plein développement et des médias internationaux (arabes, chinois, anglo-saxons) qui y diffusent des programmes en français. Je propose que nous demandions que les opportunités de développement sur la FM pour RFI et MCD, et sur la TNT pour France 24, soient examinées avec toute l'attention requise et au besoin que des financements complémentaires puissent être dégagés en cours d'exécution du contrat si nécessaire. Il en va de même pour la capacité de développer des programmes dans de nouvelles langues sur ce continent.
Je vous propose également que nous prenions une position ferme en faveur de l'extension de la diffusion des programmes de FMM sur le territoire national, car cette question est envisagée comme une possibilité et ne reçoit pas de financement particulier dans le contrat d'objectifs et de moyens.
Outre le fait que le contribuable de la redevance peut légitimement souhaiter avoir accès, dans les meilleures conditions possibles, à ces programmes au contenu spécifique et de qualité qui participent à la diversité de l'offre du service public de l'audiovisuel, ces programmes peuvent contribuer au renforcement de la cohésion nationale autour des valeurs de la République, alors que l'offre actuelle est inexistante, laissant le champ libre à des programmes étrangers ou à connotation religieuse ou communautaire. Au surplus, cette diffusion est susceptible d'être financée par la publicité.
Je vous propose également de saluer et de soutenir les efforts de l'entreprise pour préparer le passage à la diffusion en haute définition, ce qui devrait lui permettre (si elle est en mesure de financer les capacités satellitaires nécessaires) de limiter les effets d'éviction qui pourraient survenir dans un premier temps sur le marché européen et qui auraient des conséquences fâcheuses sur ses ressources propres.
Il est souhaitable que l'Etat soit en mesure de financer ces capacités de diffusion en cours d'exercice du contrat si les positions de France 24 se trouvaient menacées. Le contrat d'objectifs le prévoit comme une possibilité, je propose de l'affirmer dans notre avis de façon plus impérative.
Je propose également de saluer les développements en cours sur les nouveaux médias qui viennent compléter l'offre des différentes entités, renouveler leurs publics et les fidéliser. Ce sont des modes de consommation nouveaux, très prisés par les nouvelles générations, qui viennent en complément de l'écoute de la radio et de la télévision mais ne s'y substituent pas. Il faut donc être présent sur ces différents vecteurs.
Il faut aussi saluer les orientations données en matière de gestion, et notamment de modernisation des processus d'achat et d'investissement qui devraient permettre de dégager des marges de manoeuvre pour financer une partie des actions du contrat d'objectifs. Je propose cependant de veiller à ce que les marges d'autonomie de l'entreprise ne soient pas limitées par des obligations de coopérer avec les autres entités du secteur public - le COM contient un développement sur ces coopérations - qui fait un peu figure de style. La synergie au sein du secteur public a toutefois des limites et il faut que FMM puisse arbitrer, après une mise en concurrence ouverte, en fonction de la qualité des prestations offertes et de leurs prix, sans exclure la réintégration de certaines prestations en interne. Ceci vaut particulièrement pour les prestations de régie publicitaire, celle de France Télévisions, avec laquelle FMM est engagée jusqu'en 2015, ne s'étant pas montrée très performante jusqu'à maintenant.
Ainsi en 2013, alors que la régie estimait pouvoir réaliser 2,9 millions d'euros de recettes nettes pour France 24, elle a annoncé fin octobre que celles-ci seraient seulement de 1,5 million d'euros. Je note que ses principaux clients à l'international Canal Overseas, Euronews et Deutsche Welle l'ont quittée et qu'ils ne restent plus que les clients obligés du service public (FMM et TV5 Monde).
La trajectoire financière exposée suscite cependant quelques inquiétudes sur lesquelles je vous propose d'attirer l'attention des administrateurs de la société, mais aussi des ministres de la culture et de la communication, des affaires étrangères, et du budget qui en assure la tutelle.
Le chiffrage du besoin de financement s'établit à 10,8 millions d'euros qui est couvert pour un petit tiers par les dotations publiques, pour 1/5 par la progression des ressources propres et pour le solde, près de la moitié, par des économies et des redéploiements.
L'évaluation des ressources propres de l'entreprise paraît ambitieuse si elle ne dispose pas des moyens pour mener les actions de marketing et de communication nécessaires pour consolider, asseoir ou développer sa notoriété et son audience sur des marchés concurrentiel, ce qui était prévu dans le plan stratégique mais n'est pas prévu dans le COM.
FMM devra donc recourir à des expédients en cours d'exécution de son budget pour mener des actions au coup par coup alors que cela mérite une action continue et programmée.
Par ailleurs, ces recettes risquent de ne pas être au rendez-vous si France 24 devait se trouver dans l'incapacité d'assurer une diffusion en HD lorsque les opérateurs européens le demanderont. Enfin, il faut noter que ces ressources pourraient utilement être confortées par une extension de la diffusion sur le territoire national, comme je l'ai précédemment envisagé.
S'agissant du plan d'économies internes qui permet de couvrir près de la moitié du besoin de financement, il est exemplaire pour une entreprise qui a connu depuis plusieurs années une baisse de ses ressources et une réduction importante de ses effectifs, mais il est peu probable que l'entreprise puisse aller au-delà sans altérer la qualité de ses programmes ou l'étendue de sa diffusion. En outre, et je pense qu'il faut aussi l'affirmer clairement aux membres du conseil d'administration dans notre avis, l'enveloppe prévue pour réaliser l'harmonisation sociale (3,5 millions d'euros inscrits dans la base budgétaire en 2013) devra être respectée.
Enfin, l'entreprise doit être gratifiée pour ses efforts de gestion ou de développement de ses ressources. Il serait inacceptable que ses performances se traduisent par un moindre effort financier de l'Etat. Or, on voit bien la tendance naturelle qui consiste soit en construction budgétaire, soit en exécution (via le dégel partiel de la partie de la dotation gelée, comme c'est le cas cette année), à mettre l'entreprise en difficulté surtout quand elle est informée tardivement des décisions et qu'elle est dans l'impossibilité de rechercher des économies pour combler le manque de ressources. Les économies doivent au contraire lui permettre d'engager de nouveaux développements, en accord avec sa tutelle, certains d'entre eux sont d'ailleurs esquissés dans le contrat. C'est cette mise en garde que je vous propose de faire figurer dans votre avis.
Pour terminer, je propose également une observation pour prendre acte que les circonstances particulières qui ont conduit à la réorientation de la stratégie de l'entreprise et des modalités de son organisation n'ont pas permis de présenter un contrat d'objectifs et de moyens avant la fin de l'année 2013 et avant la présentation du projet de loi de finances pour 2014 et dire clairement que nous souhaitons à l'avenir que les contrats d'objectifs et de moyens puissent nous être soumis avant le début du premier exercice comptable auquel ils s'appliquent et, si possible, (s'agissant d'une entreprise financée à 95% par des ressources publiques) avant les arbitrages budgétaires qui procèdent à la fixation de sa dotation.
Sous réserve de ces observations, je propose à la commission de donner un avis favorable à l'adoption du contrat d'objectifs et de moyens de FMM.