Votre audition prend place à un moment particulièrement critique qui est celui des arbitrages qui transposent les orientations du Livre blanc dans la future loi de programmation militaire.
Après le chef d'état-major des armées nous avons entendu les chefs d'état-major de l'armée de terre et de l'armée de l'air. Nous rencontrerons prochainement le délégué général pour l'armement (DGA) puis le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
Les travaux de notre commission de juillet 2011, les rapports de la Cour des comptes et les travaux du Livre blanc ont montré que le contrat opérationnel et le format de nos armées, tel qu'il était prévu en 2008 et transcrit dans la LPM de 2009, étaient hors de portée. Le livre blanc de 2013 réévalue donc à la baisse ce format tout en préservant la cohérence du modèle et de chaque arme. Il ambitionne en tout cas de le faire. Vous nous direz ce qu'il en est pour la Marine.
Je dirai que le principal défi auquel nous sommes confrontés sera de faire en sorte que la LPM soit, pour la première fois, respectée à la lettre. C'est un véritable défi et nous savons que nous allons devoir être extraordinairement attentifs pour que cela se réalise. Nous partons, il est vrai, d'une base forte que constituent les déclarations claires du chef de l'État.
Nous savons que les efforts que nous demandons aux hommes et aux femmes de nos forces armées ne peuvent être obtenus que si nous assurons, j'allais dire enfin, une stabilisation. C'est du reste dans cet esprit que nous avons réclamé que le niveau des dépenses soit un socle en deçà duquel il n'est pas possible de passer sauf à admettre un déclassement irrattrapable de notre pays, un décrochement géostratégique. Vis-à-vis des personnels civils et militaires nous engageons la crédibilité de la décision politique.
Pour nos trois armées nous ne pouvons qu'être frappés par la difficulté de contrôler des espaces avec de moins en moins de moyens. Cela est valable pour la Marine dont l'espace de déploiement est de 365 millions de km carrés, c'est-à-dire la superficie des océans. Bien sûr, il ne s'agit pas d'être présents partout, mais disposons nous simplement des outils nécessaires pour contrôler nos 11 millions de km carrés de zone économique exclusive, tout en sécurisant nos voies d'approvisionnement, tout en prenant sa part des OPEX, tout en s'impliquant dans l'action de l'Etat en mer, sans oublier le socle organique des missions d'entrainement et le soutien à l'exportation ?
Depuis 2008 nous avons profondément réorganisé notre outil de défense. Nous avons essayé de faire plus avec moins en gagnant en efficience. Avons-nous atteints la limite de ces gains de productivité ? Peut-on aujourd'hui faire encore aussi bien avec encore moins ?
La réduction du format devrait logiquement conduire à une réduction du champ d'action défini dans nos priorités stratégiques. Le Livre blanc a essayé de s'y appliquer. Mais déjà, l'Asie incontournable se rappelle à nous et la phrase du Livre blanc qui dit que le « pivot américain » sera dimensionnant pour la France - semblant sous-entendre que nous pourrions nous en remettre à la présence des États-Unis - parait démenti par la réaffirmation de notre pays comme puissance du Pacifique et de l'Océan Indien qu'ont récemment fait le président de la République au Japon ou le ministre de la défense au « Shangri-La dialogue ».
Voilà donc beaucoup d'interrogations qui appellent des clarifications que vous n'allez pas manquer de nous donner.