Monsieur le Président, mes chers collègues, vous savez que les ressources de la mer ont cessé d'apparaître inépuisables, du fait de l'augmentation des besoins d'une population en progression, qui a engendré des campagnes de pêche de plus en plus lointaines avec des équipements de plus en plus sophistiqués.
La gestion inadaptée des ressources marines vivantes et les perspectives de surexploitation, voire de disparition des stocks ont été perçues depuis longtemps pour certaines espèces, comme la baleine dans les années 30. Mais c'est surtout après 1945 que les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) se sont développées comme un moyen privilégié pour sauvegarder des ressources menacées par la pression démographique et l'industrialisation du secteur de la pêche.
Ces ORGP sont des organisations internationales qui se consacrent à la gestion durable des ressources halieutiques dans les eaux internationales. Les règles et le mode de fonctionnement de chaque ORGP sont adaptés à sa situation géographique et à ses priorités. Il en existe deux types : certaines sont responsables des grands migrateurs comme le thon ou l'espadon, d'autres, des espèces pélagiques, c'est-à-dire vivant en pleine mer, et démersales, c'est-à-dire vivant au contact du fond dans la zone marine littorale.
Vous savez que les compétences en matière de pêche ont été entièrement transférées à l'Union européenne, avec une exception pour les pays et territoires d'outre-mer non inclus dans le territoire de l'Union. L'Union européenne est déjà partie au présent accord. Dans le sud de l'océan Indien, l'Union européenne a, comme la France, le statut d'« État côtier », au titre de l'île de la Réunion, et celui d'État pêcheur car plusieurs navires battant pavillon de pays de l'Union y pratiquent la pêche. La France a la qualité pour devenir partie à l'accord, en son nom propre, aux côtés de l'Union, car les territoires d'Amsterdam et de Crozet sont des pays et territoires d'outre-mer.
Notre pays participe activement au renforcement de la gouvernance des pêches : elle est ainsi membre actif de la plupart des ORGP mondiales thonières et non thonières.
S'agissant de l'océan Indien, la France a un intérêt particulier à ratifier cet accord puisque l'insularité qui caractérise les territoires français de l'océan Indien lui confère une zone économique exclusive de 2,7 millions de km2, soit environ un quart du domaine maritime français.
L'océan Indien représente un quart des captures de la flotte de pêche française, tous poissons confondus, et de 62 % des prises de thonidés (cette proportion est de 3,5 % pour l'Atlantique, et de 1,9 % pour le Pacifique). La frontière entre sa zone économique exclusive (ZEE) et la haute mer est une des plus longues, dans la zone de compétence de l'accord : elle est donc un État côtier majeur qui doit veiller à ce que la pêche réalisée dans sa ZEE ne soit pas altérée par une surpêche qui aurait lieu en face de sa ZEE. Cet accord lui permettra de défendre ses ressources naturelles, en particulier les stocks pélagiques dits « chevauchants » (c'est-à-dire circulant entre sa ZEE et la haute mer), qui se situent majoritairement dans les eaux internationales jouxtant sa ZEE. Il lui donne également les moyens de combattre la surpêche pratiquée, en face de sa ZEE, par des États cherchant à optimiser leurs droits de pêche tant que l'accord n'est pas entré en vigueur.
Deux organismes existent déjà dans cette zone : la Commission du thon de l'océan Indien, compétente pour le thon et les espèces apparentées et couvrant les ZEE et la haute mer, et la Commission des pêches de l'océan Indien du Sud-Ouest, dont la France est membre. Mais, jusqu'à présent, aucune ORGP ne couvrait les espèces non thonières en haute mer. Le présent accord vise précisément à protéger ces espèces.
Conclu en juillet 2006 à Rome, sous l'égide de la FAO, il a pour objectif d'assurer la conservation à long terme et l'utilisation durable des ressources halieutiques dans l'océan Indien du sud-ouest par la coopération entre les Etats, et d'y promouvoir le développement durable des pêches. Cet objectif passe par le suivi de l'état des ressources halieutiques et de leur niveau d'exploitation, l'évaluation de l'impact de la pêche sur ces ressources halieutiques et le milieu marin, la coordination avec les États côtiers pour la conservation et la gestion des stocks chevauchants qui circulent entre les eaux sous juridiction de ces États et la haute mer, et l'élaboration d'un ensemble normatif visant, notamment, à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, dite « pêche INN ».
Le budget de la future organisation, en cours de création, sera comparable à celui de l'ORGP du Pacifique Sud, soit 600 000 euros par an, dont 30 000 à la charge le la France.
Sur les onze Etats signataires (Australie, Comores, Union européenne, France, Iles Cook, Kenya, Madagascar, Maurice, Mozambique, Nouvelle-Zélande et Seychelles), quatre ratifications seulement sont intervenues à ce jour : celles des Seychelles, en 2006, de l'Union européenne en 2008, de Maurice, en 2010, et de l'Australie, en mars 2012.
La France doit ratifier cet accord qui tarde à entrer en vigueur. Je vous engage donc à l'adopter, comme l'a déjà fait l'Assemblée nationale, et à prévoir son examen en séance publique sous forme simplifiée, conformément à la décision prise par la conférence des présidents du 17 octobre dernier.